MORAINE – Metamorphic Rock

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MORAINE – Metamorphic Rock
(Moonjune Records)

À peine trois ans avec son premier album, manifest deNsity, le groupe MORAINE – au sein duquel officie le guitariste stakhanoviste DENNIS REA (ancien membre de EARTHSTAR, LAND, STACKPOLE, TING BU DONG et récemment impliqué dans IRON KIM STYLE) – ajoute une nouvelle pierre à son édifice musical sous la forme d’un disque live enregistré lors de son passage, apparemment très apprécié, au NEARfest 2010. Il pourra paraître prématuré et redondant de la part d’un groupe qui n’a enregistré qu’un seul album studio de publier déjà un document live dont le répertoire, en toute logique, est largement dominé par les morceaux dudit premier album. On retrouve en effet ici sept morceaux de manifest deNsity, mais joués par une formation sensiblement différente, et c’est bien ce qui fait l’intérêt de la chose.

Car si le bassiste Kevin MILLARD et la violoniste Alicia DeJOIE gravitent toujours autour de Dennis REA, le violoncelle de Ruth DAVISON a été remplacé par le saxophone baryton et la flûte de James DeJOIE, tandis que le poste de batteur est cette fois tenu par Stephen CAVIT. L’occasion était toute trouvée de réarranger quelques pièces maîtresses de manifest deNsity et de leur infuser une énergie et une puissance qui ne peuvent justement se « manifester » que dans un contexte scénique. De fait, la couleur rock de chambre « in opposition » qui était présente dans manifest deNsity s’estompe au profit d’une tonalité jazz-rock fusion tirant cependant toujours vers l’art-rock. MORAINE assume ici totalement sa filiation esthétique et sonore avec MAHAVISHNU ORCHESTRA, KING CRIMSON, voire CURVED AIR (sans le chant).

Pour autant, le groupe ne joue pas la carte de l’improvisation qui tire les morceaux à hue et à dia. Ceux-ci ne subissent pas d’étirements significatifs en termes de durée (mis à part Middlebräu), mais sont au contraire joués d’une façon plus « urgente », laconique et enlevée qui met en valeur le millimétrage des constructions mélodiques et harmoniques, les détours sinueux et les anfractuosités expérimentales des compositions, et les profuses plaidoiries instrumentales des musiciens.

Les quelques morceaux inédits comme Waylaid et The Okanogan Lobe (signés REA) et l’explicite Irreducible Complexity (écrit par James DeJOIE et malicieusement enchaîné avec manifest deNsity) confirment la direction prise par MORAINE. Mais c’est surtout au milieu de son set que le quintette passe la vitesse supérieure en terme de « densité compositionnelle » puisqu’il interprète deux suites qui accentuent ses prédispositions au format épique. Il y a d’abord ce medley constitué de Disillusioned Avatar et Ephebus Amoebius, revisités et reliés par un Dub Interlude.

Arrive ensuite la surprise du répertoire, la Disoriental Suite, un autre medley de pièces issues de l’étonnant et ambitieux album solo que Dennis REA avait enregistré pour Moonjune, Views from Chicheng Precipice, dans lequel il adaptait des pièces traditionnelles et contemporaines extrême-orientales. Cette Disoriental Suite permet ainsi à MORAINE d’ouvrir sa grammaire stylistique aux perspectives offertes par un art-rock asiatique. Mais d’autres influences folk, orientales ou est-européennes, peuvent aussi se retrouver dans d’autres pièces.

On comprend dès lors d’autant mieux pourquoi ce live a été affublé d’un titre qui satisfera les poseurs de nouvelles étiquettes, Metamorphic Rock, façon élégante et ô combien appropriée – via la métaphore géologique déjà à l’œuvre dans le choix du nom du groupe – de désigner cette démarche professée par MORAINE de déformation/recristallisation d’un matériau compact et solide comme de la roche, et que le contexte scénique rend encore plus sujet à l’action des hautes températures. Fallait-il pour autant que le son général de cet enregistrement live soit aussi tassé, pilé-serré, surtout au vu de l’instrumentation du groupe, qui promettait plus de relief ? Pour accentuer l’impression de fournaise ? Dommage aussi que ce peu encombrant digipack ait des crédits aussi peu lisibles.

Mais ces réserves sur l’emballage et l’enrobage sonore ne doivent pas vous dissuader de goûter au lyrisme incandescent de ce Metamorphic Rock.

Site : https://moraine.band/

Label : www.moonjune.com

Stéphane Fougère

(Chronique originale publiée dans TRAVERSES n°32 – septembre 2012)

 

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