Philippe CAUVIN GROUPE
(Musea)
Faisant partie de la saga archivistique initiée par (et au sujet de) Philippe CAUVIN, saga qui préfère les lettres aux chiffres, ce volume correspond à la lettre « A » du nom CAUVIN. Autant le volume précédent nous présentait notre troubadour galactique préféré dans ses œuvres vives actuelles, autant celui-ci nous plonge cette fois bel et bien dans son lointain et obscur passé.
Nous voici en l’occurrence en 1986, soit deux ans après la sortie du second disque solo de Philippe, Memento, et celle de l’unique LP de son groupe, UPPSALA, qui a précisément mis pied à terre en 1986, au grand dam des défenseurs de musiques progressives inventives et originales. Philippe CAUVIN s’est alors consacré à une nouvelle proposition artistique initiée par le batteur Marc ZERGUINE, et qui a très vite impliqué le guitariste Laurent MILLEPIED et le claviériste Olivier GRALL (devenu depuis un spécialiste de la synthèse modulaire). Le Philippe CAUVIN GROUPE est ainsi né.
En termes purement généalogiques, ce quartette s’inscrit dans le sillage d’UPPSALA. De fait, il est fortement tentant d’en faire l’héritier musical direct de la fameuse formation bordelaise.
Nous restons certes dans une musique électrique aux singulières circonvolutions spatiales et organiques, faites de tensions et de déliés en fusion permanente, mais dont les grilles harmoniques, mélodiques et rythmiques font montre d’une clarté vivifiante et d’une dynamique plus tranchée. Le mélange de cordes classiques (Philippe CAUVIN) et synthétiques (la Roland GR300 de Laurent MILLEPIED) engendre des spirales en mouvement constant auxquelles les synthétiseurs d’Olivier GRALL fournissent des trames paysagères flottantes, tandis que le jeu de batterie de Marc ZERGUINE s’ébroue avec finesse et élasticité.
Du fait de la présence d’un second guitariste, Philippe CAUVIN peut user plus librement de sa voix volatile et vagabonde, s’exprimant le plus souvent par onomatopées absconses. Mais il s’essaye aussi, sur deux morceaux, à la langue française, à la faveur de deux textes de Maïté DALLET, dont le champ poétique, portant sur la fuite du temps et de la vie, se marie bien avec le fil sinueux des musardises « cauvinales ». En outre, les fidèles suiveurs de l’œuvre de Philippe CAUVIN découvriront sur ce disque une version resserrée (près de 13 minutes quand même) et énergique d’Automne, une pièce épique incluse dans l’album Memento et qui avait servi pour une chorégraphie de Quentin ROUILLIER.
Générateur de matières sonores tourbillonnantes, le Philippe CAUVIN GROUPE s’est surtout épanoui sur quelques scènes glanées au cours de son existence, laquelle n’a pas dépassé deux ans. Il n’a eu que le temps de mettre en boîte une poignée de compositions, hélas pas assez pour sortir un album. Ce CD restitue donc l' »intégrale » enregistrée du Philippe CAUVIN GROUPE et y ajoute des piécettes enregistrées à la même époque en solo par Philippe CAUVIN (aux guitares, voix synthétiseurs et percussions) et prévues à l’origine pour le média cinématographique. Leur inspiration et leur mise en scène sonore les font se confondre aisément avec des compositions pour le groupe, prenant l’allure de respirations et de projections collatérales ; aussi leur inclusion ici est-elle pleinement cohérente.
Il convient d’avertir que ces enregistrements sont issus de bandes de travail et qu’ils ont donc une certaine « patine archivistique » faisant transparaître le passage du temps, en dépit de la restauration millimétrée opérée par l’ingénieur du son Guillaume THÉVENIN. Il en résulte une « matité » sonore qui, bien que rendue tout à fait écoutable, ne restitue pas pleinement tous les reliefs que cette musique aurait pu générer avec un mixage optimal. Le chant de CAUVIN, notamment, semble être mis en sourdine, comme distant (du micro ?), ce qui, d’une certaine manière, contribue à accentuer la nature vaporeuse de ses altitudes vocales.
L’exhumation de cette page d’histoire du parcours de Philippe CAUVIN s’avère en tout cas indispensable à toute paire d’oreilles en quête de mondes vibratoires inaccoutumés.
Label : www.musearecords.com
Stéphane Fougère