HEDNINGARNA – Hedningarna
(La Voce / Silence / Trema-Sony)
Brise-glace scandinave à l’imprononçable patronyme, HEDNINGARNA débarque enfin sur le marché français – après onze ans d’existence quand même – fier de son succès en Suède où il lui est déjà arrivé de créer des émeutes pour avoir joué sur des scènes trop petites.
La musique du groupe est en effet de celles qui provoquent les transes les plus débridées, et c’est apparemment la raison pour laquelle on a cru bon de l’étiqueter « techno chamaniste », histoire d’interpeller le chaland de l’actuelle génération. Bon, autant le dire, il y a de quoi rire : le terme « techno » n’est évidemment pas à prendre au pied de la lettre (on parle d’un groupe fondé sur le folk) et le terme « chamaniste », en dépit de son côté « hype », renvoie à une réalité.
En effet, le répertoire d’HEDNINGARNA est en bonne part constitué d’adaptations de thèmes traditionnels empruntés aux folklores lapons, finlandais et surtout suédois, où la polska, danse suédoise par excellence (qui n’a rien à voir avec la polka), est largement représentée. Et s’il faut en croire le livret, la polska génère dans la société traditionnelle des états extatiques pareils à ceux des rave parties. À écouter HEDNINGARNA, on le croit sans peine !
Formé à la base d’un trio instrumental, le groupe s’est très vite enrichi du talent de deux chanteuses finlandaises, Tellu PAULASTO et Sanna KURKI-SUONIO, dont le style éclatant et vigoureux, tout en sensualité sauvage, a de quoi faire fondre n’importe quel bonhomme de neige.
Mais la frange masculine du groupe sait aussi à l’occasion en imposer en matière de rugosités vocales, auxquelles se superposent des bourdons rustiques et médiévaux de vielle à roue et de tambour à cordes. Là, aucune tricherie possible : Anders STAKE, le meneur du groupe, a reconstitué pour la cause bon nombre d’instruments que l’on croyait disparus, et ce, à partir de modèles uniques exposés dans les musées.
Ainsi, hormis quelques sons épars de guitare électrique, de batterie et de samples, l’électrique cède largement le pas aux qualités acoustiques du hardingfele (violon suédois), du luth, du théorbe, de la cornemuse suédoise, de la guimbarde, des flûtes harmoniques ou en bois, du kantele, du cors en corne, de la harpe à archet ou du moulin à café…
Le disque qui nous est proposé rassemble plusieurs morceaux de choix principalement extraits des deuxième et troisième albums d’HEDNINGARNA, Kaksi ! et Trä, réputés pour être fondateurs du son du groupe et représentatifs de sa démarche. On déplore cependant que son quatrième opus en date, Hippjokk, paru en 1997, ne soit pas représenté.
Cela dit il y a, dans la sélection faite pour cette compilation, de quoi se permettre un récurage auditif à l’ensorcellement garanti ! Sinon, vous pourrez toujours essayer un bain de minuit dans un trou de banquise lapone avec vos seuls claquements de dents et de pieds pour ponctuer les hurlements lascifs et gourmands des loups de passage…
Stéphane Fougère
(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°3 – octobre 1998)