Festival Interceltique de Lorient 2021 – Seconde Partie : Entretien avec Lisardo LOMBARDIA (Directeur Général du F.I.L.)
Depuis 2007, Lisardo LOMBARDIA est le Directeur Général du Festival Interceltique de Lorient. Il succédait alors à celui qui fut le premier à occuper ce poste et qui fut le pionnier de cette rencontre entre les peuples celtes, Jean-Pierre PICHARD. Pour celui qui était devenu le plus Breton des Asturiens ou le plus Asturien des Bretons, 2021 aura été une année particulière puisqu’il honorait sa dernière édition dans un contexte singulier. Lisardo LOMBARDIA a ensuite été nommé le quinze octobre Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.
« Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous sommes, est l’aboutissant d’un travail séculaire » a écrit Ernest RENAN dans Souvenirs d’enfance et de jeunesse. Cette phrase s’applique assurément à Lisardo LOMBARDIA qu’il était intéressant de rencontrer avant qu’il ne quitte les rênes du Festival Interceltique.
Entretien avec Lisardo LOMBARDIA
Le Festival a bien lieu cette année. J’imagine que c’est un soulagement avec néanmoins beaucoup de pression.
Lisardo LOMBARDIA : Oui, la pression est continue. Nous sommes à quelques jours du démarrage et il y a toujours la problématique de changements de dernière minute, surtout cette année avec la crise sanitaire. Nous sommes très attentifs aux nouvelles. Nous devons être réactifs et nous adapter à la demande qui nous sera faite à chaque moment.
Ton équipe et toi avez eu des doutes ? Vous avez pensé le reporter à nouveau ?
Lisardo : La décision générale avec mon équipe était de faire le FIL ! En ce qui me concerne, j’étais convaincu qu’il fallait le faire, déjà comme un acte de résistance culturelle et aussi parce qu’il faut avoir confiance en notre Festival et en son avenir. C’est pour ça que c’était important : faire le Festival à minima mais le faire. L’année dernière, nous avions fait une activité. Nous étions un des rares festivals à avoir fait quelque chose.
Cette année, c’est un festival où nous proposons ni plus ni moins de quatre-vingt groupes.
C’est la cinquantième édition, l’année de la Bretagne et la programmation est quasi essentiellement bretonne.
Lisardo : C’est l’année de la Bretagne, donc nous mettons logiquement en valeur la musique bretonne avec toutes les tendances de la nouvelle vague bretonne et aussi la représentation, même si c’est symbolique, d’un groupe pour chaque pays celtique. Il y a des difficultés de voyages et d’accueil de grosses délégations. Il y a au moins sept pays en Europe qui nous ont suivi et nous souhaitons les remercier et les mettre en avant.
Le FIL a contribué à consolider et surtout à montrer la créativité de la Bretagne, cet esprit d’ouverture. Je dis toujours que le FIL est un creuset de créations, de partages, de valorisation de la différence. Je crois que c’est quelque chose qui a toujours été fondamental et cet engagement vers la diversité m’a personnellement toujours séduit.
Il y a une certaine presse qui continue à ne pas penser de cette façon. Est-ce que les choses s’arrangent ou est-ce que c’est impossible ?
Lisardo : Je crois qu’il faut faire avec. Notre ligne est manifeste chaque année sur la programmation. Nous sommes des gens qui faisons tisser des ponts et non lever des murs. Il n’est de pire source que celui qui ne veut pas entendre. La volonté est claire. Cette idée d’ouverture, de cosmopolitisme à la sauce celtique a toujours été présente sans pour autant renoncer à notre identité et à nos fondamentaux.
Cette année, on retrouve les grands noms qui étaient déjà présents il y a cinquante ans.
Lisardo : Certains, oui ! Il y a Alan STIVELL, Dan AR BRAZ et Gilles SERVAT. Il y a aussi des noms très importants du renouveau intermédiaire. C’est le cas de Denez PRIGENT. Il y a la nouvelle génération comme Youn KAMM et sa création autour des cuivres, TREi[Z]H.
Alan, c’est un pilier fondamental. J’avais entendu Alan STIVELL à la radio en Espagne avant de venir la première fois en Bretagne. Comment le talent d’un grand barde transforme une tradition !
Tous les autres artistes qui sont présents ont marqué toute une époque. Ils sont issus de ce melting pot qu’est le FIL, comme Carlos NÚÑEZ par exemple, mais aussi Sharon SHANNON qui vient d’Irlande.
