Roland BECKER – Fallaen / TRIO Roland BECKER – L’Orchestre national breton

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Roland BECKER- Fallaen
(Keltia Musique)
TRIO Roland BECKER- L’Orchestre national breton
(Coop Breizh)

Un même auteur pour deux disques que tout sépare de prime abord : sorti en 1982, Fallaen est aujourd’hui à considérer comme le manifeste du progressive jazz breton, de la même façon que le Pop Plinn de STIVELL est reconnu comme la pierre de lance du progressive folk breton ; l’Orchestre national breton, pour sa part, est un trio de formation on ne peut plus traditionnel : biniou (Fabrice LOTHODÉ), bombarde (Roland BECKER), tambour (Cédric HERGAULT).

La tentation serait grande, donc trop facile et par conséquent suspecte, d’insister sur l’aspect antinomique de ces deux opus. D’un côté, l’innovation créatrice appartenant à un passé révolu et, de l’autre côté, un présent marqué par le retour à la tradition parce qu’après tout « y a qu’ça d’vrai » ! Gare au piège… L’optique de Roland BECKER n’est heureusement pas de nature à satisfaire les problématiques oiseuses.

Rappelons que Fallaen est sorti pendant la période dite de « creux » en matière de renouveau créatif breton (superbe pied-de-nez !) et rassemble la somme des expériences passées de BECKER.

S’y trouvent donc mêlés en une vision syncrétique sa connaissance de la musique traditionnelle bretonne en tant que sonneur de bombarde et son goût tout aussi prononcé pour le jazz à la Charlie PARKER et autres John COLTRANE. S’y ajoutera par la suite l’influence de Christian VANDER et de MAGMA, la création du MEGALITHIC ORCHESTRA, l’apprentissage de l’informatique musicale et, en 1991, la parution de Gavr’inis, successeur éloquent de Fallaen.

Redécouvrir ce dernier n’équivaut donc pas à consulter une archive portant sur une expérience musicale sans lendemain ; les travaux actuels d’Alain GENTY ou de KAD sont là pour nous en convaincre.

Ainsi le concept musical de ce premier opus de BECKER se doublait-il d’une poétique mystique portant sur les éléments naturels comme la Terre (Palivarh, Jig A Dreuz) et l’air (ReKlom = Pulsations éoliennes) et les astres, notamment le soleil (‘n Heoled) et la lune (Fallaen = Eclipse), dans l’unisson des bombardes et des saxophones.

Mais on notera aussi l’utilisation d’instruments pour le moins singuliers comme le gong thaïlandais, les cymbales créoles, le piano à pouces africain et la mâchoire d’âne !

Et là, on se dit que Roland BECKER n’a pas tellement changé dans son travail de coloration sonore au détail dans la mesure où d’autres instruments tout aussi singuliers – mais cette fois représentatifs de ce que pourrait être la Basse-Bretagne au siècle dernier – émaillent les avant-plans et les arrières-plans de son « film sonore » sorti en 1995, Jour de fête et fête de nuit. Et qu’est-ce que l’Orchestre national breton, sinon la résultante du travail effectué sur ce CD et sur le spectacle qui en a découlé, Breizh Izel ?

Qu’il travaille sur la tradition ou dans le jazz-folk d’avant-garde, Roland BECKER a toujours ce même souci de mise en scène et en espace des sons, de peaufiner un relief. Où l’on voit que les deux directions prises par notre homme se font finalement face.

Bien sûr, avec l’O.N.B., la mise en scène sonore est réduite à trois instruments, mais cela correspond aux recherches effectuées par BECKER sur la formule instrumentale des maîtres-sonneurs dans la société traditionnelle morbihannaise au XIXe siècle.

Il faut cependant avoir vu le trio lors de ses « concerts déambulatoires », où les trois compères sont grimés et maquillés en ménétriers-forains de l’époque et improvisent à partir d’un répertoire d’an dro, d’er bal, de laridés et d’henter-dro sans micro ni sono, misant sur la seule puissance sonore du souffle et de la frappe.

Bien qu’enregistré en studio et non lors de ces spectacles (des raisons techniques ont guidé ce choix), le mini-CD de l’O.N.B. illustre parfaitement cette démarche et peut être perçu comme un épisode annexe à Jour de fête et fête de nuit.

Stéphane Fougère

Site : https://oyoun-muzik.wixsite.com/rolandbecker/bio

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°3 – octobre 1998)

 

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