MOHER – Phoenix

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MOHER – Phoenix
(Autoproduction)

L’existence d’un groupe comme MOHER est une preuve supplémentaire non seulement du fort pouvoir d’attraction que possède la musique irlandaise au-delà de ses frontières, mais aussi qu’elle est exportable et jouable par des musiciens non vernaculaires de la verte Eirin. En résumé, il n’est pas nécessairement obligatoire, au XXIe siècle, d’être né en Irlande pour savoir jouer du folk ou du trad’ irlandais, n’en déplaise à ceux qui ne jurent que par les liens du sang. Il suffit de s’abandonner aux charmes de cette musique bien vivante, que l’on aura découverte sur scène et sur disque, d’apprendre à jouer l’un de ses instruments et, surtout, de fréquenter les sessions musicales qui animent les soirées des pubs irlandais. Et des pubs irlandais, on en trouve dans l’Hexagone, et a fortiori dans la péninsule bretonne, dont la culture traditionnelle a ceci de commun avec celle d’Irlande de faire partie de la grande famille des musiques dites celtiques. Bref, on peut être Breton de naissance et être Irlandais de cœur, et c’est apparemment le cas des quatre membres de MOHER, groupe de musique traditionnelle irlandaise instrumentale et acoustique, mais exclusivement jouée par des Bretons.

Des quatre musiciens de MOHER, seulement un, le flûtiste et joueur de whistle Antoine PIHIER, a vécu un temps à Dublin et s’est frotté à la « real thing » des sessions de pub irlandais, et il avait auparavant déjà écumé les sessions de pub de la ville de Rennes. Le guitariste Corentin QUIMBERT, s’il n’a pas séjourné en Irlande, s’est pour sa part spécialisé dans l’accordage « dadgad », inspiré par Micheal O’DOMHNAILL et John DOYLE. Konan GORÉ joue quant à lui du violon depuis l’âge de cinq ans et a animé de nombreux festoù-noz et sessions irlandaises. Enfin, Anthony DEBRAY a tâté de diverses percussions, des tablas indiens (dont il joue sur quelques morceaux) au taiko japonais en passant par l’udu et le bendir, mais sa percussion de prédilection est cependant le bodhran, et il aime également conter des histoires provenant d’Irlande, de Bretagne… et d’ailleurs. En dépit de bagages et parcours musicaux différents, tous ont rencontré tôt ou tard la musique irlandaise et se sont mis à jouer lors de ces sessions de pub. Et c’est du reste dans un bar rennais, la Cité D’Ys, que la création du groupe MOHER a été scellée entre les quatre musiciens.

Deux années de concerts, avec notamment une tournée en Belgique, aux Pays-Bas et un passage au Festival interceltique de Lorient ont permis au groupe de s’aguerrir encore davantage, de se professionnaliser et, à la faveur d’une campagne de financement participatif, un premier disque a pu être gravé, baptisé Phoenix. C’est un beau titre pour un groupe qui effectue là son premier envol discographique et qui signifie que MOHER ne craint pas de se brûler les ailes, car, tel cet oiseau de légende, il saura renaître de ses cendres. Mais il est loin d’en être là ; et franchement, s’il y a quelqu’un qui prend vraiment un risque, ce n’est pas tant le groupe que l’auditeur qui renâclera à accorder du temps à écouter ce CD sous prétexte que les gens de MOHER ne sont pas de « vrais Irlandais » !

Car dès le premier morceau, on est vite bluffés par la cohésion et le son du groupe, qui sonne immanquablement trad’ irlandais avec cette énergie propre aux jeunes générations. La question de l’authenticité ne se pose même pas. Assurément, MOHER est tombé dans le chaudron du folk irlandais et a pris le temps de s’y baigner à loisir, de s’imprégner de ses miasmes et d’en incarner toute la vivacité.

Le répertoire de Phoenix est généreux en suites de jigs ou slip jigs et de reels ou slow reels, empruntées à divers compositeurs de musique irlandaise, connus ou moins connus. On y trouve ainsi des thèmes de Michael McGOLDRICK, Johnny CUNNINGHAM, Seamus EGAN, Joe KELLY, Dave HENNESSY, Alan KELLY, Niall VALLELY etc., mêlés parfois à quelques compositions originales. Les influences de MOHER vont de groupes fameux comme FLOOK, LÚNASA, SOLAS ou ARCADY à des personnalités comme Kevin BURKE (BOTHY BAND, PATRICK STREET) ou Arty McGLYNN (PATRICK STREET). Certains thèmes repris par MOHER s’écartent de la stricte orthodoxie irlandaise : une mélodie klezmer ici, une samba et une milonga empruntée à Gilberto MONTEIRO par là, et le groupe pousse même l’exotisme jusqu’à emprunter au groupe LES PIRES !

À l’instar des splendides et escarpées falaises du County Clare auxquelles le groupe emprunte son nom, la musique de MOHER est de nature à griser les esprits comme les corps tant elle allie ardeur et rugosité, fougue et vertige. Enregistré et mixé par Gabriel N’Dombi D’OTALA (PLANTEC…), Phoenix restitue avec éclat la verve et l’enthousiasme dont MOHER sait faire preuve sur scène, que ce soit en pub ou dans une salle de concert, le groupe pouvant s’adapter à tout type de lieu.

Une musique vivante est aussi une musique qui s’exporte et qui peut germer hors de ses murs. Avec MOHER, le folk instrumental irlandais s’est assurément trouvé une nouvelle source de jouvence aux portes de Bretagne.

Stéphane Fougère

Page : https://www.facebook.com/MoherBZH

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