AHLEUCHATISTAS – Even in the Midst…
(Cuneiform / Orkhêstra)
Chez AHLEUCHATISTAS, c’est millimétré. CUNEIFORM, le label, parle à qui veut l’entendre, de « maths rock ». Ajoutez à cela, que ce groupe est un (power) trio on ne peut plus classique : basse-batterie-guitare (pas de chant, pas de pédales d’effets, nature donc) et vous avez, je crois, une idée assez précise de leur musique.
Pas de jazz là-dedans, malgré leur nom qui vient d’une chanson de Charlie PARKER (Ah-leu-cha), mais une conscience politique, revendiquée par la deuxième partie du nom du groupe qui fait référence au mouvement révolutionnaire de cette région pauvre du Mexique, le Chiapas (Los Zapatistas).
Comment faire passer un message politique dans une musique instrumentale ? Par la non-conformité des compositions (dixit le bassiste du groupe), par les titres évocateurs (sur leur album précédent, le premier titre Remember Rumsfeld at Abu Grahib sonnait comme une claque à la société bien pensante américaine) et par les pochettes des disques, soignées, toujours explicites dans leur contenu (avions jetant des flammes et cadavres ensanglantés sur cet album, mains coupées sur les pics et kalachnikov sur le précédent, musulmane irakienne agonisante sur leur deuxième disque…).
Une fois ce décor planté, nous pouvons passer à la chronique de leur quatrième disque Even in the Midst…, le second sur Cuneiform (après What you will). Le groupe annonce la réédition cette année de leur second disque (The Same and the Other) sur Tzadik.
Even in the Midst… est dans la continuité de leur discographie. Le math-rock d’AHLEUCHATISTAS balaye ce disque, de ses phrases répétitives quasiment sans mélodie, à vitesse supersonique (mention spéciale au batteur). Sur What you will, on avait l’impression que le groupe jouait ensemble tout le temps la même partition : sur les trois vidéos qui accompagnent le CD, on voit le batteur au centre de la scène et de l’image. A croire que les compositions sont écrites pour la batterie et que les deux autres trouvent des notes pour jouer la partition de la batterie !
Pourtant, il y a une évolution dans Even in the Midst… qui a une propension à prévoir une ligne pour chaque instrument même si la cohésion d’ensemble n’est jamais prise à défaut.
La formation en trio a ceci de particulier qu’elle oblige à la concision, à l’essentiel. Nous sommes ici face à une musique de couleur rock mais très écrite, complexe et abstraite et c’est ce qui a dû plaire à Cuneiform.
Il doit y avoir par moment quelques improvisations (sur Post Colonial Nausea par exemple), mais, franchement, tout se tient d’une logique implacable !
Alors bon, ce côté maîtrisé, l’absence d’air musical sur lequel s’accrocher, l’absence de fioritures sonores, et la rapidité permanente du rythme peut faire peiner sur la durée du disque, surtout aux premières écoutes. Il y a pourtant quelques pauses qui permettent à l’auditeur de respirer et plusieurs écoutes permettent de goûter aux différentes nuances qui regorgent de cette musique.
Sur The Bears of Cantabria shall sleep no more, l’électricité est même abandonnée au profit de l’acoustique et de cordes frottées à l’archet. Prosthetic God est la lumière de ce disque avec ses ruptures de rythmes liées à des ruptures de tempo, le tout emballé dans une succession de notes en mode mineur qui me font penser à du RIO pur jus et, même, la reprise d’une phrase au cours du morceau, presque un refrain !
Un groupe à suivre, assurément. A voir sur scène… dès qu’on peut !
Site : www.ahleuchatistas.com
Label : www.cuneiformrecords.com
Frédéric Vion