Frank ZAPPA – Zappa ’88 : The Last U.S. Show

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Frank ZAPPA – Zappa ’88 : The Last U.S. Show
(Zappa Records)

Avec ZAPPA, la musique ne s’arrête jamais. Même une pandémie mondiale n’aura pu empêcher la sortie de nombreux documents : il y a eu par exemple,  la box de quatre CD, The Mothers 1970, et l’impressionnant Halloween 81 (regroupant en six CD les deux concerts du 31 octobre et celui du 1er novembre). N’oublions pas  tous les live pas vraiment officiels, les fameux « radio broadcasts », qui abondent sur le marché (les concerts de Brest et de Manchester 1979, les deux performances au Capitol Theater à Passaic de 1978). Comme quoi, l’esprit de ZAPPA est toujours parmi nous ; et de là-haut, à la vue de la situation générale, il doit bien rigoler.

Document n° 119 dans la discographie officielle, c’est ici un double CD (ou un format 4 LP)  qui propose le concert du 25 mars 1988 enregistré à Uniondale, N.Y. au Nassau Coliseum. Ont été intégrés également sur le deuxième CD, un titre daté du 23 mars au Towson Center et un autre du 16 mars au Civic Center de Providence.

En fait, il s’agit du tout dernier concert de Frank aux U.S.A. Cette tournée 88 fut très courte et se déroula entre les mois de février et de juin. Elle passa heureusement en Europe avant d’être purement annulée par ZAPPA (qui perdit ainsi beaucoup d’argent), à cause de sérieux problèmes internes entre certains membres du groupe. Toute une partie des U.S.A (notamment le Midwest et le Sud)  n’aura jamais eu la chance de voir sur scène ZAPPA et sa nouvelle formation incluant onze musiciens (dont une section de cuivres de cinq musiciens avec les vétérans Wallt et Bruce FOWLER).

Pour cette tournée, il y avait en effet un super groupe (présenté alors comme « The Best Band You Never Heard In Your Life »), avec des musiciens du passé (les frères FOWLER), des nouveaux (Mike KENEALLY, qui a joué aussi avec Joe SATRIANI, sur l’album Shockwave Supernova en 2015, où figurait aussi un autre ex ZAPPA, Vinnie COLAIUTA) et le noyau historique qui a accompagné Frank pendant de longues années (Ed MANN, Ike WILLIS, Robert MARTIN, Scott THUNES et Chad WAKERMAN ; ce dernier livre quelques notes sympathiques dans le livret).

Notez que pour la prochaine tournée américaine de KING CRIMSON, qui débute dans quelques semaines, il y aura, en » guest », le ZAPPA BAND, qui comprend certains de ces musiciens (KENEALLY, THUNES, MARTIN, en plus de Ray WHITE et Joe TRAVERS, le « vaulmeister » responsable avec Ahmet ZAPPA de toutes ces parutions zappaiennes).

Pour les fans, ce concert est, en plus d’être émouvant, assez fabuleux, avec un son impeccable.  Il se présente en deux parties ; le premier set se terminant avec Sofa 1. C’est un concert où le rock des années 1960 et 1970, les ambiances jazzy, le doo-wop et la musique dite sérieuse s’enchaînent à toute allure, créant parfois des suites improbables et très drôles : Packard Goose mêlé à du STRAVINSKY et du BARTOK (performance où est invité le Long Island Ballet Compagny), ou The Torture Never Stops incluant le générique du feuilleton Bonanza (fin du premier CD) et le très country-loufoque Lonesome Cowboy Burt de 200 Motels.

Comme à son habitude, ZAPPA n’est pas avare dans la sélection des titres choisis. Nous retrouvons des chansons des M.O.I. (par exemple, Love of my Life, une chanson d’amour sucrée qui a été notamment reprise par le groupe THE NITS en concert en 1995), des titres de référence des années 1970 avec de beaux soli de guitare (Inca Roads, Sharleena, The Torture Nerver Stops) et aussi des titres plus récents qui figureront sur Broadway The Hard Way (autre témoignage important de cette année 1988).

Les reprises à la sauce ZAPPA sont aussi très nombreuses : quelques secondes du thème de la série Bonanza, deux très courts extraits arrangés par le bassiste Scott THUNES de La Marche royale (provenant de L’Histoire du Soldat, la seconde suite écrite en 1920 et composée de neuf parties – la première, constituée de cinq parties, date de 1919) de Igor STRAVINSKY et du Concerto pour Piano n°3 (1945) de Béla BARTOK, le Boléro (1928) en mode reggae de Maurice RAVEL sans oublier un medley des BEATLES, ainsi que leur chanson I’m The Walrus.

Il y a aussi un clin d’œil à LED ZEPPELIN (avec une étonnante version enregistrée deux jours auparavant à Towson, de Stairway To Heaven, assez drôle avec ces étranges bruitages vocaux ; la guitare de PAGE étant remplacée par les cuivres), et l’imposant Whipping Post (ici capté à Providence), titre de 1969 du groupe THE ALLMAN BROTHERS BAND, déjà joué lors de la tournée de 1984, avec au chant, un Robert MARTIN au meilleur de sa forme.

En guise de final, ce concert s’achève avec l’hymne traditionnel America The Beautiful (nous retrouvons cette même version, ainsi que celle de When The Lie’s So Big, sur le CD For President – Zappa Records, n° 103, en  2016).

Les titres joués lors de cette tournée ont bénéficié évidemment de nouveaux arrangements adaptés à cette formation.  L’ensemble est particulièrement lumineux, jovial et festif ; les cuivres (trombone, divers saxos, clarinette) sont très présents et ajoutent beaucoup d’énergie et de couleurs aux morceaux. Cette tournée sonne donc différemment des précédentes tournées (celles de 1981, 1982 et 1984) qui proposaient un groupe à la configuration rock plus basique (guitares, basse, batterie, percussions, claviers).

Il y a toujours ce travail minutieux dans les interprétations, cette précision dans le jeu de chaque musicien que nous entendons bien distinctement (section rythmique très riche, cuivres puissants, envolées de guitares) que nous apprécions particulièrement sur des morceaux complexes du répertoire, The Black Page dans une version « new-age » ou Pound for a Brown dans une version de dix minutes. Pour arriver à un tel résultat, quatre mois de répétitions intensives ont été nécessaires, et nous pouvons imaginer que cela n’a pas dû être facile avec toutes les tensions existantes entre les musiciens. Ces derniers sont des professionnels et ces dissensions ne s’entendent pas sur scène ; chaque musicien fait son job à la perfection, sous l’oreille attentive de ZAPPA, le chef d’orchestre.

Il s’agit donc d’un très beau document, même si cette tournée a déjà fait l’objet d’autres parutions et que nous retrouvons bien entendu parfois un peu les mêmes titres. Il y a cependant un petit trésor immanquable qui se trouve dans le premier CD : l’instrumental, One Man, One Vote nous ramène à l’album Frank Zappa Meets The Mothers of Prevention en 1985 et à cette période où ZAPPA utilisait le synclavier (synthétiseur numérique crée dans les années 1970). Cette pièce fait figure ici de véritable rareté.

Cédrick Pesqué

Site : www.zappa.com

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