Festival NoBorder 03
Quand les musiques modales
donnent de la voix
Lieu d’accueil privilégié des pratiques musicales à caractère modal, qu’elles soient populaires ou savantes, orientales et occidentales, le Festival finistérien NoBorder fêtait en 2013 sa troisième édition, avec une programmation aussi riche qu’exigeante étalée sur trois jours, du 12 au 14 décembre, et exposée dans deux salles renommées de la ville de Brest, le Quartz et le Cabaret Vauban.
Depuis trois ans, le festival NoBorder, établi dans le Finistère, à Brest, se voue à la reconnaissance et à la mise en valeur des musiques modales, lesquelles sont, pour faire court, aux antipodes des musiques « à la mode ». Ici, on préfère les modes, ces sons étranges issues des gammes tempérées, les demi-tons et quarts de ton nichés entre les notes des gammes majeures et mineures de la musique classique occidentale, et qui « sonnent faux » aux oreilles bien éduquées des fins gourmets de l’harmonie « bien de chez nous ». Mais si l’on veut bien se détacher de ce nombrilisme culturel, on remarque que ces notes sont en fait couramment utilisées dans plein d’autres cultures musicales, populaires et savantes, d’Orient et d’Occident.
La redécouverte des musiques traditionnelles, musique orientale, musique arabo-andalouse et même la musique médiévale, à la fin du XIXe siècle, avait déjà fait vaciller les certitudes sur l’immuabilité et la prévalence du système tonal, de l’harmonie classique et de son « accord parfait » et avait rappelé qu’il existait d’autres règles et grammaires harmoniques.
En Bretagne, des musiciens de plus en plus nombreux se sont voués à la recherche des racines modales de leurs expressions orales régionales (chants, musique de sonneurs…). Erik MARCHAND est l’un d’eux, et certainement des plus dévoués à la cause, puisqu’il a fondé la KREIZ BREIZH AKADEMI, destinée à former de jeunes musiciens à la compréhension modale. Avec Gaby KERDONCUFF (co-fondateur du label Hirustica), il a de même créé l’association DROM, dont la finalité est de « promouvoir, transmettre les cultures populaires de tradition orale et la musique modale » (sic).
Organisé par DROM, en alliance avec le Quartz, scène nationale de Brest (dirigé par Matthieu BANVILLET) et le collectif Bretagne(s) World Sounds (présidé par Bertrand DUPONT, également co-fondateur du label Innacor), qui réunit artistes, producteurs, tourneurs, labels, organismes de formation et scènes de la région, le festival NoBorder est en bonne partie la vitrine artistique du travail pédagogique entrepris en Bretagne sur les musiques modales, et un lieu d’accueil pour toutes les expressions modales à travers le monde. Face à la forte influence de la culture tonale occidentale, le festival NoBorder a tôt fait de transformer Brest – et notamment sa scène nationale, le Quartz, réputée être la salle la plus fréquentée de France – en village armoricain résistant encore et toujours face à l’envahisseur tonal.
À l’opposé de ces manifestations « culturelles » qui fonctionnent uniquement comme des machines de divertissement décérébrantes, NoBorder s’est fait une spécialité de susciter et d’encourager la réflexion autour des musiques modales en organisant à chacune de ses éditions un colloque initié par le Pôle international des musiques modales de DROM. Pour cette troisième édition de NoBorder, le colloque, qui se déroulait tout le long de la journée du 13 décembre, traitait du sujet : « Musiques (modale, tonale, orientale, occidentale, savante, populaire…) : entre rejet et séduction ».
Musicologues, pédagogues, luthiers, compositeurs et interprètes se sont ainsi exprimés lors de trois grands débats : « Tonalité et modalité en Orient et en Occident », « Traditions orale et écrite : complémentarité, intérêt et utilité dans la transmission et la création » et « Les spécificités locales des musiques populaires : richesse de la diversité culturelle ou marqueur identitaire ». Ceux qui n’ont pu assister à cette journée de débats, ou qui auraient souhaité y assister mais ont craint les effets secondaires d’un « brainstorming » de plusieurs heures, sont avertis que l’association DROM publiera bientôt les actes du colloque en ligne sur son site : www.drom-kba.eu
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C’est encore au Quartz qu’ont démarré les festivités de NoBorder 03, dès le jeudi 12 décembre.
