GENTLE GIANT – Giant on the Box
(Alucard)
Demandez à un fan de rock progressif actuel qui a dit un jour : « Notre but est d’élargir les frontières de la musique populaire contemporaine, au risque d’être très impopulaires. Nous avons enregistré chaque composition avec une seule pensée : que celle-ci soit unique, aventureuse et fascinante. » Avec un peu de chance, il ne pourra pas vous répondre, et vous aurez la preuve que GENTLE GIANT figure parmi ces groupes un peu « maudits » de la sphère progressive, dans laquelle pourtant on le classe volontiers. Complexe, la musique de GENTLE GIANT ? Sans doute. Difficile d’accès ? N’exagérons rien, mais tout est question d’accoutumance.
Une chose est sûre, c’est que GENTLE GIANT a su se forger un style à lui tout seul, qui a depuis fait parcimonieusement école. Il s’est donné pour marotte d’entrechoquer et de fusionner des éléments de rock, de jazz-rock, de classique, de folk et de médiéval, le genre de choses qu’on ne pouvait faire que dans les années 1970 et que, même aujourd’hui dans le prog, on n’ose plus trop faire. Si le groupe compte parmi les ténors de ce qui fut nommé le rock progressif, il est l’un des rares à ne pas s’être reformé et serait bien mal en passe de le faire apparemment. Il reste donc les disques de l’époque, les divers albums « official bootlegs » live et, maintenant, cet improbable DVD !
Même sans avoir connu le succès d’un GENESIS, d’un YES ou d’un KING CRIMSON, GENTLE GIANT a tout de même été filmé sur scène pour diverses chaînes de télévision, et c’est bien pourquoi le projet d’un DVD a pu aujourd’hui voir le jour, pour notre plus grande surprise et satisfaction. Giant on the Box regroupe donc différentes performances live des années 1974-75. C’est apparemment tout ce que le groupe a pu récupérer de décent à montrer au plus grand nombre.
La plus grosse partie de ce DVD est consacrée à un concert pour la TV allemande en 1974 (tournée The Power & The Glory) qui est également disponible sur un CD audio inclus dans la Box. Bon nombre de grands classiques scéniques de GENTLE GIANT y sont interprétés, tel Funny Ways ou Experience, retravaillés pour la scène : outre la profusion des instruments (guitares électriques et acoustiques, claviers, violons, flûtes, percussions variées… ), on appréciera la densité compositionnelle et les cassures fulgurantes des thèmes (Advent of Panurge), la talentueuse polyvalence des musiciens, notamment leur travail sur les polyphonies (Knots), leur duo de guitares ou leur trio de flûtes (Octopus), et leur performance collective aux percussions (So Sincere).
Il faut croire que les cameramen n’avait jamais vu un groupe pareil de leur vie, vu la difficulté qu’ils ont eu à capter les interventions de chaque musicien. Ceux du show américain de 1975 ont eu plus de chance et de perspicacité. Dommage par contre que le groupe joue le même répertoire ; on en est quittes pour guetter les menues variantes dans les improvisations.
En complément figure un documentaire italien (en noir et blanc) présentant une interview du groupe (on y voit Derek SHULMAN se planter sur une chaise, un must !) entrecoupée d’un interprétation live du Medley from Octopus (dont pas moins de trois versions sont présentes dans ce DVD, vous avez intérêt à aimer !).
Enfin, on a droit à un extrait d’un autre concert allemand de 1974 dans lequel le groupe vire « heavy » sur un segment d’In a Glass House, une rareté suprême. Le DVD comprend également une galerie photos et, cerise sur le gâteau, le claviériste Kerry MINNEAR, qui gère les droits du groupe, a spécialement composé des thèmes inédits pour animer les menus.
Sans pouvoir être qualifié d’anthologique, vu la courte période qu’il couvre, Giant on the Box a le mérite de présenter GENTLE GIANT à une époque où il était encore au sommet de sa forme. Il ravira obligatoirement les fans et servira d’excellente introduction pour les néophytes. Pour tout amateur de musique progressive, GENTLE GIANT fait de toute façon partie des sujets obligatoires.
Stéphane Fougère
Site : www.gentlegiantmusic.com
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°16 – novembre 2004)