C’est une grande célébration. Nous souhaitons mettre en valeur cette célébration et c’est pour ça que les grands piliers de la musique bretonne sont là mais aussi la nouvelle génération, à la Marine et ailleurs.
Il y a des créations. C’est une chose à laquelle tu tiens et c’est un des marqueurs forts du FIL.
Lisardo : J’ai toujours suivi cette idée d’être créateur. C’est un festival de découvertes et de créations et c’est aussi un festival avec les fenêtres ouvertes sur toutes les différentes tendances. Nous sommes surtout très attentifs à ce que la musique d’aujourd’hui nous propose, à tous les genres.
Véritablement, il s’agit de favoriser le métissage, le contact, la créativité en toute liberté.
La création, c’est Finisterres Celtiques parce que tous les pays celtiques européens présents au FIL sont des pays situés sur le promontoire atlantique. Ces pays ont provoqué de l’émigration d’un côté et aussi des échanges historiques qui ont permis cette réalité des contacts plus ou moins continus mais qui ont créé aussi un lien entre chaque membre de la famille.
La création, c’est très important parce que c’est une façon de manifester tout cet élan.
Cette création, Finisterres Celtiques, peux-tu nous en parler plus en détail ?
Lisardo : Il y a eu une volonté chez l’Orchestre National de Bretagne (aujourd’hui il s’appelle comme cela, avant c’était l’Orchestre Symphonique de Bretagne), avec lequel nous faisons un partenariat depuis longtemps, de changer et de tourner un peu la page de la musique exclusivement classique pour se consacrer aussi à la musique celtique.
Il se retrouve dans l’idée d’oser la rénovation, d’oser la création. Donc c’était en adéquation avec notre ligne.
Alors Finisterres Celtiques, qu’est-ce que c’est ?
On a proposé à un représentant de cinq pays de s’exprimer, d’exprimer surtout ce que représente pour lui son pays et le lien qu’il peut avoir avec tous les pays celtiques. Comme je l’ai évoqué, géographiquement, nous sommes sur le promontoire atlantique, sur l’océan, et c’est une façon de montrer tout ça.
Il y a un compositeur asturien, Ramon PRADA, qui nous a déjà proposé Keltiké et La Nuit Celtique, Frédérique LORY de Bretagne, Bill WHELAN d’Irlande et Fionna MONBET, qui est franco-irlandaise, Sir Karl JENKINS du Pays de Galles et le compositeur écossais Paul LEONARD-MORGAN, qui travaille beaucoup pour Hollywood.
Il y aussi beaucoup de solistes qui complètent justement les pays qui ne sont pas représentés dans les compositions mais qui y participent pour donner les couleurs de la musique celtique de façon ouverte et transversale. Nous avons des gens comme Anxo LORENZO de Galice, Marthe VASSALLO de Bretagne et le Bagad de Pontivy, HEVIA des Asturies, Abraham CUPEIRO, le joueur de carnyx galicien déjà connu des Bretons pour être venu il y a deux ans.
Nous avons à peu près cent-vingt musiciens sur scène pour une création extraordinaire avec la volonté de la diffuser largement.
On pourrait la retrouver gravée sur CD plus tard ?
Lisardo : Nous envisageons d’enregistrer la création comme témoin sonore ce jour-là. Il y aura aussi un enregistrement vidéo. Après, on verra bien ! C’est une première ! L’idée, c’est de la faire voyager. On vient en plus de recevoir, avant même la première, un prix de la Fondation Grand Ouest qui a considéré que c’était une création qui en valait la peine.
Cette année, la grande parade se tiendra uniquement dans le Stade du Moustoir. Ce n’était pas possible de défiler dans la rue ?
Lisardo : On a tout essayé pour maintenir la parade mais les conditions sanitaires nous en empêchent.
Dès que ça n’a plus été possible de demander une participation aux spectateurs, le Festival a dû prendre la décision de finir la parade dans le stade et de demander à ce moment-là une participation pour une place assise.
Ensuite pour des raisons de sécurité, nous avons fait sortir la parade du centre-ville et elle partait du Moustoir. Depuis quelques années, on a récupéré l’arrivée de la parade au Moustoir.
Donc, nous la maintenons ! Il y aura une grande parade avec cinquantaine de groupes, bagadou et cercles. Il y aura aussi les porte-drapeaux issus des délégations étrangères. L’Interceltisme sans les pays celtiques ne peut pas exister. On n’aura pas les pipe-bands et les groupes de danses étrangers mais ils seront dans nos cœurs.
Il y aura une vente de badges ?
