MIRTHA POZZI SEXTET – La Serpiente Inmortal et autres mythes précolombiens
(Transes européennes)
La biographie de Mirtha POZZI se résume de la manière suivante : enfance en Uruguay, au bord de l’Atlantique, adolescence au Chili, au bord du Pacifique, le reste en France, près de la Seine. Quelques allers-retours, histoire de rattacher les bouts de souvenirs.
Avec Serpiente Inmortal, on se retrouve en terre mythique, celle des indiens mayas-quichés, guaraos, kadieus, iroquois, celle des shipaias chez qui le serpent est immortel parce qu’il a deviné juste, échappant ainsi à la « vie brève ».
« Le serpent est un animal symbolique riche en interprétations contradictoires. Dans les civilisations pré-colombiennes, le serpent est associé à la sagesse, à l’humidité, aux eaux de la Terre. Le serpent n’est pas un objet de répulsion, il incarne au contraire des valeurs positives multiples. »
Le disque part d’un livre des indiens mayas-quichés, le Popol Vuh, et de son prologue, où il est dit, qu’au début, « Il n’y avait que le ciel, tout en calme, en silence, en suspens. .Il n’y avait ni homme, ni animal. Nulle part on ne voyait la Terre. Alors la parole a surgi. Il s’est manifesté que l’homme devait apparaître. »
Le mythe véhiculera ainsi plusieurs thèmes qui jalonnent tout le parcours du « serpiente immortal » : la création (morceaux 1, 2, 11, 12, 18), les animaux (4, 5, 10, 15, 17) et les humains (3, 6, 7, 8, 9, 13, 16, 18, 20).
Le CD présente l’originalité de pouvoir être lu de différentes manières. Il est en deux parties, à la manière des faces A et B d’un disque vinyle : une suite en espagnol (1 à 10) et une autre en français (11 à 20). On peut, ainsi, au lieu de commencer par les morceaux en espagnol, commencer par la partie en français (partir à l’index 11 puis, à la fin du CD revenir au début). On peut aussi « lire » le CD par thème : sur la création, les animaux ou les humains (voir ci-dessus).
Les rythmes et accents du voyage mythique prennent des couleurs profondément indiennes, comme ce tatu-tango, dont le texte, originaire des urus, raconte comment le tatou s’est tissé sa carapace. Les percussions, d’allure parfois primitive, sont très variées et, de par leur sonorité, proches du contexte mythique : fedounoun (tambour d’eau de Guinée), firikyiwa (cloches à pouces, Ghana), gankogui (cloches doubles, Ghana), guacharaca (grattoir de roseau sauvage, Colombie), et surtout l’étonnante mâchoire que brandit Mirtha POZZI sur la couverture du CD, qui vient du Pérou. Outre la percussion proprement dite aux accents africains, le rythme est, souvent, agréablement enlevé et dansant, conférant au CD à la fois une pétillante fraîcheur et une chaude ambiance.
Les autres musiciens sur l’album sont : Pablo CUECO (percussions), Xavier LEGASA (chant), Philippe BOTTA (flûtes, saxophone), Jacques BOLOGNESI (accordéon), Jean-Luc PONTHIEUX (contrebasse), Adrien POLITI (guitare), Consuelo URIBE (voix, cuatro). Les musiques sont de Mirtha POZZI autour de textes de Eduardo GALEANO.
Si Serpiente Inmortal donne envie d’approfondir les mythes et le Popol Vuh, des indiens mayas-quichés, il permet aussi d’explorer la richesse de ces percussions et d’en découvrir les multiples possibilités. Voilà un disque à lire, à goûter, à apprendre, à s’étonner et à danser.
Marie-Paule Bonné
PS : Rappelons que la Collection Transes Européennes publie «le travail de musiciens qui intègrent à leurs démarches de création l’existence d’autres cultures que la leur. Elle s’articule autour d’un regard sur le monde et d’une écoute de ses multiples résonances musicales. Ces démarches se nourrissent aux musiques des quatre coins de la terre mais elles ne visent nulle fusion, nul amalgame : les musiques doivent avoir le goût de ce qu’elles sont. Des musiciens, les pieds sur Terre, aujourd’hui.»
Site : https://mirthapozzi.com
(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°9 – octobre 2001)