SAKINA – Royê mi
(ARC Music)
Avec ce très bel album, nous sommes ici à la confluence de trois émotions : celle de la voix superbe et envoûtante de SAKINA qui nous captive immédiatement, celle émanant des mélodies attachantes et puissantes qui nous sont proposées et enfin celle, forcément, soulevée au fond de nous par l’histoire et la situation actuelle du peuple kurde, toujours en quête d’une terre où fonder sa nation. Autant dire qu’il nous est donné à écouter, avec force raffinements et subtilités, tous les espoirs jusqu’à maintenant déçus d’un pays maintes fois rêvé mais toujours à naître.
D’où cet album d’une mélancolie certes infinie mais toujours douce, contenue et d’une admirable dignité. De fait, cet opus est bien plus universel qu’il n’y paraît au premier abord, car le sentiment d’absence et de manque est un sentiment de tous les temps et de toutes les latitudes. Cet album aurait pu être chanté il y a trois mille ans et je suis malheureusement certain qu’il pourra encore l’être dans trois mille autres années. C’est là toute la prouesse de cet album, sous des apparences peut-être modestes, de nous renvoyer aux fondamentaux de l’histoire des peuples oubliés de l’Histoire, à savoir la souffrance d’aujourd’hui et l’espérance pour demain.
Écoutez Bejnê enregistré live sans aucun artifices, juste un piano et la voix de SAKINA. N’a-t-on pas l’impression immédiate et puissante que c’est tout le peuple kurde qui chante sa mélancolie et ses espoirs à travers sa voix ? On en reste muet et profondément ému. Les autres titres de l’album sont plus fournis et ornés du point de vue instrumental – à ce propos, les musiciens qui entourent SAKINA sont sacrément bons – mais le sentiment de mélancolie douce et digne n’en est pas moins prégnant. Oh, bien sûr, vous me direz qu’on parle essentiellement d’amour, de femmes extraordinairement belles, dans cet opus. Les troubadours faisaient déjà ainsi pour évoquer ce dont ils ne devaient jamais parler, de leur terre, de leur religion et leur culture cathare chéries mais désormais perdues. Les très grandes douleurs se sont toujours affichées avec la plus grande pudeur.
Site : www.sakinateyna.com
Label : www.arcmusic.co.uk
Frédéric Gerchambeau