Lisardo : Le badge est devenu un objet collector cette année. Nous avions préparé le badge d’accès et de soutien pour 2020. Il sera en vente comme un produit dérivé au prix de trois euros. Cela nous arrange beaucoup et surtout ce sera un très beau souvenir après ces deux ans de Covid que nous avons dû surmonter pour arriver à cette édition.
Tu es Asturien. Avant de connaitre le FIL, connaissais-tu la Bretagne ?
Lisardo : Je dois dire que mon premier contact avec la Bretagne est lié à la découverte du FIL. C’était en 1977. J’étais un jeune étudiant en médecine. J’étais très intéressé par la spécialisation en psychiatrie et mon prof était marié avec une bretonne. Voilà la clé (rires) !
J’appartiens à une génération dont la première langue étrangère était le français. J’étais francophone limité mais francophone et ce prof m’a proposé d’élargir mes connaissances en Bretagne.
Je n’étais jamais venu en Bretagne avant et donc en septembre 1977, je suis venu avec une bourse d’études pour passer deux-trois semaines de stage à Billiers, près de Muzillac, dans un centre de réadaptation mentale, surtout pour les enseignants.
Comme je pouvais me déplacer, j’ai commencé à parcourir un peu le pays. J’avais vingt-deux ans à l’époque. Cela m’a permis de découvrir un pays que je ne connaissais pas du tout. Ce pays ressemblait énormément au mien et il avait une familiarité culturelle très importante qui a fait que tout mon budget de bourse, je l’ai dépensé en livres et en disques. C’est pour ça que j’ai dû rentrer en faisant de l’auto-stop !
À ce moment-là, j’ai découvert aussi qu’en août il y avait une manifestation qui était née quelques années plus tôt. J’ai découvert qu’il y avait un Festival Interceltique à Lorient.
Ensuite, mon premier contact véritablement avec Lorient a été en 1979. À Pâques, j’ai convaincu des copains d’études de faire un petit voyage pour découvrir le pays plus en profondeur. Et le dimanche de Pâques, et je me suis trompé de route et je suis arrivé devant le Palais des Congrès. Et que se passe-t-il au Palais des Congrès le dimanche de Pâques 1979 ? La finale du Kan ar Bobl, c’est-à-dire le chant des jeunes talents bretons !
J’ai participé à mon premier fest-noz. Nous étions autour d’une table à boire un verre quand des personnes ont commencé à parler avec nous. L’un d’eux était Polig MONTJARRET, la première personne que j‘ai connue liée au Festival Interceltique. Alors, pas mal tombé ! Une autre personne, c’était Michel LE GARREC qui était le secrétaire général à l’époque.
Un peu plus tard est arrivé quelqu’un avec les cheveux bruns et longs et un grand triskell sur la poitrine. C’était Alan STIVELL.
Voilà comment je suis tombé dans la marmite en 1979 et c’est comme ça que j’ai pris mes premiers contacts. Après, j’ai fait des voyages en Ecosse. Il y a eu semaine celtique à Berlin en 1980 où les asturiens étaient invités pour la première fois. J’y allais afin de couvrir l’évènement pour un journal.
En 1981, j’ai fait mon premier Festival en tant que festivalier à Lorient avant d’aller faire mon service militaire. À partir de là, beaucoup de choses s’enchaînent et je ne peux pas du tout raconter ma vie au complet. Mais voilà les contacts avec la Bretagne et la découverte d’un pays qui m’a beaucoup touché et qui me touche encore beaucoup aujourd’hui.
À l’époque, existait-il un sentiment celtique en Asturies ?
Lisardo : Comment dire les choses ? Qu’est-ce qu’un sentiment celtique ? Est-ce que c‘est énormément répandu ? Pas comme en Bretagne, c’est sûr ! Par contre, il y avait une référence celtique très claire. Les mouvements romantiques qui avaient provoqué un peu partout en Europe un engouement pour le celtisme étaient aussi nés chez nous. En fait, nos chercheurs et écrivains correspondaient déjà avec les écrivains bretons comme Paul SEBILLOT ou Anatole LE BRAZ. Ces liens, la connaissance théorique de la Bretagne, la connaissance des autres pays celtiques, c’était quelque chose encrée dans la réflexion de l’identité asturienne de façon claire.