L’Algérien Camel ZEKRI, en solo avec sa guitare, naviguant sur un sentier de traverse entre racines africaines et musique improvisée, autant inspiré par Derek BAILEY que par le Diwan de Biskra, a envoûté les spectateurs du « Petit Théâtre ».
Puis la 4e formation de la KREIZ BREIZH AKADEMI s’est installée dans la salle « Grand Théâtre » pour présenter une création tournée vers le chant, la bien-nommée Lieskan (« polyphonies » en breton). Ce 4e collectif est constitué de onze vocalistes et musiciens qui ont suivi l’enseignement de grands maîtres du chant et des musiques modales du monde entier. Lieskan était présentée pour la première fois sur la grande scène du Quartz devant près de 1 500 spectateurs, avec pour invité Manu THÉRON, fondateur du groupe vocal occitan LO COR DE LA PLANA et du groupe CHIN NA NA POUN. Lieskan donnait ainsi le ton de cette troisième édition de NoBorder, résolument tourné vers les voix, comme allait le confirmer la suite de la programmation au Grand Théâtre du Quartz.
Le lendemain soir en effet, les sœurs CARONNI ont eu le privilège de jouer sur la grande scène, au lieu du Petit Théâtre, comme cela avait été initialement prévu, tant la demande de réservations avait été importante. Le vendredi 13 décembre aura donc été un jour porte-bonheur pour LAS HERMANAS CARONNI, un duo composé des sœurs jumelles Laura (violoncelle, violon et chant) et Gianna (clarinettes et chant), originaires d’Argentine (et nées à 10 minutes d’intervalle, comme elles l’ont précisé !).
L’originalité de leurs arrangements, tendance « musique de chambre », et leur sens de la communication ont su retenir l’attention du public en dépit de la sensation de froideur que diffuse à priori l’espace du Grand Théâtre. Leur musique est bien entendu ancrée dans le folklore argentin, mais non réduit au tango. Ce dernier n’a eu droit qu’à une portion congrue (dont un « tango chinois », inspiré par une vadrouille dans le 13e arrondissement de Paris !), les sœurs étant plus portées sur les baguala, les milonga et les chacarera, volontiers colorées d’influences multiples : cubaines, klezmer, classiques et contemporaines… Elles composent aussi sur des textes de Denis PÉAN (du groupe LO’JO), invité sur leur album Vuelo, et de Georges BRASSENS (Je me suis fait tout petit).
En seconde partie de soirée, nous avons pu savourer l’interprétation d’une nouba arabo-andalouse par le prestigieux ORCHESTRE DE FÈS (violon, alto, rebâb, oud, tar, derbouka), considéré comme l’un des plus anciens ensembles de musique marocaine, puisque sa création remonte à 1946. Cet orchestre est à présent dirigé par Mohamed BRIOUEL (alto), un disciple du grand maître Haj Abdelkrim RAÏS, mais sa mission est restée la même qu’à ses débuts : restituer la musique arabo-andalouse dans son cadre traditionnel et sa forme historique authentique, c’est-à-dire avec uniquement des instruments à cordes (rebab, oud, violon, alto) et, quand même, quelques percussions (târ, darbouka).
L’ORCHESTRE DE FÈS était exceptionnellement accompagné pour cette soirée par Françoise ATLAN, grande interprète des traditions musicales méditerranéennes et en particulier des chants judéo-espagnols et judéo-arabes, et avec laquelle l’ORCHESTRE a déjà enregistré l’album Andalussyat, il y a plus d’une dizaine d’années.
Les artistes ne se sont pas attardés à faire un discours introductif savant sur le contenu de leur répertoire, préférant laisser parler les sons de leurs instruments, à l’unisson et en solo, mais Françoise ATLAN s’est arrêtée un instant pour traduire quelques phrases d’un poème chanté afin que l’ensemble du public saisisse la beauté des chants d’amour qui étaient interprétés par elle et par le talentueux et impressionnant chanteur de l’ORCHESTRE DE FÈS, Ahmed MARBOUH.
Originalement prévue pour être jouée pendant près de huit heures (!), cette nouba a dû, pour cette soirée brestoise, être réduite à « seulement » une heure et demie (plus rappel), ce qui n’a pas empêché les interprètes de briller à tour de rôle, immergeant le public au temps des Mille et une nuits et du grand luthiste ZIRYAB avec leurs mélodies enjouées et illuminées qui sont allées crescendo en intensité et en vitesse.
