Grèce : O Skáros – Musiques pour flûtes
(AIMP / VDE-Gallo)
Quand on dit musique grecque, on pense généralement aux luths bouzouki, saz, baglama et tar, aux percussions daouli et bédir, mais la flûte n’est pas l’instrument qui vient prioritairement à l’esprit pour illustrer les traditions musicales du pays. C’est bien simple, même l’Antiquité grecque, en dépit du mythe du dieu Pan et de sa syrinx, n’accordait que peu d’intérêt aux flûtistes, leur préférant les aulètes (joueurs de hautbois) ! Il a fallu attendre le poète VIRGILE pour que l’imagerie du berger arcadien joueur de flûte commence à être popularisée.
Encore aujourd’hui, il semble que les musiques de flûte en Grèce ne soient guère prisées, et il n’y a guère qu’au nord du pays, dans les régions de Macédoine, d’Épire, de Thessalie et de Thrace, que les expressions liées à cet instrument se sont maintenues, principalement grâce aux bergers.
Ce disque nous offre donc le privilège d’en savoir un peu plus sur une pratique injustement méconnue ou boudée. Le musicologue Wolf DIETRICH a parcouru les villages des régions citées plus haut, mais aussi ceux des îles ainsi que ceux des parties héllonophones d’Anatolie, à la recherche de bergers, paysans ou artisans possédant un répertoire de flûte et qu’il a enregistrés chez eux ou en plein air.
Effectués sur une période s’étalant de 1966 à 2007, soit une quarantaine d’années, les enregistrements ne suivent pas un ordre chronologique, mais ont été regroupés par thèmes. L’album permet ainsi de découvrir la tradition de flûte des Grecs pontiques, les répertoires d’airs de danse, de chansons dansées et de mélodies en rythme libre préservées par les bergers, ainsi que les répertoires des minorités (Arvanites, Aroumains, Sarakatsanes).
La plupart des flûtistes jouent en solo, certains sont accompagnés par un chanteur, ou un joueur de tambour dombeléki ou daoúli, ou par des cloches… ou bien par le chant occasionnel d’un canari… La flûte la plus entendue dans ces enregistrements est la flûte à conduit nommée généralement floyéra (à embout coupé droit et aminci vers l’extérieur), mais on y trouve aussi des airs joués sur les flûtes obliques tzamára et kavali, la flûte courte zoúrla, la petite flûte spyrohávlio, la flûte à bec souravli, ainsi que la plus rare flûte double souvliári (non, pas de flûte de Pan !).
O Skáros regroupe au total quarante pièces qui nous font pénétrer de plain-pied dans l’univers sonore, émouvant ou grisant, des bergers grecs d’aujourd’hui et d’hier.
Stéphane Fougère
Label : www.vdegallo.ch
(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°44 – automne 2009)