Peter HAMMILL
Concert au Queen Elizabeth Hall (Londres) le 20 avril 2018
Peter HAMMILL boudant la France depuis janvier 2010 et un concert à La Maroquinerie à Paris, pas d’autres choix une nouvelle fois que de franchir les frontières pour voir comment se porte ce cher Peter, sachant qu’il est rentré dans sa 70e année. Encouragé par son magnifique et récent album From The Trees, me voici donc parti sur les terres brexitiennes, là où est né Peter ! Mais nul doute que le voyageur hammillien s’y sentira « at home » tant les concerts de Peter HAMMILL ont coutume de rassembler une audience venue des quatre coins du continent, voire plus éloignée encore ! Cette passion de son auditoire après tant d’années a d’ailleurs de quoi laissé pantois, interrogatif et carrément admiratif ! Il faut dire qu’en bien des points, Peter HAMMILL reste un musicien,un créateur et un homme bien à part. Introspectif, sans concession et possédé par son art, il a même réussi (cas rare) à rendre intéressante la reformation de son groupe, VAN DER GRAAF GENERATOR, près de 30 ans après la séparation.
Mais point de VDGG en ce samedi d’avril. Depuis la disparition du violoniste et vieux complice Stuart GORDON, les concerts solos de PH sont réellement solos. Il s’est juste accordé une petite incartade, apparemment sans suite, avec le guitariste américain Gary LUCAS. Nous aurons donc droit au classique piano, guitare, piano sur lequel se construisent les bases d’un concert de Peter HAMMILL sans savoir pour autant ce qu’il y aura à l’intérieur mais espérant y trouver au moins une divine surprise en son sein, ce qui sera le cas ce soir-là !
Peter HAMMILL en ce week-end où la reine fête ses 92 ans a le bon gout de se produire au Queen Elisabeth Hall, un vrai gentleman ce Peter ! Bon, relativisons la compassion royale, le QEH ainsi que le tout proche Royal Festival Hall font partie des habituels points de chute londonniens où HAMMILL a pris l’habitude de poser sa guitare. Outre, le cadre agréable au bord de la Tamise, ce sera surtout la certitude d’avoir une qualité sonore exceptionnelle pour le concert !
Alors que dehors l’été a pris un peu d’avance et que les nombreuses terrasses affichent complet, une cohorte de têtes plus ou moins connues pénètre dans l’enceinte du QEH. Ceci est la grande déconvenue inhérente à la discrétion dans laquelle PH poursuit sa destinée musicale ; son public ne se renouvelle que très (trop) peu. Habitués de ces concerts aux allures de retrouvailles, nous nous voyons ainsi tous vieillir, perdre nos cheveux et gagner du ventre sans qu’une vraie régénération viennent nous bousculer dans notre vénération bientôt sénile du maître ! Seul environ 10 % du public avait moins de 40 ans dans les allées de l’enceinte du concert où les 900 sièges ne laissaient voir que de rares trous. C’est désolant, mais il y a peu de chance que l’œuvre de Peter HAMMILL ne soit transmise ou passe à la postérité…
19h33, la silhouette toujours autant émaciée et flottant dans d’amples vêtements blancs apparait, soulevant l’approbation du public. Peter HAMMILL s’installe d’emblée au piano et l’on reconnait immédiatement les premières notes de Don’t Tell Me. Guère surprenant quand on sait que l’entrée en matière d’un concert de PH repose généralement sur 4 chansons : My Room, Easy To Slip Away, The Siren Song et donc Don’t Tell Me pour le concert de ce 20 avril. Outre que la version sera très belle, elle nous assure, comme dit plus haut, de la qualité sonore du show mais aussi de la grande forme de la voix de Peter ! Hormis durant un Friday Afternoon rarement convaincant en live, ce premier set au piano place l’intensité émotionnelle très haut culminant jusqu’à ce qui est probablement l’une des plus belles chansons de Peter HAMMILL, Time To Burn. Oh pas de surprises, ces chansons tout comme Just Good Friends ou Faculty X ont été jouées bien des fois, nous sommes en terrain très connu et Peter ne révolutionne rien, mais nous sommes pourtant conscients de vivre l’instant privilégié qu’est un concert de Peter HAMMILL, conscients aussi que le temps qui passe nous fait craindre que il s’agit là de l’une des dernières fois à pouvoir apprécier l’artiste en direct, alors il faut en profiter, s’enfoncer dans ces chansons à la quiétude tourmentée ou à la puissance surmultipliée par l’énergie que le chanteur a encore à transmettre. Le visage a vieilli, le reste semble bien peu altéré…
Le guitar set débute par un I will find you que Peter a la bonne idée de ne pas rendre trop criard, se poursuit par Stumbled trop méconnu pour susciter l’enthousiasme. Arrive Like Veronica qui dans les années 2000 était joué fréquemment par le duo HAMMILL/GORDON et que l’on réentend avec grand plaisir. Torpor tiré du dernier album donne des frissons, il est appelé à devenir un incontournable du répertoire scénique de Peter HAMMILL. Après un Driven classique arrive LA surprise de la soirée. Quelques accords de guitare ne laissant guère d’indice à ce qui va être joué, puis arrive la voix : « Lacking sleep and food and vision, here I am again, encamped upon your floor… ». La Rossa, pièce maîtresse du VAN DER GRAAF GENERATOR des 70’s reprise en solo !! Sans la lave en fusion musicale insufflée par David JACKSON, Hugh BANTON et Guy EVANS, il fallait que Peter se sente sacrément fort pour s’attaquer avec juste six cordes et sa voix à ce qui représente parfaitement l’essence d’un groupe dans sa fureur et son chaos ! HAMMILL semble transcendé par la difficulté et le défi à relever, on se dit que non, là ça ne va pas passer… mais Peter se joue de tous les pièges vocaux, rien ne semble pouvoir l’anéantir. La frêle silhouette redevient killer, Je sais alors pourquoi j’ai décidé de faire le voyage depuis Paris et pourquoi je le referai la prochaine fois !
Retour au piano pour un autre grand classique d’antan, The Lie. On sait que l’on assiste à une grande prestation d’un Peter déchaîné, revisitant ses « cris et chuchotements » et usant de tout son pouvoir pour revisiter 5 décennies de musique ! Bubble est superbe, j’apprécie beaucoup moins Your Tall Ship mais peu importe car arrive une version extraordinaire de That Wasn’t What I said puis l’autre merveille du dernier disque The Descent. Après un dernier mot au public, PH termine par l’éternel Refugees puis arrivera l’unique « encore » avec le tout autant éternel Modern.
Au bout de ces quelques 100 minutes de show, plus aucun d’entre nous ne se soucie de ses cheveux qui tombent ou de sa bedaine naissante ! HAMMILL a vaincu l’andropause, nous en ferons de même ! Nous gardons l’image de ce Peter HAMMILL survolté et qui entre deux chansons, semble presque gêné de cet enthousiasme, semblant vouloir nous dire : « Ce n’est pas si génial que ça »… avant de repartir de plus belle !
Je me souviens d’un lointain article paru dans le journal Best en 1977 qui se terminait par ces mots : Allons, les VDGG Freaks ont encore de beaux jours devant eux. En 2018, il est encore possible d’admettre que l’auteur de ces lignes avait raison…
Et au dehors, la chaleur estivale continuait d’envelopper la nuit anglaise… Summer « came far too early this year »…
Jean-Marie Saunier