HAMON MARTIN QUINTET – Clameurs
(Coop Breizh)
Depuis bientôt vingt ans, HAMON MARTIN QUINTET s’est surtout illustré sur les scènes de fest-noz avec un répertoire de danses divinement arrangées, qu’il n’a jamais cessé d’enrichir avec ses propres compositions. Son public n’a eu que peu l’occasion d’entendre ses mélodies, complaintes, poèmes et chansons contemporaines, excepté sur ses disques, le quintet se produisant rarement sur des scènes de concert en France. Aussi l’arrivée de son septième album, Clameurs, constitue une véritable surprise puisque celui-ci est consacré à la chanson et non à la danse. Les Clameurs de HAMON MARTIN QUINTET évoquent la guerre, les luttes, la résistance, l’écologie et éveille les consciences à travers des chants populaires, des poèmes, des reprises de chansons francophones des années 1960 et 1970 (quand les artistes folk militaient pour la paix), des chants traditionnels et de nouveaux textes.
Que les fans se rassurent, la formation n’a pas changé et on retrouve avec plaisir Mathieu HAMON et sa voix puissante et habitée, ainsi qu’Erwan HAMON, Janick MARTIN, Ronan PELLEN et Erwan VOLANT, qui habillent avec grâce et virtuosité de leurs accordéons diatoniques, flûte traversière en bois, bombarde, cistre, basse et même violoncelle, les seize chansons de ce nouvel album. Le groupe est renforcé par la présence de Julien PADOVANI à la direction artistique et aux claviers (orgue Philicorda et piano Fender Rhodes), Raphaël CHEVÉ à la batterie et Rosemary STANDLEY, la voix lumineuse du groupe MORIARTY.
C’est avec une majestueuse version entre Orient et Occident d’une chanson de GLENMOR sur les guerres de religion, Les Croisades (issue de son album Cet Amour-là paru en 1969), que le quintet a choisi d’ouvrir son nouvel album et de faire le lien avec le thème de son précédent opus, Kharoub (rencontre musicale entre Bretagne et Palestine). Les musiciens illustrent avec beauté et sobriété ce superbe texte, avec le renfort des claviers de Julien PADOVANI, tout en donnant l’impression de voguer sur l’océan. Des textes antimilitaristes reviennent tout au long de l’album et, à l’heure où il s’apprête à fêter ses vingt ans, HAMON MARTIN QUINTET clame haut et fort ce poème de Gaston COUTÉ écrit au début du 20e siècle, Nos vingt ans, appuyé par la batterie de Raphaël CHEVÉ qui rappelle les tambours militaires : « Et voici qu’on veut affubler nos tendres vingt ans d’oripeaux de haine (…) Nos vingt ans ils sont à nous, nous les gardons pour nous ! ».
Le quintet puise dans l’histoire du 20e siècle mais pas dans la tradition bretonne, avec l’adaptation de La Chanson de Craonne, composée durant la première guerre mondiale sur un air populaire et longtemps interdite en raison de ses paroles antimilitaristes et anticapitalistes qui incitent à la rébellion, puis avec La Complainte du Partisan écrite à Londres durant la seconde guerre mondiale pour appeler à la résistance. La version de cette complainte, qui alterne les paroles françaises d’origine à celles que Léonard COHEN avait adaptées en anglais pour son album The Partisan en 1969, est particulièrement mise en valeur avec la superbe voix de Rosemary STANDLEY qui donne la réplique à celle, toujours remarquable, de Mathieu HAMON. Le chanteur du quintet se montre parfaitement à l’aise, pour la première fois en duo avec une voix féminine, sur un répertoire de chansons qu’il avait déjà commencé à explorer dans son spectacle solo Chansons compagnes. Il l’est aussi dans un registre plus jazz et pétillant avec un morceau peu connu de Charles TRENET qui évoque avec optimisme l’après-guerre, Renaud Renaud (1971), accompagné de la basse d’Erwan VOLANT, de l’orgue et du piano.
