Kali MALONE – All Life Long

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Kali MALONE – All Life Long
(Ideologic Organ Music)

Une merveille ! Voilà ce qui nous vient à l’esprit quand nous pensons à ce nouveau disque de Kali MALONE. Ce projet, réalisé entre 2020 et 2023, est une transe divine et sacrée pour orgues, chœur et cuivres. Les parties pour orgues sont jouées par Kali, parfois accompagnée de Stephen O’MALLEY, ici et là sur le continent européen. Le chœur, MACADAM ENSEMBLE, est constitué d’un chef d’orchestre et de quatre voix (contre-ténor, ténor, baryton, baryton-basse) et a été enregistré à Nantes. ANIMA BRASS est un quintette de cuivres regroupant deux trompettes, un « french horn », un trombone et un trombone basse. Les musiciennes et musiciens ont enregistré leurs performances à New York.

Ce disque est un surprenant voyage dans le temps. Kali MALONE, à travers des compositions solides et sublimes, où l’espace et le temps semblent se figer, jouant sur la répétition, la variation, la réflexion et la contemplation, tisse un lien invisible entre le sacré et le profane. C’est saisissant et simplement beau.

Dès le premier titre, Passage through the Spheres, les voix de MACADAM ENSEMBLE sont dignes d’un chant grégorien. Le chant en canon nous plonge dans un autre monde, imprégné d’ambiances médiévales et sacrées. Les paroles sont une adaptation de In Praise of Profanation du philosophe italien Giorgio AGAMBEN (dont les recherches concernent notamment la théologie, la biopolitique, l’histoire des concepts). Ensuite arrive Kali, jouant sur un orgue médiéval du XVe siècle : l’orgue Van Straten à Amsterdam. Nous pensons tout de suite à du Philip GLASS.

All Life Long (For Organ) pourrait être la musique d’accompagnement d’une longue réflexion philosophique sur la vie. Elle se livre à nous telle une lente litanie, avec la même mélodie répétée pendant plus de huit minutes et jouée sur des tonalités variées, claires-obscures, jusqu’au final constitué d’une note continue qui s’étire en longueur avant de s’éteindre brutalement (nous remarquerons que ce type de final est propre à tous les morceaux pour orgues).

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Les cuivres prennent le relai sur No Sun to Burn. Ils sont imposants, fiers et grandiloquents. Joué sur le même principe de la répétition et de la variation, Prisoned on Watery Shore est une pièce pour deux orgues à tonalité moyenne (« italian ans spanish meantone organs »), situés à Lausanne et joués par Kali et Stephen O’MALLEY. Ces deux orgues se confrontent ou peut-être se font-ils la parade ? Nous percevons un orgue avec une tonalité claire, lumineuse, aérienne et un autre privilégiant des notes plus graves. La lumière et l’obscurité sont ici réunis par l’intermédiaire de deux orgues ou deux forces en opposition. Les cuivres reviennent avec Retrograde Canon, telle une marche funèbre. Ces cuivres font penser à cet étrange album de David BYRNE, The Knee Plays – The Civil Wars (avec Robert WILSON).

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Puis, c’est de nouveau le chœur avec Slow of Faith, dont les paroles font références à The Present Crisis (poème anti-esclavagiste) de James Russell LOWELL, poète, écrivain, diplomate, abolitionniste américain (1819-1891). Nous sommes submergés par la pureté de ces voix qui semblent vouloir apporter du réconfort.

Se succèdent ensuite plus de vingt minutes de musique pour orgues avec deux pièces toujours jouées par Kali et Stephen, intitulées Fastened Maze et No Sun to Burn (For Organ). La première a été enregistrée à Amsterdam, la suivante en Suède. Pour cette dernière, après une version par les cuivres, c’est une toute autre dimension qui s’offre à nous. Cette version est somptueuse, véritable hymne à la rédemption où l’imagerie gothique d’un Christ Sauveur apaise les âmes en des temps obscurs.

Manière de retrouver nos esprits après ces orgues hypnotiques, le choeur propose une version de All Life Long avec cette fois-ci, des paroles en rapport avec le superbe poème The Crying Water (Le Cri des Eaux – 1914) d’Arthur SYMONS (1865-1945 écrivain, poète, critique littéraire britannique) dont les thèmes abordent le cycle de la vie, le désir, la perte et  la mort inévitable.

All Life Long (For Voice) souligne une résonnance vocale profonde et montre à quel point le travail d’enregistrement a été finement ciselé à la chapelle Notre-Dame-de-l’Immaculée-Conception dont l’acoustique est incroyable.

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Une autre composition pour orgue, Moving Forward, permet d’écouter Kali seule avec l’orgue d’Amsterdam. Le Koyaanisqatsi de Philip GLASS nous revient en mémoire. Il y a de la compassion dans cette musique, un sentiment de plénitude absolue et de flottement. Formation Flight par ANIMA BRASS est un dernier court intermède de moins de trois minutes, où les cuivres semblent défiler lentement, annonçant le retour de Kali et de Stephen pour le final, The Unification of Inner & Outer Life, avec leurs fameux orgues suisses.

Alors que de nouveau les deux orgues s’entremêlent, de légers bourdonnements se font entendre, de plus en plus insistants peu avant la fin, à la limite du supportable, revêtant au morceau un aspect lugubre. Et telle une ascension, l’esprit et l’âme s’envolent, unis pour toujours, pour un voyage vers l’infini.

Sur cet album, la poésie sonore et vocale crée la beauté : les orgues sont des instruments majestueux, entre chagrin et lumière, imprégnés d’histoire venant de cette vieille Europe, dont les deux musiciens réussissent à extirper des sons d’un temps passé, entre grandeur et flamboyance. All Life Long pourrait s’écouter toute la vie.

Notez que Kali MALONE va passer en concert les 2 et 3 septembre à l’Eglise du Saint- Esprit à Paris et que les billets ne sont disponibles qu’en ligne et non dans les billetteries habituelles (Fnac)… Une pratique hélas de plus en plus courante. Dommage, ce sera sans nous !

Cédrick Pesqué

Site : https://kalimalone.com/

Label : https://www.ideologic.org/

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