Sivan PERWER : Le Poète de l’unité kurde

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SIVAN PERWER

Le Poète de l’unité kurde

Pour un peuple qui n’a pas de territoire propre, la langue et la culture deviennent son pays. Pour les Kurdes, Sivan PERWER est le symbole de leur unité. Les enfants apprennent la langue kurde avec ses chansons, il raconte l’histoire kurde dans ses textes et ses rêves deviennent les rêves de tous les Kurdes.

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Sivan PERWER est devenu la voix de son peuple : il a vendu 24 millions d’albums et plus de 20 millions de cassettes. Les Kurdes les cachaient la plupart du temps et, une fois qu’ils les avaient écoutées, ils les enveloppaient dans du plastic et les enfouissaient de nouveau dans la terre. En Irak, la possession d’une cassette de Sivan PERWER était punie de mort-

Et pourtant Sivan PERWER ne fait pas de politique dans ses chansons. Il chante le répertoire traditionnel, des odes à la nature, des histoires de tous les jours, des compte-rendus historiques du passé tumultueux de son peuple.. Mais le seul fait qu’il chante en kurde, qu’il raconte ce qui s’est passé et qu’il mette les Kurdes en lumière, c’est déjà trop. Depuis près de trente ans, Sivan PERWER vit en exil et, pendant tout ce temps, il n’a cessé de faire de la musique. Ses concerts sont de véritables fêtes où l’on danse, on agite le drapeau, des moments d’une grande intensité, d’une grande émotion, où l’on ressent aussi beaucoup de mélancolie…

Le nom PERWER signifie-t-il quelque chose en kurde ?

Sivan PERWER : Perwer en kurde veut dire : berger aimé. PERWER est le nom de ma tribu, de ma famille. J’ai une grande famille et ce sont tous des PERWER. Dans la tradition ancienne kurde, les gens vivaient toujours en tribus, et lorsqu’on rencontre quelqu’un on lui demande d’abord de quelle tribu il est. Après, on lui demande à quelle famille il appartient.

De quel endroit venez-vous exactement ?

SP : Du nord-ouest du Kurdistan, ou, vu du côté turc, du sud-ouest.

Vous êtes parti en 1976. Depuis vous êtes devenu un réel symbole-

SP : C’était une véritable responsabilité d’être considéré comme le symbole de la liberté.

Dans le chapiteau, pendant le concert, on pouvait voir aujourd’hui des Kurdes agitant le drapeau, vous acclamant…

SP : Pour vivre dans ce monde avec honneur, et pour préserver les valeurs traditionnelles et nationales, il est important de se poser en défenseur. Quand vous sentez que quelqu’un cherche à détruire ces valeurs, il faut trouver une force politique, rassembler le peuple. Il faut résister. Mes chansons contiennent un message par rapport à cela. Je cherche à introduire un message dans chacune de mes chansons, comme, par exemple, la situation du fermier au Kurdistan. Un fermier là-bas, c’est pas comme ici, il dépend de l’Agha. L’Agha possède des fermes et plusieurs milliers de fermiers travaillent pour lui. Mais ils ont faim, car l’Agha cherche à entretenir un bon contact avec le gouvernement mais ne se soucie pas du Kurdistan, du peuple.

Ensuite, si l’on parle du Kurdistan, qu’est-ce que ce pays, que signifie la liberté ? Pourquoi le Kurdistan ,contrairement aux autres pays, n’a pas de liberté ? Il est divisé en quatre parties : Turquie, Irak, Iran, Syrie. Pourquoi nous ne sommes pas ensemble, pourquoi ne sommes-nous pas libres ? Qu’est-ce qui nous arrive ? Pourquoi ont-ils interdit notre langue, notre culture ? Voyez, moi, parce que je chante pour vous, ils veulent me punir ou alors je dois quitter le pays. Ce n’est pas à cause de moi, mais parce qu’ils n’aiment pas quelqu’un qui parle aux Kurdes. Voilà le message de mes chansons.

Et au niveau de la musique, avez-vous toujours joué de la musique, comment êtes-vous venu à cela ?

SP : Je vais vous dire quelque chose de très important : être musicien en langue kurde, un musicien kurde, c’est très difficile. Car le Kurdistan n’a pas de gouvernement unique. Les musiciens sont obligés de rester au service du seigneur, l’Agha, tels des serviteurs. Jamais, au Kurdistan, un musicien ne peut devenir assez célèbre pour pouvoir vivre économiquement de sa musique. Un musicien en kurde s’appelle dengbej : qui crée des histoires avec de la mélodie. La situation du dengbej est très difficile. Autrement, s’il veut devenir célèbre et riche, il doit traduire ses textes kurdes en turc. Le turc est autorisé, le kurde non. Moi, je suis un chanteur kurde, je chante en kurde et je dis à tous les autres : «sois fier de ta langue, chante en kurde». S’ils nous occupent, il faut qu’on résiste avec notre langue, notre culture. Nous sommes un peuple, c’est notre pays, pas le pays turc. Les Turcs nous ont envahis. Pourquoi supporter cette situation ? Je n’arrête pas de dire cela. C’est pourquoi, depuis 28 ans, je ne suis pas rentré là-bas.

Vos textes, outre les messages, contiennent aussi beaucoup de poésie.

SP : Oui, bien sûr. «Il pleut. Toi et moi marchons dans la rue. Il est tard. Il fait nuit. La lumière vient des fenêtres allumées. La pluie tombe. Notre amour coule avec la pluie. Si beau dans cette lumière. Il pleut. La pluie tombe tout autour de nous. Un chat vient. A le voir ainsi, seul, nous sommes tristes, nous nous demandons pourquoi il est seul. Oh ! mon Dieu, il ne faut pas laisser quelqu’un seul. Il pleut. Il pleut. Aujourd’hui, aussi, il pleut. Et maintenant je suis seul. Te souviens-tu de ce chat, quand toi et moi étions tristes ? C’est la même rue. Je marche seul. Il est tard. Je ne sais pas où tu es. Peut-être pleures-tu en pensant à nous. Comment vas-tu, là, maintenant. J’aimerais savoir… Je pense que je t’aime. J’aimerais être cette goutte de pluie et me joindre aux autres qui coulent vers la terre. Car c’est difficile à supporter, à vivre comme cela. Il pleut, encore. Dans la rue, sans toi, à présent, je suis seul. Si tu es triste, pense au chat.»

Votre dernier disque est sorti sivan-perwer-min-beriya-te-kiriyeen automne dernier. Avez-vous d’autres projets ?

SP : Le label du dernier disque, sorti en automne effectivement, était Daqui. L’année dernière, à cette époque, j’étais au festival de Langon (Nuits atypiques) et le disque était un enregistrement live sur scène. Je n’exerce aucun contrôle sur ce disque. J’espère que ça marche bien. La dernière fois que j’ai écrit des chansons, c’était il y a trois ans. Actuellement, j’en prépare de nouvelles. Quand la situation avec le Kurdistan et la Turquie était critique, je ne pouvais écrire. Ma voix n’était pas ce qu’elle devait être non plus. Maintenant, j’ai pu créer beaucoup de chansons nouvelles avec différents maqams, différents modes et cela devrait faire un excellent disque.

Propos recueillis et traduits de l’anglais par Marie-Paule Bonné
en août 2004 au festival Sfinks à Boechout (Belgique)

(Article original publié dans
ETHNOTEMPOS n°16 – février 2005)

Site : http://www.sivan-perwer.com

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