Autre preuve de la thématique vocale qui planait cette année sur le festival, c’est LO COR DE LA PLANA qui a ouvert la soirée du samedi 13 décembre dans la grande salle du Quartz avec ses polyphonies occitanes.
Les cinq chanteurs, qui ont pris l’habitude de « squatter » les programmations de tous les bons festivals « world », ont, comme à l’accoutumée, offert un spectacle « groovant » et truculent qui mêlait chants polyphoniques et percussions, entrecoupés d’histoires joviales, de remarques pétillantes et de saillies percutantes. (On a passé tout le concert à chercher « la » contrepèterie qui s’est glissée dans les palabres de Manu THÉRON…) Leur performance a même pris une tournure « chorégraphique » quand Manu THÉRON, Denis SAMPIERI, Benjamin NOVARINO-GIANA, Sébastien SPESSA et Rodin KAUFMANN se sont déplacés avec les lumières, ajoutant à leurs percussions des claquements de mains et de pieds, donnant à leur performance dynamique et revigorante une allure d’apéritif plantureux ! Et comme ces Marseillais ont le sens de la convivialité, ils ont invité Gurvant LE GAC (du groupe CHARKHA) à glisser quelques notes flûtées dans leur « pastis-molotov » !
Il n’y avait pas mieux que LO COR DE LA PLANA pour démarrer une soirée qui s’annonçait agitée… Il n’y a aussi pas eu mieux pour briser l’ambiance que le groupe vocal qui leur a succédé sur la même scène. Les ARMENIAN VOICES ont littéralement tranché, offrant un contraste saisissant, les vocalistes étant sagement et disciplinairement postés devant leur micro et leur pupitre, pour interpréter dans un premier temps des chants liturgiques et sacrés et dans un second temps des airs populaires de la tradition arménienne, le tout dans une mise en scène qui oscillait entre sobriété et ascétisme. La fièvre n’est pas toujours l’apanage des samedis soirs…
Plus tôt dans l’après-midi, Jean-Luc THOMAS et David HOPKINS avaient présenté dans la salle « Petit Théâtre » Le Bois qui Chante, une création pour le jeune public qui n’était pas à base de voix, mais qui a fait étalage de flûtes du monde entier. Ne dit-on pas que la flûte est l’instrument le plus proche de la voix humaine ?
Dévoilant des facultés de comédiens, les deux artistes évoquaient le souvenir d’un grand-père voyageur en ouvrant la malle de ce dernier, une malle évidemment pleine de souvenirs et, surtout, de flûtes. À travers les histoires lues dans son journal de bord, écrites par le conteur Patrick EWEN, Jean-Luc THOMAS et David HOPKINS ont déballé et joué de leurs flûtes (kena, siku, bansuri, ocarina, fujara, mamabu, tin whistle…) aux formes et aux sonorités très diverses, accompagnées de percussions (udu, bodhran, hang…). Leur pédagogique et fascinant voyage était accompagné de projections de vidéos et de dessins, et a enchanté les spectateurs de tous âges.
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Quand le Quartz ferme ses portes, le festival NoBorder se poursuit en face… au Cabaret-hôtel-espace Vauban. Là, l’ambiance est plus intime, plus conviviale, plus animée, plus arrosée, et les musiques modales du monde les plus originales s’y exposent. Le 12 décembre, la soirée fut entièrement dévouée à une signature réputée du label Innacor, le JACKY MOLARD QUARTET, qui mêle avec raffinement et virtuosité musiques traditionnelles européennes, jazz et improvisation dans un son unique, dense et obsédant, comme le montre son excellent dernier album Suites. On attend du reste la… suite !
Le 13 décembre, le plateau du Vauban accueillait en revanche trois formations. Alors que l’ORCHESTRE DE FÈS et Françoise ATLAN en décousaient encore au Quartz, le duo malgache MAR’NA & BERTO (chant, cordes et percussions) a ouvert la soirée avec ses mélopées sakalava, ses chansons betsileo et ses rythmes du Sud, livrant sa vision d’un folklore enraciné, ouvert, épuré, sincère et raffiné, bref en accord total avec la démarche du festival.
