MAD SHEER KHAN – 1001 Nights // [Samarkand Hotel]

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MAD SHEER KHAN – 1001 Nights
(Erato / Warner)

D’origine perse et arabe, le compositeur et multi-instrumentiste Mad SHEER KHAN, alias Mahamad HADI, a travaillé à Londres et en France, avec des artistes tels que Didier LOCKWOOD, NICO, John McLAUGHLIN, Nina HAGEN, Jean-Louis AUBERT, STING, Keziah JONES, Michael HUTCHENCE, etc., et a été reconnu comme l’un des dix plus grands guitaristes par le magazine anglais New Musical Express. La guitare, il a commencé à en jouer à son adolescence, mais en a retiré les frettes de manière à obtenir le son du oud oriental. Dans les années 1980, il se coiffait d’un turban, à l’encontre du courant musical dominant. Ayant pratiqué plusieurs instruments traditionnels (esraj et dilruba indiens)  et soucieux de confronter ses origines afro-orientales aux sonorités actuelles, il s’est fait aussi fabriquer des prototypes de oud électrique, de guitare-sitar, de guitare quarts de ton et de dobro-sitar. Aussi militant pacifiste que guerrier musical, il honore dans 1001 Nights (son deuxième album solo) les ethnies minoritaires et exploitées (elles n’y sont pas toutes puisqu’il y manque notamment les Aborigènes). 

Mad SHEER KHAN a choisi sept poèmes parmi ceux des 1001 Nuits, écrits au XIIIe siècle et traduits par René R. KHAWAN (paru chez Phébus), les a mis en musique et a demandé à sept femmes de les interpréter dans leur langue maternelle : Fela ABABSA chante la Nuit d’Algérie, Mamani KEÏTA intervient dans la Nuit des Gnawas, NOURITH se fait entendre dans la Nuit des Hébreux, Mary REDHOUSE illumine la Nuit Navajo, Kunchock LAMA traverse la Nuit du Tibet, Sharmila ROY donne de la voix dans la Nuit Indienne et Parvin JAVDAN ajoute son timbre à la Nuit Persane.

L’ensemble s’écoute comme une longue pièce comprenant sept thèmes, joués par un ensemble de cordes de Bulgarie, le PLOVDIV CHAMBER ORCHESTRA et par Mad SHEER KHAN lui-même aux claviers et programmations, mais aussi aux percussions, oud, sitar, rebab, santour, aussi multi-instrumentiste qu’il l’était sur son premier disque, Talisman.

Chaque morceau possède néanmoins une ambiance qui lui est propre ; ainsi, Mary REDHOUSE s’accompagne d’un tambourin, L. SUBRAMANIAM fait intervenir son violon dans la Nuit Indienne, ALLA fait résonner son oud dans la Nuit d’Algérie, et on retrouve quelques invités tels Bruno CAILLAT au zarb, Nasser à la derbouka, Jean-Pierre ARNAUD au hautbois.

La nuit étant suivie de l’aube, un instrumental à tendance symphonique clôt chaque morceau lui apportant calme, repos et espoir.

Sylvie Hamon

MAD SHEER KHAN – [Samarkand Hotel]
(Le Triton)

Reprendre du Jimi HENDRIX est une pratique courante dans le monde du rock, du blues, voire du jazz ou du heavy-métal. On trouve partout des groupes professionnels et amateurs qui se livrent à cet exercice avec désormais tellement de facilité qu’on ne les remarque même plus. Dans ces conditions, réaliser un hommage à Jimi HENDRIX n’était pas si facile pour MAD SHEER KHAN, ancien fondateur et guitariste du groupe de jazz-rock progressif RAHMANN, puisqu’il risquait de passer inaperçu parmi tant d’autres. Et c’est justement ce qu’il évite avec une démarche originale, qui consiste à interpréter ces morceaux de HENDRIX sur des instruments inattendus et à leur donner une nouvelle vigueur, tout en restant fidèle à l’interprétation d’origine.

En effet, MAD ne joue pas ici de guitare électrique, mais du dilruba, un violon du nord de l’Inde qui est une combinaison de sarangi et de sitar. Il est accompagné par CELIA à l’harmonium et au tampura, par Sergio Antonio Leon RUFFIN au djum djum (tambour basse d’Afrique de l’Ouest), au « groove box » et aux chœurs, et par Latif Ahmed KHAN aux tablas. L’ensemble donne une nouvelle force et des dimensions insoupçonnées à ces morceaux connus de tous.

C’est ainsi une version indianisante et groovy du répertoire d’HENDRIX qui est ici interprétée par MAD SHEER KHAN et son groupe. Mais rien à voir avec le banghra ! Le chant de MAD est du reste assez proche de celui de son « modèle ». Quelques programmations électroniques, pilotées par les instruments acoustiques, sont également intégrées. Des larsens de Jimi HENDRIX aux ondulations mélodiques du Gange, il n’y avait donc qu’un pas ?! C’est le principe même du T.A.G (Tradition Avant-Garde), une forme de transposition d’une instrumentation traditionnelle à une culture différente initiée par MAD SHEER KHAN depuis 1973 qui illustre une certaine idée de l’intégration culturelle.

De nombreux morceaux du répertoire de Jimi HENDRIX ont ainsi été joués durant plusieurs mois sur scène. L’album lui-même a été enregistré lors qu’un concert au Triton en 2002, jeune salle de la région parisienne (aux Lilas dans le 93) disposant d’un studio d’enregistrement et aussi… d’un label. On retrouve bien sûr quelques « tubes » de HENDRIX habituellement repris, Stone Free, Purple Haze, Fire et Voodoo Child, mais également des reprises que celui-ci interprétait, All Along the Watchtower de Bob DYLAN et Changes de Buddy MILES, ainsi que trois morceaux inconnus, et pour cause : ils sont composés par MAD SHEER KHAN entièrement dans l’esprit des compositions de Jimi HENDRIX. On y remarque un titre intitulé John Lee Hooker, en hommage à cet autre grand bluesman. Ce n’est évidemment qu’une sélection (il manque notamment Foxy Lady, que l’on trouve en revanche sur un CD promo), puisque les concerts de MAD durent plus de deux heures et réservent d’autres excellentes surprises comme celles de ce disque.

Quant au titre de l’album, [Samarkand Hotel], il est doublement symbolique : Samarkand, en Ouzbékistan, est un véritable carrefour culturel entre l’Orient et l’Occident situé sur la route de la Soie ; le Samarkand Hotel, situé à Londres, se trouve être l’endroit où Jimi HENDRIX a passé sa dernière nuit. On ne pouvait pas rêver de meilleur hommage de la part de MAD SHEER KHAN. Laissez-vous tenter par ces nouvelles distorsions hypnotiques !

Sylvie Hamon et Stéphane Fougère

Site : www.madsheerkhan.net

(Chroniques originales publiées dans ETHNOTEMPOS n°6 – juillet 2000 [1001 Nights]
et dans ETHNOTEMPOS n°14 – mars 2004 [Samarkand Hotel])

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