CLUSTER – Konzerte 1972/1977
(Bureau B)
Enfin disponible ce Konzerte 1972/1977 de CLUSTER paru sur le label Bureau B, témoignage live figurant à l’origine dans le coffret Cluster 1971-1981. Bureau B a eu la bonne idée de le sortir séparément, pensant ainsi pour une fois aux fans qui possédaient déjà tous les albums et qui hésitaient à la vue du prix d’acheter cette box juste pour un disque inédit.
Ce live propose deux titres de plus de vingt minutes, issus de deux performances du duo Dieter MŒBIUS (à gauche sur la pochette) / Hans-Joachim RŒDELIUS (à droite) ; le premier provient d’un show de 1972 à Hambourg (Fabrik). CLUSTER a joué trois fois dans cette ville entre 1971 et 1972. Nous avions une autre trace live de quinze minutes dans l’album Cluster II, mais c’était juste un extrait ne donnant pas la possibilité d’apprécier pleinement l’expérience du live. CLUSTER en live est quelque chose d’assez impressionnant ; c’est une performance artistique à part entière pouvant durer des heures. CLUSTER offre une grande messe rituelle électronique, noisy et indus, ouvrant la porte vers un monde nouveau, avant-gardiste.
Cette prestation intense de 1972 confirme que CLUSTER faisait une musique difficile, improvisée, spontanée et intuitive, où les sons, les interférences, les oscillations se croisent, s’entrechoquent pour former une vaste entité organique née du fin fond de l’âge électronique et expérimentale.
Le morceau démarre sans perdre un instant avec des sons arrivant telle une symphonie de sirènes d’alarme, stridentes à souhait, témoignages d’une certaine urgence. Ne paniquez pas, il s’agit juste d’une attaque sonique. Malgré tout, cela réveille en nous un sentiment d’inquiétude et de paranoïa qui ne fait qu’augmenter au fur et à mesure que ces sons deviennent plus forts, jusqu’à cet apaisement bienvenu marqué par ce long passage atmosphérique sombre qui semble se diluer lentement dans le temps, avant le final marqué par le retour des sirènes fracassantes. Cette pièce est une œuvre d’art électronique mêlant des ambiances déroutantes, assourdissantes, presque invisibles, et de « bidouillages inexplicables » comme savent le faire RŒDELIUS et MŒBIUS avec leurs machines mystérieuses.
L’autre enregistrement date de 1977 et il est aussi très intéressant. CLUSTER était venu à Metz pour le deuxième Festival international de la science fiction (qui s’est déroulé entre le 19 et le 25 septembre). Cette prestation s’avère répétitive, constituée notamment d’un motif dronique à la HELDON, et de sons d’orgue hypnotiques. C’est un voyage lancinant, très obscur, parfois effrayant par son aspect fantomatique et très science fiction, correspondant parfaitement au thème du festival ! La longueur du titre n’est en rien problématique pour nous ; il montre une nouvelle fois l’inventivité et l’osmose quasi télépathique des deux musiciens à pouvoir créer des atmosphères très prenantes. La musique de CLUSTER, à l’instar des premiers KRAFTWERK, faisait partie des plus aventureuses. Comme celle de FRIPP / ENO, elle annonce tout simplement l’ère future de la musique noise et drone.
Ce qui marque aussi les esprits est qu’il y a un réel décalage entre le CLUSTER live, très rude, rêche, brutal (à écouter aussi le live de 1980 à Vienne sur Important Records) et le CLUSTER des albums studios, qui se révèlent plus accessibles comme le mélodique Zuckerzeit (aux hymnes électroniques presque enfantins) ou plus proches de l’ambient avec Sowiesoso (1976), Cluster & Eno (1977), Grosses Wasser (1979). Les live ont toujours eu un caractère plus corrosif, violent, où se dégagent cette dure réalité grisâtre industrielle ; les albums (disons à partir de Zuckerzeit) étant plus proches du rêve ou de la mélancolie. Nous pourrions penser qu’en 1977 CLUSTER allait jouer une musique plus douce, plus accessible et plus ambient. La preuve ici qu’il n’en est rien.
Konzerte est un album passionnant pour tous les fans même si la qualité sonore n’est pas au top. Il permet de capter l’atmosphère spéciale qui ressort d’un live de CLUSTER à deux périodes différentes. Et il faut bien admettre que cette musique conserve encore aujourd’hui toute sa magie et sa force.
Cédrick Pesqué
Site : www.bureau-b.com
Juste un mot pour compléter celui (déçu) que je viens de laisser sur Heldon Live in Metz ’77 : j’ai acheté – toujours à Toulouse mais chez le disquaire d’en face du précédent – ce Cluster live. Et je suis aussi emballé que Cédric 🙂