Jacky MOLARD QUARTET – Mycelium

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Jacky MOLARD QUARTET – Mycelium
(Innacor)

« Jubilation ». C’est le terme qui résume le quatrième album du Jacky MOLARD QUARTET (JMQ), aux trois-quarts instrumental, paru en mars 2018 et donné à déguster en concert sur les scènes européennes – avec, ou sans invités -, dont le très célèbre Festival interceltique de Lorient (le 7 août dernier).

Jubilation dès les premières notes, celles de la pulsion de vie – de cœur -, insufflée par la contrebasse d’Hélène LABARRIÈRE, qui ne sont pas sans rappeler le son d’un certain Henri TEXIER.

Jubilation à l’écoute des lignes rythmiques et mélodiques qui structurent ces sept compositions, toutes différentes de Suites, l’album précédent.

Et jubilation induite par le grand art de tous ces musiciens, invités y compris, celui d’avoir gravé de véritables petites sonates que BEETHOVEN lui-même aurait applaudies, pour peu qu’il eût connu le swing de ce jazz celtique (d’après ses déclarations au cours d’une séance de spiritisme).

L’originalité de cet album résulte d’abord des parcours, se croisant souvent mais tous singuliers, des membres du quartet et des invités sculptant Mycelium.

Outre Hélène LABARRIÈRE, Jacky MOLARD au violon (et à la guitare sur Triangle, Janick MARTIN à l’accordéon diatonique et Yannick JORY aux saxophones alto et soprano, tous quatre membres historiques de ce groupe formé au début des années 2000, cinq personnalités complètent l’orchestre pour notre plus grand bonheur.

Jean-Michel VEILLON, figure du renouveau musical breton est le complice de Jacky MOLARD depuis une quarantaine d’années. On ne présente plus sa fameuse flûte traversière en bois, chère aux musiciens traditionnels irlandais, qui ne le prive nullement de jouer, ailleurs, d’autres flûtes, au son hypnotique. Nous avons pu le retrouver au sein de PENNOÙ SKOULM, GWERZ, BARZAZ, Alain GENTY GROUPE, CELTIC PROCESSION, BAL TRIBAL et bien d’autres… la plupart du temps, en compagnie de Jacky.

Le saxophone baryton de François CORNELOUP a participé à beaucoup d’escapades musicales en compagnie d’Hélène LABARRIÈRE. Il a notamment joué au cœur du célèbre Soñjal d’Henri TEXIER, et son propriétaire n’a pas craint de le mêler à des aventures dissonantes et libertaires telles que des interventions free jazz ou son apport à l’hommage spontané à l’anarchiste DURRUTI, enregistré en 1996 par Nato (Buenavenura Durutti). François CORNELOUP est en effet apprécié – entre autres qualités -, pour celle d’un « improvisateur qui sait aller jusqu’au bout de ses chorus, sans rien lâcher. » « Le saxophone baryton en osmose avec le soprano de Yannick apporte un autre timbre », déclare Jacky MOLARD.

« Osmose » est le terme approprié, car Yannick JORY a participé lui aussi à de nombreuses aventures, particulièrement dans le monde celtique : on se rappelle la concomitance de sa prestation dans le Alain GENTY GROUP avec la non moins primesautière mais tout aussi efficace musique de son ensemble, souvent burlesque : LES PIRES. Le JMQ travaillant le plus souvent sur des motifs celtiques, il en est le « sonneur » ; tels qu’il en use, ses saxophones offrent en effet plus de possibilités que les instruments traditionnels.

Souvent de paire avec l’alto, le soprano de Yannick, avec lequel s’installe un dialogue nourri, l’accordéon diatonique de Janick MARTIN trouve un partenaire idéal, car son instrument à soufflet a non seulement accompagné des personnalités comme Gilles SERVAT, mais a souvent servi des entreprises atypiques, tant elles se situent aux frontières du jazz, des musiques du monde et des musiques improvisées. Janick sait exploiter toutes les ressources insoupçonnées de ce petit orgue à bretelles, notamment celles de l’émotion (son cousin est le bandonéon argentin, ne l’oublions pas).

