VAN DER GRAAF GENERATOR – Trisector

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VAN DER GRAAF GENERATOR – Trisector
(Virgin / EMI)

« And Then They Were Three… » aurait pu être le titre de ce nouvel album de VAN DER GRAAF GENERATOR, dorénavant réduit au trio HAMMILL-BANTON-EVANS, si un autre groupe né à la même époque que lui ne se l’était déjà approprié… Qu’à cela ne tienne : Trisector, ça fait tout de même moins nostalgique, non ? Le départ du souffleur David JACKSON n’a cessé depuis deux ans de tarauder les fans : amputé de l’une de ses branches vitales, VDGG devait-il continuer à vivre ? Si son absence (tout comme celle de Nic POTTER) est évidemment regrettable, il faut aussi garder en mémoire que l’histoire des groupes de rock se construit aussi sur des divorces plus ou moins douloureux. Fallait-il donc que VDGG s’arrête tout net, après sa « réunion » déjà exceptionnelle en 2005, ou bien devait-il aller de l’avant ?

Fort de la très concluante expérience des concerts de 2007, le trio a décidé de continuer. Et qui serions-nous pour le blâmer ? Pour un tel groupe, de nos jours, sortir un nouveau disque et étonner son public fidèle ne sont certainement pas choses aisées, surtout après un héritage discographique constitué de nombreuses pépites…

Il est donc clair que ce bien-nommé Trisector, volontairement décalé par rapport à ses prédécesseurs, fera la joie de certains ou déclenchera les foudres des autres. Une première écoute pourra même faire craindre le pire. L’album démarre en effet avec une pièce instrumentale, The Hurlyburly (charivari, tohu-bohu), qui navigue sur un surf-rock vivifiant. Gag ou clin d’œil ?

Toujours est-il que cette entrée en matière est en soi une forme de rupture. Interference Patterns, dont le texte est inspiré par la mécanique quantique, entre dans le vif du sujet, faisant retrouver cet esprit typiquement vandergraafien, avec ce dialogue fou et intense entre les claviers de Peter HAMMILL et l’orgue de Hugh BANTON. Ce dernier se taille évidemment la part du lion dans le spectre sonore du groupe, un peu comme à l’époque de The Aerosol Grey Machine, et impose tout au long de l’album des sons à la fois majestueux et surannés.

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Peter HAMMILL confirme pour sa part sa très bonne forme vocale, à défaut de délivrer de mémorables soli de guitare. À ce sujet, Drop Dead, morceau rock bien binaire, tombe à plat malgré l’énergie dont il fait montre. Sans doute aurait-il eu davantage sa place sur un album solo de Peter HAMMILL comme The Noise. Du reste, les ballades The Final Reel, Lifetime et Only in a Whisper, avec leurs mélodies prenantes et leurs ambiances intimistes et dépouillées, risquent de déstabiliser celui qui recherche du « old VDGG » pur jus ! Elles renforcent plutôt à priori cette impression d’écouter du HAMMILL accompagné par un groupe constitué d’anciens complices. Il s’agit pourtant de compositions de groupe (hormis la première citée, entièrement écrite par HAMMILL). Le jeu de BANTON y est remarquable, tandis que Guy EVANS, aux fûts, paraît retrouver ça et là des inspirations jazzy, ce à quoi il ne nous avait guère habitués par le passé.

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Ainsi la plupart des morceaux de la première moitié du disque entretiennent-ils une logique de confusion aussi risquée que narquoise. Arrive alors All That Before, qui réveille instantanément les esprits, tant les trois musiciens livrent ici une performance incendiaire, comme pris par un accès de fièvre (jaune, de préférence) : Peter maltraite sa guitare électrique de riffs nerveux et acides, Guy bouillonne et Hugh impressionne toujours autant, et ce pour nous raconter les affres d’un quidam en proie à des pertes de mémoire_! Aussi fendard que frénétique, le morceau réactive ce sens du chaos comme seul le GENERATOR sait en créer.

Il est suivi par Over the Hill, un autre temps fort du disque autant qu’une figure de style obligée pour (enfin) rassurer tous les accros des compositions les plus épiques de VDGG. Alternant passages flegmatiques, tourbillons impromptus, emballements lyriques et moments de quiétude, Over the Hill, splendide hymne progressif dont la structure semble calquée à la fois sur Still Life et sur Childlike Faith in Childhood’s End, fait revivre un VDGG tendu, puissant et aventureux (mais sans excès non plus). Il fallait bien pareil format pour illustrer cette réflexion nourrie de Peter HAMMILL sur l’un de ses thèmes récurrents, à savoir la condition d’artiste et le sinueux parcours d’un groupe aux prises avec le passage du temps…

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Puis c’est (We Are) Not Here, étrange ritournelle hypnotique qui conclut le CD sur un climat dramatique mené par l’orgue de BANTON et par les patterns sophistiqués d’EVANS, tandis que la voix fantomatique de Peter « Usher » HAMMILL délivre une somptueux texte (« I Dreamed You Here Beside Me, Radiant, Impulsively Strong… »).

Quand le CD s’achève, c’est une impression faite de frustration et d’engouement qui s’empare des esprits. Oui, VDGG est bien là, un peu différent mais somme toute reconnaissable, certainement moins tourmenté (on ne peut pas avoir tous les jours vingt ans…), plus posé et apaisé, mais assurément toujours fonctionnel et ayant gardé le goût de l’intense, même si son écriture est plus balisée. Voilà un quarantenaire (de plus) résolument « alive and believing », et c’est déjà pas si mal !

Sites: www.vandergraafgenerator.co.uk

www.sofasound.com

Stéphane Fougère & Cédrick Pesqué
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°24 – octobre 2008)

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