CHARKHA leur a emboîté le pas. Ce jeune groupe formé par des musiciens issus pour la plupart du collectif Izhpenn 12 (KREIZ BREIZH AKADEMI 2), débarquait avec un premier CD fraîchement paru, La Couleur de l’orage. (On en reparlera…) Issues de la plume du flûtiste Gurvant LE GAC, les compositions de CHARKHA s’appuient sur des textes de poètes de différentes cultures du monde (Aimé CESAIRE, Nicolas BOUVIER, Joan Lo REBECA, etc.) traduits en breton par la chanteuse Faustine AUDEBERT, comme dans le groupe BAYATI, avec qui CHARKHA partage ses musiciens.
Librement inspirées par un certain jazz « mod’all » et des musiques orientales et africaines, les compositions de CHARKHA, denses et imprévisibles, bénéficiaient, outre de la voix de Faustine AUDEBERT, des ornements du oud (Florian BARON), du saxophone (Timothée LE BOUR) et de la flûte traversière (Gurvant LE GAC), soutenus par une contrebasse (Jonathan CASERTA) et des percussions ethniques (Gaëtan SAMSON). Le sextette nous a entraîné dans son univers fait de paysages colorés, d’ambiances chaleureuses aux rythmes tantôt feutrés, tantôt obsessionnels, qui conduisaient progressivement à la transe. En une quarantaine de minutes intenses qu’a duré sa performance, CHARKHA a prouvé qu’en Bretagne une nouvelle génération inspirée était en train de faire sérieusement bouger les lignes des musiques populaires à caractère modal.
C’est un groupe nigérien renommé qui a terminé la soirée du vendredi au Vauban, effectuant du même coup un retour attendu après plusieurs années de silence, dans une formation renouvelée. Fondé par le chanteur et flûtiste Yacouba MOUMOUNI, appartenant à l’ethnie peule, MAMAR KASSEY (nom d’un guerrier légendaire) mêle les rythmes et instruments traditionnels (flûtes, kamele n’goni, calebasse et percussions) aux sons de la basse et de la guitare électriques. Les textes, présentés avec pertinence et humour et chantés par Yacouba MOUMOUNI, évoquent les problèmes de société au Niger, la famille, le droit des femmes…
Deux choristes également danseuses ont ajouté du spectacle visuel à l’ambiance survoltée du concert. Et parce que la musique de MAMAR KASSEY est une moment de partage en plus de diffuser un message de tolérance, le groupe fut rejoint un moment par le flûtiste breton Jean-Luc THOMAS, également directeur artistique du dernier album de MAMAR KASSEY et fondateur du groupe SERENDOU avec Yacouba MOUMOUNI. Le groove obsédant de MAMAR KASSEY a ainsi tenu les spectateurs en haleine pendant une bonne heure et demie, mais Yacouba MOUMOUNI était prêt à continuer toute la nuit…
Le samedi 14, la soirée au Vauban fut résolument sous le signe de la fête, à al fois acoustique et électrique. Devant un parterre encore clairsemé, Mariana CAETANO a entamé son set de chansons brésiliennes, accompagnée par quatre musiciens au son ancré dans les années 1970 (claviers, guitare électrique, basse et batterie) avec des incursions progressives. La chanteuse, doublée d’une comédienne, nous a fait rêver avec ses textes réalistes chantés en portugais et en français, sa prestance théâtrale, ses refrains repris par le public, tout droits sortis de son dernier album, Mé Ô Mond. Sans la présence des cuivres de l’album, la musique sonnait plus rock en concert, mais les ambiances plus tamisées étaient aussi bien là et glissaient progressivement dans les parties instrumentales vers un rock psychédélique envoûtant.
Afin de laisser le temps aux techniciens d’installer le groupe suivant sur la scène, Faustine AUDEBERT (chant) et Yann LE CORRE (accordéon) sont ensuite apparus sur une toute petite scène dans la salle. Après un chant a capella de la première et une pièce instrumentale climatique du second, le duo a combiné ses talents sur un répertoire de danses bretonnes, invitant la salle à s’esbaudir durant cette courte entracte.
