HUUN-HUUR-TU – Spirits from Tuva (Remixed)
(Jaro/Mélodie)
C’est peut-être triste à dire, mais l’accès à la notoriété pour un groupe de musique traditionnelle dans le chantier de la world music s’évalue à sa capacité à tenter l’expérience de la fusion « moderne » ou à se faire récupérer par les acteurs des musiques dites actuelles (comprenez : électroniques). C’est ce qui vient d’arriver à HUUN-HUUR-TU, probablement le groupe le plus célèbre de la république de Touva – au moins en France, où il se produit assez régulièrement –, puisqu’il s’est fait remixé la tronche comme d’autres taggent les portes des toilettes publiques.
Cette volonté d’amalgamer les chants laryngaux et les sonorités des vièles à tête de cheval typiques des steppes touvaines avec le langage de l’electronica était pourtant une idée intéressante à exploiter, tant l’univers sonore si particulier de la culture de Touva pouvait trouver son alter-ego moderniste dans le dub, par exemple, comme l’a prouvé l’album Stepmother City de Sainkho NAMTCHYLAK.
Dans le cas de HUUN-HUUR-TU, les tenants de ce projet en ont hélas conditionné les désastreux aboutissants. À l’origine, un morceau interprété par le quartet touvain a servi pour une pub TV en Grèce, et l’intérêt qu’il a suscité a poussé un DJ à en faire une version remix qui a par malheur connu un succès retentissant au point d’atteindre la première place des charts dans ce pays et de faire de HUUN-HUUR-TU les nouvelles stars des clubs branchés d’Athènes ! Il n’a pas fallu longtemps pour que soit lancé le projet d’un album entier de remixes, auquel le groupe folk, sans doute dans un moment d’égarement, a donné sa bénédiction.
Une poignée de DJ allemands, français et russes s’est ainsi emparée de quelques pièces illustres du répertoire de HUUN-HUUR-TU. Tirées à hue et à dia dans le sens de la pire musique dance mercantile qui soit, elles ont été affublés de haillons technoïdes complètement ringards et dépassés, tous ces loops et beats ayant été exploités maintes fois auparavant depuis au moins une bonne dizaine d’années, sans parler de ces claviers pseudo-new-age et de ces samples ethniques (un peu de sitar par-ci, un peu de samba latino par-là) complètement hors sujet !
Les passionnés d’expériences ethno-électro en seront assurément pour leurs frais, tant on peine à trouver dans ce fatras ultraformaté la moindre once de créativité et d’inspiration. Il y a fort à parier qu’ils n’y trouveront pas plus leur compte que les usuels amateurs de folklore d’Asie centrale. C’est mauvais de chez Mauvais, et ça a beau être risible, ça donne à la longue moins envie de rire que de pleurer.
Stéphane Fougère
Label : http://www.jaro.de