Il y avait un sentiment celtique dans les élites, les gens mieux informés, c’est-à-dire que ce n’était pas du tout un mouvement social large. Mais il faut savoir que nous étions en plein transition politique. La dictature était finie et le Général FRANCO était décédé en 1975. Nous étions à un moment de grand changement démocratique et ce changement, c’était à la fois l’amnistie pour tous les gens qui se sont battus pour la démocratie et aussi la récupération des identités régionales. Et là, de plein fouet, le celtisme était très présent et a construit la valorisation de notre identité depuis cette époque.
Comment se portait la musique asturienne ?
Lisardo : Il n’y a pas eu de rupture. La situation était très particulière. Le régime de la dictature avait favorisé la folklorisation des traditions dans le sens plus péjoratif du terme.
Par contre, il y a eu une expression en continue de la tradition qui s’est maintenue, après que le travail de recherche ait pu récupérer énormément de choses qui étaient cachées. A l’époque, il y avait un grand sonneur de gaïta qui était une grande référence, Remis OVALLE. Le premier sonneur de gaïta qui s’est associé à la pop et à la guitare électrique, c’est un musicien décédé, Manolo QUIROS, qui a eu le grand mérite d’avoir fait la visibilité de l’instrument symbolique des Asturies.
La chanson avait par contre une grande vitalité surtout du côté de la danse où les femmes chantaient toujours accompagnées d’un tambourin. Il y avait aussi l’expression des chants en solo, les hommes surtout mais aussi les femmes.
Et il y avait la pratique de la danse mais de façon utilitaire menée par des associations proches du régime.
Mais quand même l’engouement de notre génération des années 1970, c’est parce que nous n’avions jamais perdu le fil, ni le contact avec nos traditions, ce qui nous a permis de les reconstituer pour rebondir et pouvoir venir jusqu’à aujourd’hui.
Tu as été responsable de la délégation asturienne durant de nombreuses années. Ensuite, en tant qu’asturien, prendre la direction du FIL, c’était un symbole fort.
Lisardo : C’est un symbole fort ! Ҫa montre la sincérité des gens qui ont pensé faire venir un non-breton pour diriger le FIL. C’est vrai que j’étais très convaincu par la celtitude et par l’Interceltisme mais j’ai dit non au début. Je l’avais manifesté carrément, les gens ne le savent peut-être pas. J’avais un travail confortable, je travaillais dans un journal, je dirigeais un centre culturel assez connu. J’avais aussi un travail de production de disques avec mon propre label. Il y avait aussi la famille, bien sûr ! Donc quitter la famille et le pays pour prendre la direction du FIL, j’ai d’abord dit non et puis finalement j’ai accepté. On m’a fait comprendre qu’il était important de venir surtout que c’était un moment charnière avec le départ de Jean-Pierre PICHARD. C’est pour ça que j’ai pris ma venue comme une mission à accomplir. Une mission qui a duré ! C’était il y a quatorze ans, mais il faut savoir passer le flambeau à la génération suivante.
Il existe des organisations comme le Congrès Celtique ou la ligue Celtique qui ne reconnaissent ni la Galice, ni les Asturies. As-tu déjà été en relation avec ces organisations et selon toi, d’où vient cette mise à l’écart ?
Lisardo : Ce sont des initiatives solides et fortes mais qui prennent la langue comme élément majeur de la celtitude. Si tu ne parles pas une langue celtique, théoriquement tu n’es pas Celte ! Bon ! En Bretagne, tout le monde ne parle pas une langue celtique. Je crois que c’est une vision très réduite.
Par contre, il y a des traditions et des éléments celtiques partagés, notamment avec la Bretagne. Par exemple, notre mythologie, c’est exactement la même. Les personnages avec les mêmes fonctions, les korrigans, le peuple de la nuit. Même les traditions autour de la mort. Énormément de choses sont communes.
Aujourd’hui, en tout cas, il y a une réalité, c’est que la société asturienne d’une façon très large s’est complètement convaincu que la celtitude appartient à notre structure identitaire d’une façon importante et je crois que ça ne changera pas. Même les archéologues, qui étaient plus réticents, commencent à réaffirmer la présente de cette celtitude et surtout la construction de ce monde atlantique que nous partageons, des relations humaines qui ont permis de consolider les liens depuis l’âge de bronze jusqu’à aujourd’hui. Cette idée d’appartenance, cette idée patrimoniale de la celtitude, oui c’est très important, mais nous ne faisons pas une société de musées, ni une question avec une mission courte. Nous travaillons pour l’avenir. C’est un choix de conviction.
Tu peux nous rappeler ce que signifie le nom Asturies ?