S’étant entre-temps installé sur la scène principale, NIRMAAN a créé la surprise avec son singulier et audacieux univers sonore : c’est le seul groupe qui n’a pas encore sorti de disque et seuls quelques chanceux ont pu voir leurs rares concerts précédents en Bretagne. Composé de musiciens issus de la KREIZ BREIZH AKADEMI 3, Elektridal, et du groupe DIESE 3, la formation est tout à fait originale avec Antoine LAHAY aux guitares électrique et 12-cordes, Pierre DROUAL aux violon et claviers, Étienne CABARET à la clarinette basse, Jean-Marie NIVAIGNE à la batterie et aux percussions (membre des NIOU BARDOPHONES et du groupe de Maude TRUTET, MOOD) et de Parveen Sabrina KHAN au chant traditionnel indien. Cette dernière n’est autre que la fille du tabliste Ahmeed KHAN, lequel a collaboré avec Erik MARCHAND et Titi ROBIN sur l’album séminal An Tri Breur.
Il est rare d’entendre du chant indien sur une musique fortement teintée rock, tant il est difficile d’assembler les deux genres. Ici, l’exercice a semblé tout naturel pour les jeunes musiciens de NIRMAAN : les compositions, qui empruntent au rock progressif, se prêtent facilement au jeu et permettent tous les écarts, allant du planant au métal, de l’expérimental au méditatif, en passant par des rythmes obsédants et envoûtants.
L’un des moments forts du concert s’est révélé être une pièce fondée sur un texte de Janet FRAME, poète néo-zélandaise, lu par Parveen KHAN, au départ juste accompagnée par une guitare électrique aux accents bluesy, puis le chant indien s’est installé avec les instruments, dessinant des horizons d’une inquiétante beauté, avant de céder de nouveau la place au mode récitatif, soutenu par une guitare aux accents mystérieux. À ce morceau sublime a succédé un autre plus sauvage et non moins troublant, avec des espaces planants. Et quand les gammes vocales indiennes de la chanteuse sont soutenues non par un tampura, comme on a l’habitude de les entendre, mais par des projections soniques expérimentales générées par des pédales d’effets, on voit que NIRMAAN ne craint pas d’explorer des terrains plus escarpés.
Bref, chaque pièce avait son lot d’épices indiennes, de parfums d’autres mondes et de poudres venues encore d’ailleurs. Ces recettes alléchantes donnent seulement une petite idée de l’étendue de l’art « musi-culinaire » du groupe, à retrouver on l’espère très bientôt sur son premier EP autoproduit. Le succès fut tel que NIRMAAN a même eu droit à un rappel !
L’interlude suivant pour le changement de « plateau » a permis d’entendre un duo vocal apte à tétaniser les puristes : KRISMENN, chanteur de kan ha diskan et rappeur, avec le human beatboxer ALEM (vice-champion du monde dans sa catégorie) ! Ou comment bousculer le kan breton à coup de rythmiques vocales « bio » et non samplées… Comme si cette alliance n’était déjà pas assez subversive, ils avaient convié pour cette soirée Erik MARCHAND en chair, en os et en (bonne) voix, histoire de confronter un chant rompu à la rusticité trad’ avec le phrasé rap et une boîte à rythmes vocale ! Livrant une forme de kan ha diskan rappé-beatboxé secoué et percutant, les trois compères ont chauffé la salle comme ils auraient enflammé un dancefloor !
Puis c’est à SPONTUS qu’est revenu l’honneur d’animer le fest-noz proprement dit, avec un répertoire de laridés, gavottes, plinns, ronds de Loudéac et autres danses bretonnes, mêlées à des compositions. Les quatre musiciens (violon, accordéon, contrebasse, guitares acoustique et électrique) sont des experts dans le domaine, et n’ont eu aucun mal à transformer immédiatement la salle de concert en piste de danse. Le duo AUDEBERT / LE CORRE et le trio KRISMENN / ALEM / MARCHAND (+ Parveen KHAN en invitée) sont ensuite revenus jouer leurs secondes mi-temps au creux de la nuit pour achever cette troisième édition du Festival NoBorder sur un air de fête, comme il se doit.
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Une fois encore, NoBorder a parfaitement rempli sa mission de mise en valeur et en exergue de musiques populaires vivantes et mutantes contribuant à enrichir et à renouveler les horizons d’un patrimoine musical commun à différentes cultures. En ces temps de normalisation forcenée, l’exigence affichée par ce festival a des allures de manifeste autant que de bol d’air, et trace fièrement les contours d’une autre vision des musiques du monde.
Sylvie Hamon et Stéphane Fougère
Site du festival : www.festivalnoborder.com