VAN DER GRAAF GENERATOR – Live at the Paradiso 14.04.07 (DVD ou double CD)
(Voiceprint)
Mouvementée et imprévisible, la carrière de VAN DER GRAAF GENERATOR l’aura été à toutes les époques ! La « réunion » annoncée en 2005, qui aurait dû être sans lendemain, s’est transformée en tournée, accompagnée d’un nouveau double album, ce qui a fait croire que le groupe avait finalement décidé de se reformer pour plus longtemps. Et puis patatras ! Le souffleur David JACKSON, l’une des chevilles ouvrières du son du groupe, a quitté le groupe. C’en était-il donc fini de celui-ci ? Que nenni, les autres membres du groupe ont décidé de poursuivre l’aventure en trio ! Les fans, qui en étaient passés par tous les stades émotionnels, n’avaient cette fois plus l’intention de faire de cadeau.
Arrive l’année 2007, celle où le « VDGG Trio » a décidé de se montrer sur scène et de tester la température… autant celle qui émanait des salles que celle qu’il était lui-même encore capable de dégager.
Ce qui aurait pu être une épreuve douloureuse et laborieuse, VDGG l’a transformé en terre (brûlée) de toutes les audaces, ce dont témoigne ce concert à Amsterdam, dans le classieux Paradiso. La captation filmée de ce concert a été un temps visible sur le site de Fab Channel avant que ce dernier ne disparaisse de la toile, et sa publication aujourd’hui en supports audio et vidéo tient de l’initiative plus qu’heureuse, car le contenu de ce document est d’une nature autrement abrasive que celle de la réunion au Royal Festival Hall en 2005, à valeur surtout nostalgique et événementielle.
Le VDGG Trio n’a rien à vendre (l’album Trisector n’était pas encore à l’ordre du jour), il a juste envie de prouver qu’il a encore le « droit de survivre » et mieux, de vivre. Et pour ce faire, il a opté pour une prise de risque maximale côté répertoire !
Peter HAMMILL, Hugh BANTON et Guy EVANS ne pouvaient pas faire table rase du passé, sans quoi le port du nom VDGG eut passé pour une usurpation d’identité. Il leur a fallu faire le tri sur ce qu’ils pouvaient encore jouer sans un saxophone et une flûte et repenser les arrangements pour un trio orgue, voix + piano-synthé ou guitare et batterie.
Outre les indécrottables Sleepwalkers, Scorched Earth, Lemmings et l’inusable Man-Erg, on retrouve (In the) Black Room, curieusement enchaîné à Every Bloody Emperor, seul vestige de Present, l’album de la réunion 2005. Mais le trio crée vraiment la surprise en reprenant des pièces des années 1970 qu’il n’avait pas retenues en 2005, comme le filandreux Meurgly’s III, légèrement raccourci pour le rendre plus résistant, et l’inattendu A Place to Survive, peu joué dans les années 1970 et tout aussi vite disparu des set-lists depuis ces concerts de 2007. Dommage car en le rendant plus concis, il est devenu plus efficace, avec un swing irrésistible.
Mais l’hystérie fut à son comble au Paradiso quand le trio a joué l’hymne mégalomane de Peter HAMMILL tiré de son album In Camera, Gog, toujours aussi grandiose dans sa démence visqueuse. Impensable mais vrai !
De toute façon, il fallait déjà beaucoup d’audace pour oser démarrer ce concert avec un morceau aussi heurté que Lemmings. La couleur était on ne peut mieux donnée, et la voie tracée même si ses contours restaient improbables. Et puisque le credo de Peter HAMMILL et de ses acolytes est de « regarder devant plutôt qu’en arrière », le trio s’est essayé à caser deux nouvelles compositions que l’on retrouvera dans Trisector, l’introspectif Lifetime et le foutraque All That Before, aux structures déjà bien définies, avec ici et là quelques menues différences par rapport à leur future version studio, notamment dans les paroles.
À bien des égards, ce concert avait une set-list aussi hasardeuse que palpitante. Il méritait de figurer dans la discographie et la vidéographie officielles de VDGG, tant il marque d’une pierre blanche le tournant que prend le groupe à ce moment, en même temps qu’il valide son obstination à continuer.
Bénéficiant d’une somptueuse définition, les images traduisent à merveille la complicité qui unit nos trois sexagénaires, la force incroyable qui les anime et, surtout, l’aisance remarquable dont ils font preuve sur la scène très photogénique du Paradiso, là où le concert du Royal Festival Hall en 2005 laissait transparaître une (légitime) crispation. Et ce qui se donne à voir sur le DVD est tout aussi jouissif à écouter sur le double CD (vendu séparément, ce n’est pas malin !).
Le DVD contient également en bonus une interview avec Peter HAMMILL réalisée en avril 2009, qui donne l’occasion d’apprécier la volubilité du « thin man » et de regretter qu’il n’y ait pas au moins des sous-titres anglais !
Stéphane Fougère
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°28 – mai 2010)