Abou DIARRA – Sabou
(Mix & Metisse)
Il est des albums qui, sans en avoir l’air, ont vraiment une longue et extraordinaire histoire derrière eux. Sabou est assurément de ceux-là, à l’image en fait de son concepteur, Abou DIARRA, dont la vie ressemble à ces mythes magnifiques que seule la très ancienne Afrique est capable d’engendrer. Ecoutez ça.
Abou DIARRA est né en 1975, dans la région de Sikasso, au sud du Mali, berceau de la musique Wassoulou (ce que d’aucuns nomment le blues africain) et est le fils d’un grand chasseur-féticheur et d’une chanteuse initiée aux savoirs mystiques.
Or, les chasseurs de la région sont aussi, de longue tradition, des joueurs de kamale’n’goni. Cet instrument de musique est une sorte de guitare traditionnelle à 6 cordes, fabriquée à partir d’une calebasse coupée au 3/4 et évidée. Un manche de bois ou de bambou, traverse la calebasse et sert de support aux cordes (deux rangées parallèles). La calebasse est ensuite recouverte d’une peau d’animal (le plus souvent de chèvre) après avoir été percée d’un trou. C’est l’instrument de musique incontournable de la culture des griots et du monde des chasseurs, à tel point qu’il était connu initialement sous le nom de dozo n’goni (le n’goni des chasseurs), étant l’emblème des chasseurs et de leur confrérie, l’instrument d’accompagnement des récits de chasse, des jeux musicaux entre chasseurs, des louanges mais également de la médecine traditionnelle et de la communion avec les esprits. Voilà pour l’instrument de musique, qui nous plonge déjà dans les racines profondes et sacrées de l’Afrique.
Mais l’histoire d’Abou DIARRA est toute aussi passionnante. Initié à la musique dès son plus jeune âge, accompagnant sa mère aux cérémonies et fêtes traditionnelles. Il s’intéresse au n’goni autour de ses 14 ans, fabrique son premier instrument et quitte son village pour rejoindre Daouda BAGAYOKO, qui deviendra son premier maître et avec lequel il passera un an. Il poursuivra ensuite sa route vers la Côte d’Ivoire, où il y puisera des sonorités inconnues au Mali.
Après cinq ans d’une errance très formatrice, Abou DIARRA revient vers sa région natale, riche de son seul instrument et de son savoir durement acquis. De village en village, donnant de petits concerts, il est vite reconnu, malgré son jeune âge, comme un joueur de n’goni hors pair, et un chanteur doué. En chemin, il renoue avec de vieux musiciens de la brousse, replongeant alors dans ses propres racines. C’est là qu’il tire l’inspiration d’un nouveau style, mélangeant la modernité découverte à Abidjan avec le jeu traditionnel de la brousse et la sagesse ancestrale. Il ajoute des cordes à son n’goni et invente des sonorités inédites, interdites dans la musique des anciens.
En 1999, il quitte la région de Sikasso et continue sa route vers la capitale du Mali, Bamako. C’est là qu’il rencontre un autre joueur de kamale’n’goni du nom de MOUSSA KANTE, autrement dit Vieux Kanté, aveugle mais virtuose, une célébrité reconnue et vénérée dans tout le Mali. Une chance inespérée ! Abou DIARRA devient son élève neuf années durant, l’accompagnant aussi bien dans ses concerts, au Mali et dans toute l’Afrique, que dans sa vie quotidienne. Ils resteront ensemble jusqu’à sa mort en 2005. Abou DIARRA est alors reconnu comme son digne héritier, ce qui a réellement valeur de consécration suprême en Afrique.
Et c’est donc tout cela qui donne sa valeur et sa saveur à ce Sabou dont il est ici question, savant mélange de tradition et de modernité, de n’goni, d’accordéon et de violon, de blues, de groove et de choeurs féminins. Une merveille dans son genre, tout simplement.
Site : www.aboungoni.com
Label : http://mixetmetisse.com
Frédéric Gerchambeau