RYORCHESTRA
au Triton, Les Lilas (93),
le 26 septembre 2019
Le Triton est une salle réputée pour sa programmation aussi audacieuse sur le plan artistique que parfois (souvent?) risquée en termes de fréquentation et de rentabilité. Il l’a encore prouvé ce dernier samedi de septembre 2019 en programmant un groupe japonais inconnu au bataillon, mais annoncé comme s’inspirant « de la musique Zeuhl créée par le groupe français Magma » (sic). Il n’en a pas fallu davantage pour que répondent présents une bonne partie des séides de la planète Kobaia et de ses satellites, habitués du lieu qu’ils savent être un temple de la découverte en la matière.
Des groupes zeuhl japonais il y en a eu pleins, et certains vétérans font encore de la résistance (Koenji Hyakkei notamment). Qu’est-ce que RYORCHESTRA pouvait apporter de neuf au genre ? Simplement ce qu’il est et ce qu’il fait, et qui dépasse largement les frontières du strict genre zeuhl (si tant est que ce terme doive vraiment désigner un genre musical, ce que son créateur réfute).
En fait, RYORCHESTRA n’est pas un groupe si nouveau que cela, puisqu’il a été créé en 2007 par une éminente personnalité des musiques nouvelles nipponnes, la saxophoniste et flûtiste Ryoko Ono, qui s’est notamment illustrée aux côtés de Yoshida Tatsuya dans Sax Ruins, et dans divers projets de musique free et improvisée. On ne l’attendait certes pas à voir diriger un ensemble dont la musique relève d’un travail d’écriture millimétrée !
Ce concert au Triton était le premier de RYORCHESTRA en France, et le répertoire joué fut celui que l’on retrouve dans son tout premier album, sorti en juin dernier sans tambours ni trompettes et baptisé DMK (non, il n’y a pas de coquille !!!).
Mélange puissant et savant de lignes mélodiques, de signatures rythmiques alambiquées et d‘arrangements complexes (notamment dans le chant), la musique de RYORCHESTRA exploite autant les « gimmicks » inhérents à l’univers zeuhl qu’il puise dans la musique classique contemporaine, un certain rock progressif, et même dans le métal.
Ce septette convoque, outre le saxophone et la flûte de sa créatrice, un clavier, deux guitares, une basse, une batterie, une voix féminine et une voix masculine. La panoplie est donc idoine pour jouer une musique profuse et dense, apte aux envolées, aux rebondissements et aux cassures, qui sait se faire à la fois cajoleuse et hystérique, véhémente et secouée, rêveuse et cauchemardesque. Le rôle imparti aux deux voix était particulièrement impressionnant, jouant des contrastes, la voix féminine (Shiraki Sayaka) cultivant une forme de lyrisme envoûtant quand la voix masculine (Matsuda Daijiro) en impose avec ses accents parfois « doomesques ».
Loin de verser dans la compétition du groupe le plus rapide, le plus extrême, le plus tortueux ou le plus zeuhl, RYORCHESTRA développe un univers qui lui est propre, avec certes des résonances qui ne trompent pas, mais en exhibant une forme de surréalité musicale cyclothymique faisant même écho au monde de Twin Peaks (un morceau était intitulé Laura Palmer) et accentuée par des touches d’humour (mentions spéciales au « solo de cochon » du batteur dans Naferisco et au « look » garçon de café en culotte courte du chanteur).
On souhaite évidemment que RYORCHESTRA puisse revenir dans nos contrées dès qu’il en aura l’occasion, car même si la salle du Triton fut correctement remplie ce soir-là, il lui reste indubitablement un public un tant soi peu plus large à conquérir.
RYORCHESTRA:
Shiraki Sayaka : chant
Matsuda Daijiro : chant
Usui Yasuhiro : guitare
Muto Yuji : guitare
Ishigaki Atsutomo : basse
Katagiri Nobukazu : batterie
Ono Ryoko : clavier, sax, flûte
Texte : Stéphane Fougère
Photos : Sylvie Hamon
PS : Pratiquement un mois tout juste après ce concert, RYORCHESTRA a malheureusement perdu son batteur, Katagiri Nobuzaku, suite à une hémorragie sous-arachnoïdienne. Nous adressons toutes nos condoléances à ses proches.
Page : https://onoryoko.bandcamp.com/album/dmk
Page Facebook : https://www.facebook.com/ryorchestra/
Site du Triton : http://www.letriton.com/
Diaporama photos :