Ceux qui ont frissonné en écoutant la guitare vrombissante ou l’orgue intrigant de Serge TEYSSOT-GAY, autant dire celle de NOIR DÉSIR, se rappellent la diversité de ses soli ou celle de ses « costumes » sonores. Cette prestigieuse carte de visite a ouvert à ce musicien la voie à de multiples collaborations – par exemple INTERZONE ; Jacky MOLARD justifie son invitation en ces termes : « J’aime les ambiances qu’il crée et le son électrique dans le quartet fait aussi partie de mes recherches. » Car cette formation se présente, à nos yeux – en amont de l’élaboration des sept pièces qui constituent Mycelium,- comme un laboratoire d’où surgissent des avancées musicales qui feront date dans l’histoire de la musique celtique. « La guitare, ajoute Jacky, nous ouvre d’autres horizons de timbre. »

Maintes fois complice de François CORNELOUP et d’Hélène LABARRIÈRE, Christophe MARGUET est très sollicité pour sa subtilité de batteur et de percussionniste qui le rapproche des rythmiciens du label ECM (qu’il apprécie d’ailleurs). Qu’il intègre un projet ou qu’il joue au sein de ses propres formations, l’inventivité reste la première de ses qualités de musicien, sachant varier et développer les effets de la caisse claire, des toms, des cymbales, de la grosse caisse et des instruments additionnels, et rendant mémorable sa participation à toute œuvre à laquelle il participe.

Artiste inclassable par excellence, connu dans le monde entier, loin des grandes voies commerciales, Albert MARCŒUR joue ici des percussions et lit deux de ses textes dans lesquels la dérision travestit une sourde colère en direction de deux thèmes de société. Triangle, manifeste politiquement incorrect en faveur de la réouverture des lupanars, et Précautions d’usage, qui est une satire parodique désespérée, un cauchemar à deux doigts de se matérialiser sur une Terre livrée à ses persécuteurs, Terriens sans scrupules… mais pas sans argent.

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Mycelium bénéficie donc de talents multiples, et la réussite de cet album tient aussi à l’oreille, au travail acharné et à l’intuition de Jacky MOLARD lui murmurant comment concilier tous ces talents pour parvenir à ses fins sur chacune des sept compositions, qu’elles émanent de lui-même (Triangle, Mycelium, pièce éponyme), ou d’autres membres de cette formation (Bolom, de Jean-Michel VEILLON, Jabiru de Yannick JORY) ou d’invités (An nouveau de François CORNELOUP, Précautions d’usage d’Albert MARCŒUR ou Adjihina, extraite du répertoire d’INTERZONE, groupe mêlant oud et guitare électrique, et réarrangé ici pour l’occasion).

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En effet, grâce à l’assimilation des structures traditionnelles provenant tant de l’Est que de l’Ouest de l’Europe, se combinant aux improvisations (le fameux laboratoire) figées l’instant d’un disque, et cela depuis 2005, l’année de la parution du premier CD du JMQ, la complexité de Mycelium apparaît au grand jour : non pas pour l’ostentation de la virtuosité des interprètes mais par le jeu, car ici nos oreilles sirotent un bouquet de sonorités où la simplicité le dispute au complexe, le calme au bouillonnement, le celtique au jazz, dans un ensemble homogène, toujours accessible, et donc en rien élitiste.

Et sans cette forte unité d’une pièce à l’autre, l’auditeur ne ressentirait pas la fluidité qui lui permet de ne jamais « décrocher » de son voyage. C’est dire que cet album du quartet, fruit d’innombrables heures de travail commun, en studio, – et Jacky enregistre et mixe la plupart des productions Innacor -, mais surtout sur scène, se présente à nous comme la plus aboutie des quatre parutions, et mérite toute l’attention que les oreilles internationales affutées réservent aux œuvres brillantes, savoureuses et novatrices.

Mescalito

Page : https://www.facebook.com/jackymolard4tet/

Label : www.innacor.com

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