L’écologie est également évoquée dans Clameurs avec la reprise de J’ai planté un chêne de Gilles VIGNEAULT (1976), que les musiciens illustrent de manière minimaliste, en frappant sur leurs instruments pour en faire des percussions, la flûte chantant à l’unisson avec Mathieu HAMON, tandis que Janick MARTIN expérimente des bruitages avec les pédales d’effets de son accordéon. Et avec Brin d’herbe, une courte chanson de Brigitte FONTAINE et Areski BELKACEM issue de leur double album Vous et Nous paru en 1977, est (en)chantée en duo avec Rosemay STANDLEY et le quintet y a ajouté des parties instrumentales féériques.
Sylvain GIRAULT, qui officie comme parolier régulier du groupe depuis 2007, apporte quatre textes à l’édifice de ces Clameurs. Il ne manque pas d’évoquer les dégâts écologiques avec La Vénéneuse, un nouveau texte raffiné et noir comme une marée porté par une composition de Ronan PELLEN. Mais c’est avec Cerises d’Amour que l’auteur réussit un exercice de style subtil et impressionnant, en réunissant des bouts de chants de luttes historiques et contemporains pour en faire une chanson qui colle parfaitement à l’actualité de ces dernières années, en transmettant le rêve d’une révolution pacifiste « Comment faire la révolution en chantant ? », avec des instruments explosifs (batterie, bombarde). Mathieu HAMON a co-écrit deux textes avec Sylvain GIRAULT. Le premier est l’émouvant Sous le vent de la Palestine, qui fait écho au précédent opus Kharoub, auquel est enchaîné un plinn moyen-oriental dans lequel la batterie vient apporter des influences jazz puis rock. Le second, L’Amertume, fait référence à la fin des luttes qui durent longtemps et, si la musique est nostalgique, la nature s’éveille au son de la flûte d’Erwan HAMON.
La poésie revient avec l’adaptation d’un poème de Paul FORT, Le Vieux Mendiant (1971) en une belle et aérienne valse menée par l’accordéon. Si Clameurs n’oublie pas les chants traditionnels, peu sont originaires de Bretagne. La Perdrix Blanche, une variante de La Perdriole, est particulièrement réussie. Chaque couplet de cette chanson, correspondant aux douze mois de l’année, est enrichi d’une nouvelle couleur ou d’un nouvel instrument jusqu’à aboutir à un véritable feu d’artifice musical. La Blanche Biche nous emmène dans un univers fantastique avec les claviers et les deux voix. M’en revenant des noces (une version morbihannaise d’À la Claire Fontaine) est également interprétée en duo par Mathieu HAMON et Rosemary STANDLEY, avec le renfort d’un instrument qui fut surtout utilisé dans la musique électronique allemande au milieu des années 70, l’orgue Syntorchestra Farfisa, joué par Julien PADOVANI, qui donne à cette joyeuse chanson un aspect éclatant.
Quant à La Route aux quatre chansons (1964), elle semble avoir été tracée sur mesure pour le final de l’album. Georges BRASSENS écrivit en effet les quatre couplets de ce morceau à partir de quatre chansons populaires (Sur la route de Dijon, Sur le pont d’Avignon, Dans les prisons de Nantes et Auprès de ma blonde), dont il s’est réapproprié habilement et avec humour les paroles.
Depuis une dizaine d’années déjà, avec les albums Du Silence et du Temps et Les Vies que l’on mène, le quintet a intégré des textes engagés dans son répertoire et ce n’est pas un hasard si les illustrations très réussies du digipack rappellent les pochettes dessinées des vinyles de folk francophone des années 1970. Avec Clameurs, HAMON MARTIN QUINTET redonne vie avec finesse et poésie au folk, principalement contestataire, armé d’un instrumentarium et d’arrangements inhabituels et contemporains, loin des standards musicaux de la chanson. Le choix des textes est particulièrement bien pensé et adapté à l’actualité et les chansons sont sublimées par la richesse du chant, du jeu des musiciens et des arrangements. Du grand ART !
Sylvie Hamon
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Site : http://alazim-muzik.com/artistes/hamon-martin-quintet/
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