ART ZOYD – Metropolis

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ART ZOYD – Metropolis
(In-Possible Records / Fairplay)

Après la réalisation de Häxan, qui clôturait une trilogie entamée avec Nosferatu et poursuivie avec Faust, ART ZOYD s’était juré de ne pas travailler sur de nouveaux projets ciné-concert. Puis vint Metropolis. Tant pis pour la contradiction ! Il est vrai que Metropolis est un vieux rêve d’ART ZOYD, qui, avant Nosferatu, avait caressé l’ambition de « sonoriser » cette œuvre de Fritz LANG. Mais cette époque fut celle de la version colorisée, et « musiquée » par Giorgio MORODER. La place était déjà prise, il n’était pas question d’avoir les droits… Puis vint la version restaurée, et l’opportunité pour ART ZOYD de finalement se remettre à la tâche. Sauf qu’entre-temps le groupe a changé, tant de personnel que d’instrumentarium, et qu’il s’est défini d’autres voies de création.

ART ZOYD fonctionne dorénavant plus comme un laboratoire, un organisme qui se renouvèle par l’apport des musiciens et compositeurs conviés à rejoindre le groupe sur tel ou tel projet. Le travail de composition pour Metropolis est ainsi le fruit des deux piliers d’ART ZOYD, Gérard HOURBETTE et Patricia DALLIO, et du compositeur et bassiste Kasper T. TOEPLITZ, fondateur de SLEAZE ART. Quatre autres musiciens ont été engagés pour ce projet, qui se révèle être le plus ambitieux des ciné-concerts d’ART ZOYD. À l’instar du film, la « bande-son » du groupe s’étale sur un format de près de deux heures, soit deux CD.

Metropolis confirme l’orientation quasi « tout-machine » d’ART ZOYD : claviers et échantillonneurs constituent l’épine dorsale de l’instrumentation du groupe, avec des percussions électroniques et acoustiques et, accessoirement, la basse de TOEPLITZ et les saxophones et tubax de Serge BERTOCCHI. S’il n’y a donc pas d’énormes changements à attendre de Metropolis sur le plan musical (en dépit des propositions de TOEPLITZ qui déblaient de nouveaux terrains), sa conception mérite cependant qu’on s’y attarde.

Les 33 pièces qui composent le Metropolis artzoydien ne sont pas le fruit d’un travail de composition individuel ni collectif. À la base, HOURBETTE, DALLIO et TOEPLITZ ont composé chacun dans leur coin, mais les musiques qu’ils ont généré ont ensuite été mêlées les uns aux autres pour aboutir aux pièces présentées. C’est-à-dire que chaque pièce, ou presque, contient en fait deux ou plusieurs compositions individuelles qui ont été confrontées ou fondues entre elles. Chaque composition a subi un processus de superposition, de confrontation, de fusion, voire de dissolution, avec ses semblables pour finalement engendrer l’apparition d’un nouvel espace sonore ou, si l’on veut, d’une pièce nouvelle.

Ainsi, on peut retrouver la même composition à plusieurs instants de la bande-son, donc dans plusieurs pièces de l’album, mais chaque fois confrontée à d’autres compositions différentes, au point qu’on ne la reconnaît plus tout à fait, voire qu’on ne la distingue plus du tout. Il arrive également que le mariage forcé de deux compositions engendre deux résultats distincts. Par exemple, Générique et La Révolte des profondeurs ont été conçus à partir des deux mêmes compositions de Patricia DALLIO, Court-circuit et Gros Plan sur les mouches, mais leur fusion dans chaque cas aboutit à un résultat différent, par des effets de décalage ou de découpage. On peut établir une analogie avec le montage cinématographique : à partir des mêmes images, des plans et des séquences différentes… La conception de Metropolis relève ainsi d’un processus de mutation alchimique des matériaux sonores et musicaux qui fait fonctionner à plein régime la dialectique ordre/chaos sous-jacente à la dramaturgie et au rythme du film de Fritz LANG.

Et parce que les musiques de Metropolis en ont inspiré d’autres et que ces autres musiques, par réflexion, se sont intégrées à Metropolis, ce double CD contient de plus deux pièces qui ont servi pour d’autres projets et qui exploitent deux pôles climatiques soigneusement explorés dans Metropolis : Le Chat de Schrödinger, de Gérard HOURBETTE, pour le ballet du même nom de Karole ARMITAGE, se distingue par sa construction heurtée, chahutée, faite d’assauts épileptiques ; et Appars, de Kasper T. TOEPLITZ, conçu pour Expériences de vol, un autre projet d’ART ZOYD avec l’Ensemble Musiques Nouvelles est traversé de vibrations sourdes, de tensions doucereuses.

De la fureur machinique au silence atomique, Metropolis accumule les contrastes et les soubresauts et parvient presque à faire oublier sa longueur (2h.30 quand même !). Et il n’est pas sûr qu’ART ZOYD ait déjà tout dit…

Stéphane Fougère

Site Web : https://artzoydstudios.com

 

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