HELLÉBORE – Il y a des jours
(Gazul / Orkhêstra Int.)
TOUPIDEK LIMONADE – « Il y a des nuits… et des nuits »
(In Poly Sons / Gazul / Orkhêstra Int.)
Chic alors ! Gazul, sous-division du label Muséa, fait œuvre de réhabilitation culturelle en rééditant quelques fleurons de la mouvance française du post-Rock in Opposition des années 1980.
Paru d’abord sur Ayaa, label îlotier du non-conformisme musical, Il y a des jours constitue l’unique album de cette obscure formation que fut HELLÉBORE, l’une des premières dans l’Hexagone à prolonger l’esprit RIO à l’heure où ÉTRON FOU LELOUBLAN (digne représentant français du genre) commençait à entonner son chant du cygne. En fait, cette réédition tient aussi lieu d’œuvres complètes puisqu’on y a fait figurer en bonus des piécettes parues sur d’improbables compilations entre 1982 et 1984.
Sur une toile instrumentale comprenant orgue, basse, saxo, guitare, clarinette, piano, percussions et Crumar (?), HELLÉBORE a composé un univers badin et saugrenu, avec des compositions sujettes aux humeurs automnales comme aux dérapages impromptus, combinant le sens de la complexité insolente d’un HENRY COW avec le goût de la ritournelle folklo-naïve dévergondée à la SAMLA MAMMAS MANNA, en moins tapageur toutefois.
Chez HELLÉBORE, la dérision se fait cauteleuse et le « nonsense » impressionniste, ce qui ne l’empêche pas d’échafauder de périlleuses structures à tiroirs, comme cette suite de 14 minutes (Umanak-Marquis de Saint Cricq), lieu de planque idéal pour des boîtes à rire. Face au Grand-Oncle HENRY COW, HELLÉBORE est ce gamin trop sage pour ne pas être aussi moqueur. Il faut voir avec quelle sournoiserie il vide de sa substance et neutralise le discours politicard dès son Introduction végétarienne, histoire de se mettre au vert, comme toute plante qui se respecte…
Parmi les musiciens, on remarquera Daniel KOSKOWITZ, devenu depuis bien plus turbulent avec ÉTAGE 34 et JAGGER NAUT, ainsi que Jean CAEL et Denis TAGU qui devaient, peu après HELLÉBORE, donner naissance à TOUPIDEK LIMONADE.
Il n’est donc pas surprenant que Denis TAGU, responsable du label In Poly Sons, se fasse plaisir (et à nous par la même occasion) en rééditant également dans la foulée les œuvres non moins recommandables de TOUPIDEK LIMONADE, œuvres qui font d’ailleurs ouvertement office de suite aux aventures de HELLÉBORE puisque justement dénommées Il y a des nuits… et des nuits .
Les morceaux qui figurent dans ce CD proviennent d’une K7 sortie en 1985 et distribuée confidentiellement à l’époque. Jean CAEL et Denis TAGU, pourtant dotés d’un organe vocal allant de l’ironie au dramatique, se sont adjoint les services de la chanteuse norvégienne Kwettap IEUW.
Entre pas moins de quatre Valses d’Ubu cocu, un Let’s triste again et des voix lugubres des Soirées de St Petersbourg monopolisés par les deux compères, et un Chant traditionnel groënlandais interprété par Daniel KOSKOWITZ, Kwettap IEUW arrive à imposer sa voix moqueuse et gamine sur des chansons naïves à souhaits, dont le célèbre Laisse tomber les filles de Serge GAINSBOURG, et Nounours « sac de couchage » qui n’est autre que la musique de PERGOLÈSE qui faisait fureur à l’époque dans l’émission enfantine Bonne Nuit les petits, accompagnée par ses collègues dans un chœur grave et dramatique qu’on prendrait presque au sérieux sans ces bruits étranges…
Et comme cette réédition inaugure la collection « Early Times » du label de Denis TAGU, on ne sera pas surpris de trouver deux extraits délirants de deux autres K7 parues en 1985 et 1986 (All with the Voice et Out of Standard, France 2), un extrait du CD Hardis bruts édité par In Poly Sons en 1992 et un remix mignon comme tout de Laissons les nez faire titi qui figurait dans le dernier album, Il y a des bulles sur la banquise.
Mais qu’est-ce qu’ils attendent pour rééditer « l’autre groupe » de ces joyeux lurons, j’ai nommé SZENTENDRE ?
Sylvie Hamon et Stéphane Fougère