Érik MARCHAND présente KREIZ BREIZH AKADEMI #3 – ELEKTRIDAL

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Érik MARCHAND présente KREIZ BREIZH AKADEMI #3 – ELEKTRIDAL 
(Innacor / L’Autre Distribution)

Les deux premiers collectifs issus de la KREIZ BREIZH AKADEMI (KBA pour les intimes), NORKST et IZHPENN 12, avaient, on s’en souvient, donné à écouter la musique bretonne sous un nouveau jour et avaient ouvert de larges perspectives. ELEKTRIDAL en ouvre d’autres, sinon plus ambitieuses, au moins aussi étonnantes. Car tout en gardant le postulat de départ qui est de « réinterpréter la musique de Basse-Bretagne en suivant les règles issues du monde modal (incluant l’improvisation) » (sic), ce troisième collectif ose de surcroît allumer l’électricité !

Facile, dira-t-on, et déjà entendu. Sauf que, en dépit de la présence dans ce collectif d’une batterie, d’une basse électrique fretless et d’une guitare électrique tout aussi fretless, ce qui est donné à entendre dans ce disque n’a rien à voir avec du rock celtique, ni même du rock breton. Contrairement à ce que pensent certains, l’amplification et l’électrisation n’impliquent pas nécessairement de suivre des chemins déjà hyper-balisés et de jouer sur des canevas trop corsetés.

S’il fallait donner une idée très, mais alors très générale du son d’ELEKTRIDAL, nous pourrions dire qu’il se rapproche d’un jazz-rock modal nourri d’inspirations polyculturelles. La formation d’ELEKTRIDAL elle-même reflète ce brassage, puisqu’on y trouve, outre les instruments cités plus haut, de la clarinette basse, de la trompette à quatre pistons, des saxophones ténor et soprano, un clavier à touches accordéon, du qanoun, des harpes électriques et – quand même – de la bombarde.

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Voilà donc un ensemble à la fois électrique et cuivré qui aime à jouer sur les effets, les textures, les couleurs et les climats. Traouzulon, qui ouvre le disque, affiche derechef cette tendance à l’amplification gorgée de zébrures métalliques. Et la marque du jazz fusion est clairement assumée sur Ton Kenavo Ha Ton Ar Gwinn.

La matière première reste donc toujours celle des thèmes de la tradition orale bretonne tels qu’interprétés par les plus grands chanteurs et chanteuses de Basse Bretagne (Madame BERTRAND en première ligne) et d’où sont tirés les échelles et les modes à partir desquels l’ensemble ELEKTRIDAL conçoit ses adaptations et improvisations.

Les voix souvent conjointes de Rozenn TALEC et de Fanch OGER affichent leur enracinement dans le terreau des chanteurs de tradition, tandis que cordes et cuivres s’aménagent à tour de rôle d’amples espaces d’expression spontanée, œuvrant sur des échelles proches des maqams orientaux (Tachenn Penn Ar Roz) ou sur des rythmiques marocaines gnawa (Mervel Kant Gwech).

La célèbre Gwerz Ker Is fait ici l’objet d’une version aussi imposante qu’envoûtante, avec notamment cette introduction avec des boucles cuivrées qui rappellent un peu l’univers minimaliste, hypnotique et hallucinogène d’URBAN SAX.

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Une autre gwerz, Zoudarded An Nation, est également au programme, et évolue dans un climat de tension quasi anxiogène.

Jamais sans doute la musique bretonne n’avait résonné de cette façon, et ce bien qu’elle ait déjà suscité des expériences musicales autrement audacieuses. ELEKTRIDAL parvient encore à nous la faire écouter sous un angle et sous un habillage inédits, aidé en cela par de grands maîtres d’autres cultures, tels que le trompettiste et pianiste libanais Ibrahim MAALOUF, le pianiste franco-serbe Bojan ‘Z’ ZULFIKARPASIC et Fawaz BAKER (directeur du conservatoire d’Alep, en Syrie), avec les conseils toujours précieux et avisés de Titi ROBIN, Rodolphe BURGER, Étienne CALLEC et Karim ZIAD.

Avec pareil entourage et parrainage, il n’y a aucune chance d’aboutir à du sur-mesure prédigéré. C’est dire si, comme ses prédécesseurs, cet opus s’adresse aux oreilles désireuses d’abandonner leurs préjugés.

Stéphane Fougère

Site : www.drom-kba.eu

Label : www.innacor.com

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS en 2011)

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