Lisardo : C’est bien que tu approches ça ! Asturies, exactement c’est le Pays des Rivières. « Stur », c’est le même mot que « ster ». Nous partageons avec Lanester le terme « ester ». Dans les documents du moyen-âge, les Asturies, c’était les Esturies.
C’est un simple trait graphique mais même dans le nom de notre territoire, nous portons un nom celtique.
C’est ta dernière édition. On imagine qu’il y a une certaine émotion.
Lisardo : Oui. Il y a une certaine émotion. Alors oui, je quitte physiquement et géographiquement la Bretagne mais la Bretagne viendra avec moi. Ce n’est pas possible qu’elle ne vienne pas parce qu’elle appartient à mon cœur. Cela fait trente-six ans que je me suis impliqué énormément dans le pays et pour moi, j’ai une partie bretonne évidente. Il y a une chanson de Gilles SERVAT que j’aime beaucoup, Je vous emporte dans mon cœur, parce qu’elle parle de ça. Les pays celtiques, et surtout la Bretagne, c’est une partie profonde de moi.
Je quitte le pays parce que je vais devoir faire d’autres choses. J’ai envie de récupérer famille et amis. Il y a des copains qui m’ont fait le plaisir de me garder de façon folle comme président d’une fondation celtique des Asturies que j’ai continué à présider même si je n’étais pas présent. C’est extraordinaire et bizarre (rires).
J’ai des projets sans précision pour l’instant mais je continuerai à travailler pour la celtitude, ça c’est sûr.
2022 sera l’année des Asturies à Lorient. Le gouvernement asturien a accepté de construire avec le Festival. Je participerai, j’aiderai à construire pour que cela soit une belle édition.
Tu seras peut-être présent à ce moment-là ?
Lisardo : Si c’est l’année des Asturies, je serai obligé (rires) !
Y-a-t-il des choses que tu es particulièrement fier d’avoir accomplies durant ces quatorze années ?
Lisardo : Je suis venu en toute simplicité avec l’idée de mission. Je pars de la même façon avec l’idée de mission accomplie. Il fallait consolider pas mal de choses. J’ai dû m’atteler à tout ça. Il fallait aussi continuer la diffusion internationale, ce qui a été fait, et consolider l’idée d’ouverture, surtout des connexions à partir de nos références.
La tradition, nous l’inventons, nous la construisons chaque jour. Réinventer, reconstruire, ce n’est pas péjoratif.
Si l’humanité n’avait pas été capable de réfléchir et se réinventer, nous continuerions probablement à vivre à l’âge de pierre dans une cave ou une grotte.
C’est justement grâce à ce que nous prenons ici et là que nous sommes capables de le mettre dans le creuset de la création, d’expérimenter, d’aller de l’avant et que nous pouvons évoluer.
Ça a été mon leitmotiv depuis que je suis là et je suis content d’avoir participé à cette aventure sur les différents postes parce que j’ai d’abord été l’interlocuteur des Asturies, j’ai été délégué du FIL pendant vingt-deux ans et ensuite, quand j’ai décidé d’accepter la responsabilité de la direction, je me suis attelé à l’ouverture, à l’échange et surtout à la visibilité du FIL comme un grand moteur.
Les minorités ont une grande énergie pour développer les choses. Nous sommes le maillon fort et non le maillon faible de la culture.
J’ai essayé de le faire pendant ma période et je crois l’avoir fait. C’est pour ça que j’ai ma conscience tranquille.
Après, d’autres devront répondre plus précisément sur ce qui a été accompli ou pas.
As-tu aussi des regrets ?
Lisardo : Il est impossible de ne pas avoir de regrets. J’aurais souhaité avoir quelques concerts majeurs que je n’ai pas réussi à faire. Évidemment U2 est là. Tout le monde y pense et moi aussi. Mais c’est très compliqué à faire. En plus, les grands concerts de la sorte s’essoufflent petit à petit. Les gens vont chercher autre chose.
Mon regret, c’est peut-être de ne pas avoir pu approfondir, parce qu’il fallait faire beaucoup de choses à la fois, de ne pas avoir pu montrer une celtitude un peu plus diversifiée, chose que j’ai quand même faite avec une visibilité importante de la diaspora, de la Louisiane au Mexique en passant par le Chili par exemple.
La diaspora, ce n’est pas un label de nostalgie, c’est encore un grand moteur de création. Je l’ai fait, mais j’aurais souhaité faire davantage.
