Darko RUNDEK & CARGO ORKESTAR – Mhm A-ha Oh Yeah Da-Da

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Darko RUNDEK & CARGO ORKESTAR – Mhm A-ha Oh Yeah Da-Da
(Piranha)

Deux ans après la sortie française de Ruke (La Comédie des sens), son premier album, le CARGO ORKESTAR et son capitaine Darko RUNDEK nous convie à embarquer de nouveau dans son rafiot largué à tous les vents sonores ou presque : électro-pop cyberplanante, balkanerie gouailleuse, flânerie rock, latinerie languissante, piafferie cabaretière, j’en passe et d’autres qui tracent un grand écart entre la mélodie nonchalante et la dissonance ricanante. L’équipage est désormais connu, et atteste à lui seul du caractère cosmopolite de l’expédition : les bagages de chacun des membres de l’équipage, pour différents voire antinomiques qu’ils peuvent être, sont brassés sans complexes pour donner corps à des destinations sonores et émotionnelles qui snobent allègrement les frontières géographiques.

Chaque chanson de Darko RUNDEK a sa propre atmosphère, sa propre singularité formelle et structurelle. L’auditeur novice qui vient d’embarquer pour la première fois sera probablement déstabilisé par ces coqs-à-l’âne stylistiques que le CARGO ORKESTAR pratique d’un morceau à l’autre, comme pour effacer des repères trop étiquetables. C’est que le CARGO n’est pas du genre à ancrer dans un seul port, et ce sont bien plutôt ses expéditions qui construisent son identité. Il y a de toute façon pour lier tout cela la voix de Darko, fascinante dans ses extrêmes, du murmure à la harangue, du yodel au blues voilé… On se laisse subrepticement tenter pour refaire le voyage…

Ce nouvel album compile donc, selon son sous-titre, des Migrations Stories and Love Songs, soit des histoires de migrations racontées comme des fresques romantiques, et des histoires d’amour narrées comme des voyages. Toutes parlent de mouvements, de transports (sous influences), qu’ils soient matériels, physiques, sentimentaux…

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Il est au fond toujours question de croisements (Helga), de départs (Put u Sumrak), de séparations (Ne okreci se), de déchirements (dûs aux affres de la guerre dans Zvuk oluje), de dérélictions (celle de l’internaute dans l’aérien Sinsemilja), de quêtes d’un ailleurs (12 ptica)… avec ce regard désabusé et résigné sur la Metropolis des temps modernes, et notamment son inextinguible propension à la consommation (Mhm A-ha Oh Yeah Da Da), cette aspiration utopique vers « autre chose », ou encore ce goût du burlesque grinçant dès lors qu’il s’agit de stigmatiser les comportements compulsifs du tourisme (Slick Senorita) et de l’ « Internetmania » (Wanadoo). C’est toujours l’histoire de l’être humain face à ses manques, ses vides…

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Les humeurs de Darko RUNDEK sont aussi changeantes et bariolées que les sons du CARGO ORKESTAR sont contrastés et métissés. Mhm A-ha Oh Yeah Da Da : bon sang mais c’est bien sûr ! affirmatif mon capitaine, et en plusieurs langues s’il vous plaît, et ce dès la première chanson, U-Bahn, qui jongle entre l’anglais, le français et l’allemand, tandis qu’ailleurs on mélange l’anglais et le croate… Le multilinguisme, dernier rempart contre la globalisation ? Toujours est-il que la communication (ou son manque) est au centre des problématiques interrogées par Darko RUNDEK.

L’expédition du CARGO ORKESTAR peut déconcerter, voire déranger, mais en même temps elle peut charmer, attiser la curiosité, faire rêver et réfléchir. On a encore le droit de faire de la musique intelligente, non ? Mhm, A-ha, Oh Yeah, Da Da !

Stéphane Fougère

Site Web : www.darko-rundek.com

Label : http://www.piranha.de/

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°26 – octobre 2006)

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