KILA – Luna Park

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KILA – Luna Park
(Kila Records)

Pour une raison qui m’échappe encore, on n’a pas encore eu l’occasion de vous dire que KILA fait partie de ces groupes absolument recommandables qui emmène loin le folk irlandais et en extrapole les possibles sans pour autant lui faire perdre ses racines et ses saveurs (tiens, les amateurs de Guiness lèvent le nez…). Et surtout, c’est un groupe dont la musique possède une énergie considérable doublée d’une inventivité perpétuelle.

KILA, c’est à la base une affaire de famille, le groupe ayant été formé par les trois frères O’SNODAIGH, Ronan, le percussionniste ; Rossa, multi-instrumentiste ; et Colm, lui aussi touche-à-tout et chanteur de « sean nos » (« vieux style » gaélique), ainsi que par le joueur d’uillean pipes Eoin DILLON. Deux autres frères les ont depuis rejoints, Brian et Lance HOGAN (cordes et percussions), ainsi qu’une joueuse de fiddle, Dee ARMSTRONG. La palette est donc large, et tout ce beau monde fait montre d’une haute complicité et maîtrise de son sujet.

Pour son sixième album, KILA est toutefois pris en flagrant délit de copiage, en tout cas pour sa pochette. Les attractions de Luna Park ont en effet déjà séduit d’autres routards de la folk music, tels Gabriel YACOUB (Babel) et WHIRLIGIG (Spin) et même jusqu’au DAVE MATTHEWS BAND (Under the Table and Dreaming). Qu’importe, on aura bien compris le message : ce nouveau CD décoiffe et fait tourner la tête ainsi que les oreilles, et pas forcément dans le même sens !

Il suffit d’écouter le morceau d’ouverture, Glenfaidh Mé, époustouflant et aventureux, pour se rendre compte que le taux d’adrénaline du groupe est au beau fixe et répand ses vibrations tout azimut.

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Dans le genre, The Mama Song se place bien là aussi. Et même quand le groupe se prend d’envie de donner dans la ballade histoire de calmer un peu les nerfs, il lui est difficile de ne pas accélérer le pas, comme par lapsus.

KILA carbure et ne ménage pas sa monture tant il veut faire voir du pays et des autres, à tel point que certaines pièces, comme Baroki et Luna Park, se caractérisent par leurs variations climatique, leurs détours et leurs développements harmoniques tortueux typiques d’un certain folk-rock progressif.

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Densité est le maître-mot chez KILA. Dans tout ce feu d’artifice, on s’étonne que le groupe trouve encore le temps de déposer ses armes pour entonner un thème strictement a capella, Maith Dhom, dont les harmonies vocales plongent dans les arcanes gaéliques.

De Luna Park au « KILA Park », il n’y a qu’un pas. L’instrumentation pléthorique du septet est en effet à elle seule un vrai parc d’attractions. Si la base celtique est largement assurée par les mélodies jouées au uillean pipes, aux tin et low whistles, au fiddle et à la mandoline, l’air du large souffle vivement à travers les instruments empruntés à d’autres mondes musicaux, comme la guitare espagnole, le hammered dulcimer, le piano, la clarinette, le sarangi, etc.

Au chapitre des curiosités, on trouve le « bamboo sax », « l’acoustic catarrh » et « l’ancien Bog Oak Bass d’Irlande » (sic !). Avec les percussions, on fait carrément le tour du monde, du bodhran à la derbouka en passant par les maracas, les marimbas, les bongos, les tablas, les glockenspiels, les xylophones, les shakers, les « tounge », « turkish » et bass drums… Mais j’arrête là sans quoi ma chronique atteindrait les trois pages et je risquerais de me faire fusiller par le rédac’chef !

Bref, ne vous étonnez pas de vous croire un instant en Afrique, l’instant d’après en Europe de l’Est, puis encore après en Amérique du Sud ou bien au Moyen-Orient, tant KILA amalgame les couleurs, les parfums et les pulsations avec beaucoup d’audace sans tomber dans les clichés exotiques et sait générer des crescendos extatiques que même un derviche ne renierait pas. C’est toujours de musique irlandaise dont il est question, jigs, reels et slow airs en avant, mais de musique irlandaise buissonnière, comme guidée par le sirop de la rue. Il est question ici d’intégration, d’assimilation et de foisonnement jovial continuel.

À ceux qui ne connaissent pas KILA, on aurait bien conseillé de commencer par un album plus ancien, comme l’impressionnant Tog E Go Bog E, mais Luna Park fera autant l’affaire. C’est d’ores et déjà un classique, tant il satisfait amplement aux attentes qu’on avait pu placer en lui. Il suffit juste, en l’écoutant, de prendre le temps de respirer…

Druidix

Site : www.kila.ie

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°14 – mars 2004)

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