Mohamed Saïdou SOW – Guinée : flûte peule du Fouta Djallon
(Buda Musique)
Mohamed Saïdou SOW est originaire du Fouta Djallon, un haut plateau montagneux situé au nord de la Guinée. Cette magnifique région au climat tempéré est la plus peuplée de la République de Guinée. Ornée de laines et de collines boisées, elle est aussi appelée le « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest ». En effet, plusieurs fleuves de cette zone du continent viennent y prendre leur source, tels que le Niger, le Sénégal ou le Gambie. Si « Fouta » se traduit par Montagne, le terme « Djallon » provient quant à lui de Djalonké, l’ethnie qui occupait la région avant que les Peuls ne viennent la coloniser massivement.
L’ethnie peule est aujourd’hui l’une des plus répandues en Afrique de l’Ouest. C’est un peuple nomade sahélien dont la vie s’organise principalement autour de l’élevage et du bétail. Mohamed Saïdou SOW est de ceux-là, mais il n’est pas berger comme la plupart de ses pairs. C’est un talentueux « Nyamakala », sorte d’artisan-musicien détenteur d’une longue tradition de maîtres flûtistes. Ces derniers ont l’habitude de parcourir le pays de village en village, en quête d’événements festifs et autres cérémonies à animer, tels que baptêmes, mariages, rites religieux, initiatiques, et plus rarement, des manifestations liées à la vie politique locale.
Les Nyamakala sont des artistes complets, à la fois comédiens, danseurs, acrobates et musiciens. Combinant leur art avec humour et rare virtuosité, leurs prestations se déclinent en une succession de gags burlesques, de sketches mis en musique et d’acrobaties en tout genre.
Sur ce nouveau disque enregistré à Dakar et édité par l’excellent label Buda Musique, Mohamed Saïdou SOW s’emploie, au son de sa flûte, à nous faire découvrir l’univers épuré d’un pâtre peul. La flûte est l’instrument du berger par excellence, une constante dans le monde paysan, et ce depuis l’aube des temps. Son instrument est appelé « tambine », ou « buru » chez les Mandingues. Sa sonorité est assez proche de celle du ney du Moyen-Orient, bien que les deux instruments soient radicalement différents dans leur conception. La tambine est une flûte traversière en palmier, matière encore plus légère que le bambou, de la longueur d’un bras et percée de trois trous équidistants au bout.
Contrairement à d’autres flûtes traversières traditionnelles à travers le monde (la bansouri en Inde, la traversière des Andes, le fifre en Europe), le biseau n’est pas rond mais carré ou rectangulaire, entouré de cire sur les côtés, telle l’embouchure du didjeridoo australien. La tambine couvre trois octaves et est la plupart du temps jouée dans un ensemble, ce qui ne rend pas aisée l’appréciation de toute sa richesse texturale et harmonique.
Remercions le label Buda qui a eu la riche idée de publier cet enregistrement en solo, grâce auquel chaque auditeur pourra enfin discerner toutes les subtilités de cet instrument au timbre étonnant et au son jeu si particulier. Le flûtiste produit en effet des petits cris qui ponctuent la musique, voire de véritables déclamations enjouées faisant appel à la voix !
Mohamed Saïdou SOW est un maître de la tambine, maîtrise qu’il tient de son grand père, suite à une initiation qui débute dès sa plus tendre enfance. Il était donc le plus qualifié pour nous faire découvrir cet insolite instrument peul, à travers cet enregistrement passionnant et de grande qualité qui lui rend le plus bel honneur.
Philippe Vallin
Label : www.budamusique.com
(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°25 – septembre 2006)