Pandit Pran NATH – Raga Cycle (Palace Theatre, Paris 1972)

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Pandit Pran NATH – Raga Cycle (Palace Theatre, Paris 1972)
(Sri Moonshine / Orkhêstra)

Voici une parution qui ne devraient pas seulement ravir les férus de musique indienne, mais aussi ceux qui s’intéressent aux sources de la démarche entreprise par des figures pionnières de la musique contemporaine minimaliste. Pour preuve, ce disque paraît sur le label créé par Terry RILEY, en hommage à celui dont il fut le disciple, le Pandit (« maître ») Pran NATH, chanteur classique indien disparu en 1996. Ce dernier est issu de la « gharana Kirana », une très ancienne et très prolifique école de musique classique indienne du Nord de l’Inde (près de Delhi) spécialisée dans le genre « khyal », une musique de cour dont les origines remontent au XIVe siècle, et qui se présente comme une synthèse entre le genre « dhrupad » (style hindou religieux), la musique persane et la musique soufie.

Terry RILEY n’est pas le seul compositeur minimaliste à avoir été marqué par la profondeur du chant de Pran NATH : LaMonte YOUNG et sa compagne plasticienne Marian ZAZEELA l’ont été tout autant en écoutant le premier disque de Pran NATH paru en 1968 sur le label Douglas, Earth Groove : The Voice of Cosmic India, au point d’inviter le maître indien aux États-Unis, où il finira par résider, et où il fondera un centre dédié la musique classique indienne, la Fondation MELA. Pour d’autres personnalités comme Charlemagne PALESTINE, Henry FLYNT, Don CHERRY, Jon HASSELL ou encore Rhys CHATHAM, l’inspiration du Pandit Pran NATH a été tout aussi déterminante.

Le culte dont il est l’objet de la part de toute cette frange de compositeurs occidentaux contemporains contraste avec le peu d’enregistrements que Pran NATH a légué. De son vivant, seulement trois LP sont parus (celui déjà nommé, un autre sur le label Shandar et un autre encore de 1986 sur Gramavision), jamais réédités, et il a fallu attendre 2002 pour voir apparaître un premier double CD posthume, Midnight, contenant deux versions du Raga Malkauns interprétées par le maître en 1971 et en 1976. Donc au pire, les disques de Pran NATH sont épuisés et introuvables, au mieux ils sont rares et chers !

La publication de Raga Cycle est donc une bénédiction (merci M. RILEY !) puisqu’il contient un enregistrement inédit qui date de 1972. Au mois de mai de cette année-là, le Pandit Pran NATH s’était produit au Palace de Paris pour trois concerts répartis sur trois jours, mais à différentes heures. En effet, il est de tradition que l’atmosphère d’un raga indien corresponde à un moment de la journée, et c’est pour préserver cet esprit que le premier concert de Pran NATH du 28 mai s’est déroulé le soir, celui du 29 mai en fin de journée, et celui du 30 mai en fin de matinée.

Les trois quarts de ce CD sont ainsi occupés par un raga de la mi-journée, le Raga Shudh Sarang, qui débute par un court alap (plage improvisée sans percussion) puis se poursuit par deux compositions, une première sur un tempo lent (ektal, 12 temps), et la seconde sur un tempo plus rapide (teental, 16 temps).

Pandit Pran NATH y dévoile à loisir toutes les subtiles ornementations typiques du genre khyal, à la fois austère, recueilli et virtuose, étirant chaque syllabe avec un raffinement porté au plus haut degré, fouillant avec détermination les intervalles entre les notes, extrayant méticuleusement de chaque parcelle mélodique une étincelle émotionnelle qu’il n’a de cesse de faire perdurer, scrutant l’intonation pure.

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Pour l’anecdote, Pandit Pran NATH est sur cet enregistrement accompagné aux tampuras (dont il a également conçu de nouveaux modèles) par LaMonte YOUNG et Marian ZAZEELA, tandis que le tabla est (sobrement) assuré par nul autre que Terry RILEY.

Suivant la tradition du concert khyal, un second raga, plus court et plus enlevé, le Raga Kut Todi, vient clore l’album à 45 minutes, comme au bon vieux temps du vinyle.

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Gageons que d’autres volumes suivront pour achever de restituer toute l’ampleur de ce cycle de ragas exploré par Pandit Pran NATH, et dont « l’événémentialité historique » se double d’une grande qualité artistique à haut ferment spirituel.

Stéphane Fougère

Site : www.terryriley.com

Distributeur : www.orkhestra.fr

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°34 – juillet-août 2007)

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