SONAME – Natural Mind
(Enja / Harmonia Mundi)
Trois ans après Plateau, l’album qui l’a révélée au public occidental, celle qui fut surnommée « la voix du Tibet » (comme s’il n’y en avait pas d’autres…) revient nous faire une nouvelle offrande discographique. Natural Mind a été signé par Enja, label plutôt connu pour ses appétences jazzy, ce qui donne a priori une idée sinon de l’orientation musicale (on n’y trouvera pas d’instrumentation typiquement jazz), au moins du climat général de ce CD. Et comme le savent ceux qui ont déjà pu traîner leurs oreilles sur Plateau, SONAME (de son nom complet Soname YANGCHEN) n’interprète pas non plus des chants traditionnels.
Les treize pièces réunies dans cet album sont des compositions de son cru qui, à défaut de traiter du Tibet sous un angle culturel ou même politique, en réfléchit de manière très personnelle la tonalité spirituelle, en évoquant les chants tristes d’oiseau, les étoiles, les rayons de lune, les fleurs, les rues, la région du Yarlung, où SONAME est née. C’est donc par le biais d’une poésie toute feutrée et fragile que notre « mélodie de la bonne fortune » (traduction de « soname »), avec sa voix angélique et plaintive et ses notes étirées et ornementées, cherche à séduire le public de l’Ouest, tout en optant sur le plan musical pour une démarche gentiment fusionnelle.
Hormis un dranyen (luth local) qui se fait entendre une fois ou deux, c’est surtout des cordes plus internationales et familières qui habillent la voix de SONAME comme la guitare, le violoncelle et la kora africaine. Occasionnellement une batterie légère les soutient. Les arrangements sur Natural Mind font ainsi montre de plus d’unité que sur Plateau et confèrent à ce disque un climat quasi constant. Tout éclat et tout contraste, tant vocaux qu’instrumentaux, ont été bannis pour permettre à cet album de cultiver une veine exclusivement lénifiante.
Selon les humeurs, on trouvera donc que ce dernier est un poil trop lent, que ses chansons traînent parfois trop, que le ton général est dolent, voire soporifique ; soit on s’immergera de suite dans cet univers pastellisé et on s’imprégnera de ses effluves sédatives, rassérénantes, et on s’en servira pour « prendre refuge » sans être nécessairement bouddhiste.
Mais quand bien même, on finira par se demander si la voix de SONAME avait forcément besoin d’un environnement aussi languide aux relents d’aspirine, tant il est évident qu’elle peut à elle seule véhiculer cette fibre spirituelle des hauts plateaux himalayens avec plus de relief.
En ce sens, le « bonus track », dans lequel SONAME chante sur un ton de prière, accompagnée d’un seul luth tibétain et des vagues du littoral portugais, façon « field recording », tranche avec le reste et véhicule un sens plus aigu de l’essentiel…
Stéphane Fougère
Site : https://www.deezer.com/fr/artist/1266246
Label : www.enjarecords.com