Bérangère MAXIMIN – Dangerous Orbits
(Crammed Discs)
Ce disque est à l’image de son interprète : à la fois intelligent et élégant, ce quatrième album sorti sur le prestigieux label Crammed Discs, intitulé Dangerous Orbits, vient compléter la célèbre série Made to Measure, succédant ainsi à une lignée d’artistes comme Fred FRITH, John LURIE, Harold BUDD ou TUXEDOMOON.
L’ancienne élève de Denis DUFOUR, grand nom de la musique acousmatique, influencée par des compositeurs comme François BAYLE, Luc FERRARI, Eliane RADIGUE et la scène électronique glitch, prouve encore ici qu’elle est une vraie magicienne, une aventurière maîtrisant le monde invisible des sons. Nouvelle héroïne dans le monde de l’électroacoustique dont le nom résonne dans nos cœurs depuis quelques temps déjà. Sa musique reste passionnante et touche par son intensité. La matière sonore se transforme en un poème quasi-cosmique happant l’auditeur « dans des considérations d’espace et de textures ». Nous partons à la dérive à l’écoute de ces sons fabriqués avec une grande justesse.
Son troisième album Infinitesimal (sur le label Sub Rosa) laissait envisager la voie qu’elle allait suivre avec Dangerous Orbits à savoir une musique incroyablement riche et détaillée, le temps de cinq compositions « amples et organiques », réalisées dans son Home Sweet Home Studio à Paris. Bérangère MAXIMIN est un secret. Sa musique également… En tous cas, pour nous, non-musiciens, la conception d’un tel disque relève du mystère. Mais c’est justement ce qui fait son charme !
Sound objects, microphonics, digital chimeras, voice : tels sont les impensables ingrédients qui ont amené à ce Dangerous Orbits, scellant la rencontre entre des éléments synthétiques et acoustiques. Les mélodies sont hors du temps, accompagnées de sons drones captivants, de vibrations souterraines et autres infra-basses puissantes. Cette musique vit, respire tel un organisme vivant dont les pulsations nous plongent dans un état second, permettant ainsi à notre conscience de s’envoler vers le Néant : OOP (Our Own Planet), pièce épique d’une vingtaine de minutes est une incitation à voyager dans un monde peuplé de rêves et de cauchemars.
Comme son précédent disque, nous pouvons dire que Dangerous Orbits propose des atmosphères extrêmement sombres et pesantes ; les titres s’enchaînent laissant planer une menace imminente. Cette impression de tension suffocante joue sur nos nerfs brûlés à vifs et nos émotions déboussolées. Cette musique n’est pas facile ! Elle nous bouscule et nous prend aux tripes ; c’est en même temps beau, prenant, limite obsédant mais aussi terrifiant parce que nous avons la sensation de tomber dans un gouffre vertigineux ou d’être complètement ensevelis par ces imposantes strates sonores qui finissent par nous écraser.
Un léger malaise peut aussi s’installer progressivement lors de l’écoute au point d’y trouver une certaine similitude avec des albums de MERZBOW (nous ressentons par exemple le même effet face à la noirceur éprouvante, voire malsaine, d’un Music for Bondage Performance, paru sur le label Extreme). Évidemment, la violence n’est pas la même que celle du bruitiste japonais ; ici, elle est beaucoup plus retenue comme s’il y avait le souhait de l’empêcher d’exploser totalement, manière d’apaiser les choses, mais au final le résultat est le même : l’ambiance générale est toute aussi pernicieuse !
Se dresse alors la vision d’un paysage inexploré, hostile, sauvage et primitif avec l’intrusion de toutes sortes de sons étranges, de grésillements venant de nulle part ou de bruits d’insectes et d’oiseaux inconnus comme sur OOP. C’est une musique qui se faufile lentement, tel le temps qui passe avec ses effets irrémédiables sur le corps (Cracks), nous rappelant que nous sommes sur cette planète Terre que pour un bref instant. C’est aussi une marche inexorable vers des temps obscurs indéfinis, qui deviendront un jour plus étincelants… Parce que finalement cette musique veut avant tout célébrer la vie, la lumière, l’imagination, l’élévation de nos consciences (Glow, A Day Closer, OOP) et surtout la liberté (No Guru Holds Me)…. Parce que Bérangère MAXIMIN est une insoumise.
Cette voix que nous percevons, lointaine et charmeuse, rappelant le chant d’une sirène, nous invite à la suivre mais c’est une tentative bien vaine, car cette musique s’évapore en un brouillard métallique éphémère. Bérangère MAXIMIN est à l’image de sa musique : insaisissable et unique.
Cédrick Pesqué
Site : http://www.berangeremaximin.com/
Label : www.crammed.be