Les Frères MOLARD – Bal tribal

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Les Frères MOLARD – Bal tribal
(Ton All Produksion)

Les frères MOLARD, c’est, rappelons-le, 35 ans de musique bretonne aventureuse et conviviale. Patrick, Jacky, Claude et Dominique MOLARD auront été de presque tous les projets musicaux les plus inventifs en Bretagne. Aujourd’hui, Claude n’est plus, mais ses frères se sont retrouvés ensemble pour une nouvelle création dont voici enfin une trace numérique, dédiée à leur frère disparu. La formation BAL TRIBAL qui, depuis 2000, a écumé quelques bonnes scènes bretonnes et portugaises, se présente comme le manifeste d’une « bretonnitude » qui n’a pas froid aux binious et qui sait voir loin.

Arrivant à point nommé pour faire la synthèse des expériences des MOLARD, Bal tribal ressuscite en toute légitimité le répertoire de TRIPTYQUE, une formation un peu trop passée sous silence en son temps, celui de Deliou, un album-phare de Patrick MOLARD paru en 2000 et exhume plusieurs pièces restées inédites jusqu’à ce jour de Jacky MOLARD.

Ce Bal tribal, enregistré sur scène à Carhaix en février 2002, aurait très bien pu s’appeler « Mariage tribal », tant il célèbre des unions musicales audacieuses. Les Frères MOLARD et leur tribu nous offrent un palpitant voyage dans les recoins les plus vibrants de la Celtitude, de l’Écosse à la Galice, tout en louant la tradition bretonne dans ses grandes largeurs.

Mais il ne saurait être question pour eux de s’en tenir au plébiscite d’un interceltisme encore trop limité. Aussi, c’est les parfums des Balkans, de la Bulgarie et même de l’Inde qu’il nous est donné l’opportunité de humer à différents endroits dans ces huit morceaux au souffle intense.

Le violon de Jacky MOLARD s’ébroue et crisse en maints occasions, entraînant avec lui les âmes courageuses d’un quartet à cordes ; la bombarde d’Yves BERTHOU et les cornemuses de Patrick MOLARD font tonner une jubilation rageuse (Porz Kloz) ; Dominique MOLARD saupoudre les sentiers rythmiques d’épices percussives aux goûts variés ; la clarinette de Michel AUMONT tapisse les mélodies d’échos armorigènes sépulcraux ; la guitare de PELLEN, pinçante par-ci, suave par là, s’autorise des désordres râpeux ou métalliques quasi « hendrixiens » dans un « plinn de la mort » fiévreux (Plinn ar Maro) ; Kalinka VULCHEVA, de sa voix puissante et très enracinée, fait trembler les rivages épiques de Kitka of Surnets ; la contrebasse d’Hélène LABARRIERE ronchonne avec véhémence dans cet inimaginable pibroch qu’est Flame of Wrath for Squinting Patrick, attisé par un Patrick MOLARD démoniaque… Auditeurs frileux s’abstenir !

Dans ce Bal tribal, on admet de festivités que viscérales, organiques ; on taquine le chaos pour mieux appeler la lumière ; on « avant-gardise » dans la rusticité et on « traditionnalise » dans l’ouverture. Si l’on vous dit que la musique bretonne traverse ces temps-ci un nouveau « creux de vague », c’est qu’on vous ment une fois de plus ! Il suffit d’écouter Bal tribal pour s’en assurer.

Il est vrai que ce disque ne court pas les bacs de tous les disquaires et que sa diffusion se fait plutôt sous le manteau. C’est dommage, mais vous verrez qu’on en reparlera dans quelques années comme un opus oublié mais majeur.

Stéphane Fougère

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°12 – mars 2003)

Lire notre entretien avec les Frères MOLARD

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