The Dark Side of the Moon in June
Jusqu’à présent, la scène musicale dite de Canterbury avait été épargnée par cette tendance, de la part de certains artistes, à vouloir réécrire l’héritage du passé en enregistrant de nouvelles versions de disques cultes. Il semble que le virus ait finalement mordu Robert WYATT, lequel veut maintenant offrir une nouvelle version de l’intégralité du double album Third, chef-d’œuvre indépassable de la discographie du groupe SOFT MACHINE, dont le batteur et chanteur anglais fut un membre éminent.
On se souvient que Robert WYATT avait déjà officiellement déclaré que « le meilleur de SOFT MACHINE se trouve rarement sur les albums », sous-entendant que le groupe était meilleur sur scène. Il est tout récemment revenu sur le sujet en déclarant à un célèbre spécialiste français de la musique de l’école « canterburyenne » : « Soyons clairs : les choix de production, de mixage et de montage des pièces opérés à l’époque, qui nous ont fait passer pour des révolutionnaires, sont aujourd’hui complètement ringards et, il faut bien le dire, inécoutables. Il n’est que d’écouter Facelift pour se rendre compte du sabotage auditif ! Mais le mal a aussi touché les autres morceaux, Slightly all the Time et Out-Bloody-Rageous, que même une remastérisation avertie ne peuvent sauver du gouffre ! Et je ne parle pas des interprétations ! La faute en incombe à chacun des musiciens, qui s’est cru plus talentueux que l’autre à composer et à enregistrer ces musiques, alors que ce n’était clairement pas le cas. »
C’est ainsi que l’idée est venue à l’ancien fondateur de SOFT MACHINE de proposer un nouveau « mix » des quatre compositions de Third en se servant d’anciens enregistrements live, plus à même selon lui d’illustrer la véritable intention artistique du groupe. Il aurait de plus lâché un scoop retentissant : « J’ai écrit Third. Pas seulement la face avec Moon in June, mais tout l’album. Débarrassons-nous de toutes ces conneries de « nous » ! Bien sûr nous étions un groupe, nous étions quatre, nous avons tous contribué — mais c’est mon projet et je l’ai écrit ! Au départ, j’avais composé des thèmes et même écrit des textes pour chacune des pièces de l’album, mais dont les autres n’ont pas voulu. Alors ces pièces sont restées instrumentales, à moitié faites, sauf Moon in June, que j’ai réussi à sauver. De toute façon, Elton, Mike et Hugh ne savaient pas écrire de chansons, ils n’avaient rien à dire. Ce ne sont pas des artistes ! Ils n’ont pas d’idées, aucun d’entre eux. Ils n’en ont jamais eu, et ça me rend fou ! Ce n’est pas par hasard si c’est le seul morceau chanté, Moon in June, qui est le plus apprécié des fans, et même des autres ! »
Toutefois, compte tenu du tollé sur les réseaux sociaux qu’ont provoqué ses dires, le musicien aurait depuis nuancé sa position en reconnaissant que sa nouvelle version n’était « pas un remplacement de l’original, qui évidemment, est irremplaçable, mais une façon pour moi de regarder cette époque charnière dans les yeux de l’homme que j’étais au moment où le disque est sorti. C’est également une façon pour moi d’honorer un enregistrement dont Mike, Hugh, Elton et moi avons le droit d’être fiers. Pour cette nouvelle version, je me suis servi de bandes live auxquelles j’ai ajouté ma voix pour chanter les textes que j’avais écrits à l’origine, avant qu’ils soient rejetés. Je suis actuellement en train de finaliser le mix. Ça rend vraiment bien, et je suis impatient que tout le monde l’entende. »
Contre toute attente, Mike RATLEDGE, l’ancien organiste de SOFT MACHINE, a eu l’honneur d’écouter en avant-première le travail de remixage de Robert WYATT et a révélé avoir aimé le résultat.
« Il m’a envoyé une copie de ce qu’il était en train de faire. Je lui ai écrit et je lui ai dit, « C’est très « bloody-rageous » de l’admettre, mais c’est absolument brillant! ». Ça l’était et ça l’est. Ce n’est en aucun cas un « spoiler » de l’original, c’est un ajout intéressant à la chose. L’une des choses que j’aime à propos de n’importe quelle pièce de musique existante, c’est de la développer ou y trouver des qualités en plus. J’aime juste cette idée de développer la musique plutôt que d’essayer de la garder exactement comme elle l’était. »
À l’écart de toute activité musicale depuis quelques années, Robert WYATT ne s’est évidemment pas plongé tout seul dans cette entreprise de revisitation d’un album culte de la Machine molle. Il aurait ainsi tenu compte des conseils d’un tiers. « C’est quelqu’un de très avisé en matière de remix, et c’est aussi un ami pour qui j’ai consenti il y a quelque temps à remonter ponctuellement sur scène. David GILMOUR, vous connaissez ? »