En tout cas, ce qui est fait a été fait. Il y a des noms extraordinaires. Quand j’ai réussi à faire venir Luz CASAL, la galicienne et asturienne, pour les trente ans du FIL, c’était un exploit. Anoushka SHANKAR, Tommy EMMANUEL, mais aussi toute la nouvelle génération, EBEN qui nous avions soutenu ou MUGA, FLEUVES, c’est très important également.
Mon regret unique, c’est peut-être de ne pas avoir convaincu tout le monde, qu’on continue à nous regarder comme des vieux ringards.
Or, ce n’est pas le cas ! Il n’y a pas de choses plus modernes qu’un jeune de vingt ans qui joue de la cornemuse ou de la bombarde. Pourquoi ce jeune serait quelqu’un d’encastré dans le passé et pas quelqu’un qui fait un scratch sur un vinyle sur les scènes de musiques urbaines. J’aime les deux. Le talent, c’est ce qui donne la clé de l’évolution.
Lorient commence à être reconnue comme capitale Interceltique. Il y a un panneau à l’entrée de la ville qui le signale désormais.
Lisardo : Oui, c’est un véritable slogan et je me suis battu pour l‘incorporer et j’ai réussi en 2019 à avoir ce panneau. Il était prévu tout un plan de déploiement.
En tout cas, je crois qu’il a été bien pris, bien intégré dans l’esprit des lorientais et des bretons.
Ce qui est surtout important, c’est que ce slogan n’est pas artificiel. Il a été la conséquence de la reconnaissance du Festival au niveau mondial.
Quand je vais à l’étranger, pour raisons professionnelles ou personnelles, et que je dis que je travaille à Lorient, tout le monde me parle du Festival Interceltique.
Lorient est la Capitale de l’Interceltisme mondial et il faut souhaiter à mon successeur et aux générations à venir que ça se consolide et que ça continue à l’être.
On a parlé des regrets. La Maison du Festival pour une visibilité à l’année, c’est plus compliquée.
Lisardo : Pour moi, c’est indispensable ! Ce n’est pas pour faire un club d’amis, mais pour faire un endroit de visibilité, d’échanges, de créations. C’est une évidence.
Pendant dix-huit ans, j’ai dirigé un club culturel. C’était un club mais il était ouvert complètement. Nous avions reçu GORBATCHEV, Miguel INDURAIN ou la petite association du coin.
L’ouverture, l’exercice de la démocratie pour le contact humain chaque jour, stimuler la confiance et l’échange, c’est ça qui permettra d’obtenir de nouvelles générations de bénévoles et des gens qui adhèrent à notre projet. C’est pour ça que la Maison Interceltique, que j’ai évoquée depuis la première assemblée à laquelle j’ai participé en 2007, est un instrument indispensable pour l’avenir du Festival. Je fais le vœu de la voir un jour.
C’est un regret de ne pas l’avoir vu pendant ma période mais la semence est là et j’espère que ça pourra pousser un peu ! Petit à petit, je voudrais que ça se transforme en réalité.
Peux-tu nous dire un mot sur ton successeur ?
Lisardo : Jean-Philippe MAURAS, je le connaissais professionnellement quand il était le directeur du Festival de Cornouaille. Ensuite, il a eu le courage de créer une boîte. Ce n’était pas évident de repartir de zéro.
Jean-Philippe est compétent. Il aime beaucoup le FIL et il croit aussi à l’Interceltisme.
J’espère qu’il pourra faire un très bon boulot et qu’il pourra travailler en sérénité et tranquillité pour développer le projet qui sera le sien. C’est dans l’intérêt du Festival et de l’avenir de notre celtitude de continuer avec du renouveau, de l’énergie et de nouvelles idées. C’est important !
Tu continueras à suivre, même de loin, l’évolution du Festival.
Lisardo : Ce serait impossible de ne pas le faire. Mon implication dans la musique et la culture celtique est totale, donc évidemment je ne pourrai pas m’empêcher de suivre l’actualité.
J’espère que la nouvelle génération qui approche avec la nouvelle direction aura le talent de pouvoir développer l’Interceltisme et le Festival Interceltique.
Merci beaucoup Lisardo. Et on espère te recroiser à Lorient.
Lisardo : Merci à vous.
Entretien réalisé le 28 juillet 2021 par Didier Le Goff
dans les studios de RCF Sud Bretagne à Lorient
en collaboration avec Claude, journaliste et technicienne. Un grand merci à elle.
Un grand merci à Laëtitia de l’agence de communication HEYMAN ASSOCIES.
Site du Festival : https://www.festival-interceltique.bzh
https://rcf.fr/culture-et-societe/harmonie-celtique