VIET VO DA HOUSE
Encore inconnu en France, le groupe VIET VO DA HOUSE est unique en son genre.
Influencé aussi bien par le jazz, le rock, le blues que par la musique brésilienne (bossa nova), le courant house/électro et bien sûr les musiques traditionnelles du Vietnam, la formation composée de musiciens vietnamiens et de français vivant là-bas, propose une fusion musicale fort intéressante qui ne demande qu’à être entendue.
Rencontre au Viêtnam avec Christian BOUAZIZ, le guitariste du groupe.
Quels sont les « événements » importants de l’histoire du groupe ?
Christian BOUAZIZ : VIET VO DA HOUSE (VVDH) est né en 2002, à Saigon/Hô-Chi-Minh City, de la rencontre d’une guitare acoustique, d’un ordinateur et de samples de musiques traditionnelles du Vietnam.
L’écoute du travail de NGUYÊN LÊ sur l’album Tales from Vietnam est certainement l’acte de naissance du projet VVDH.
2004 marque la première date charnière de l’histoire du groupe, avec la rencontre de musiciens traditionnels vietnamiens (Dan Bau/monocorde, Dan Tranh/cithare à 16 cordes, flûte/chant) avec qui nous jouerons nos premiers concerts à Saigon.
Ceux-ci nous ont été présentés par un ami vietnamien/propriétaire d’un studio d’enregistrement avec qui nous avions réalisé les premières démos/tests du groupe, et à qui nous avions exprimé notre désir de créer/jouer une musique plus « vivante », plus acoustique… issue d’une vraie rencontre avec ces musiciens.
L’année qui suivra signera notre rencontre avec le producteur/arrangeur de house-music français Catalan FC (aka Lionel CATALAN), qui sera le Grand Manitou de la production de notre premier album Ve Nha (signé chez le label digital Wild Palms Music en 2006, parti depuis sans laisser d’adresse…).
2006 verra notre première « grande » sortie avec notre participation au Festival de Hué (grâce au producteur français Philippe BOULER, très actif au Vietnam).
Année qui sera suivie (en 2008) par notre participation au Mela Festival d’Oslo (Norvège), suite à une rencontre virtuelle avec les producteurs du Festival sur…Myspace !!
VVDH était à nouveau en Norvège à la fin de l’été pour une tournée d’une semaine et devrait se produire en 2011 en France sur quelques Festivals.
Le disque que j’ai pu entendre contient de nombreuses influences en particulier jazz. Quelle est la place de la musique traditionnelle vietnamienne dans le processus de création des morceaux et l’orchestration des différents titres (traditionnels ou compositions originales) ?
CB : Oui, c’est vrai. Le jazz est très présent dans nos chansons. Plus dans les arrangements que dans sa dimension « improvisation ».
Qu’il s’agisse d’arrangements de titres traditionnels/populaires (Chim da da / Em la hoa hong nho du compositeur TRINH CONG SON…) ou de compositions originales (kakitikom / Hue Bop…), la recette reste pratiquement toujours la même : une pincée de mélodie/arrangements-guitare/puis une pincée d’electro (beats/claviers…), et enfin les épices et couleurs des instruments traditionnels.
Le Viêtnam est composé de trois grandes régions. Comment gérer ces différences (vocales, instrumentales, parlées…) dans votre musique ?
CB : Ah, la réponse est simple et sans appel : c’est le Nord qui donne le La ! Lorsqu’une composition (comme Ly Ngua O, chanson traditionnelle connue de tous les vietnamiens) connaît différentes versions régionales… celle que nous jouons est issue de son interprétation « nordique ».
D’autres chansons sont elles très « marquées » régionalement. Comme Ca dao em va toi par exemple, originaire de la ville de Hué. Le public du Festival de Hué s’est d’ailleurs montré très réceptif et très enthousiaste sur notre lecture de cette chanson… celui de Hanoi manifestant lui une réaction plus « neutre ».
Nous restons dans tous les cas attachés à un type d’interprétation, quelque soit la géographie des concerts.
Comment se passe la réalisation (enregistrement, mixage, gravure, distribution…) d’un CD au Viêtnam ?
CB : Le Vietnam (HCMCity et Hanoi surtout) offre toutes les conditions techniques nécessaires à l’enregistrement d’un album/CD (studio). L’ingénierie/son (enregistrement) reste cependant un point délicat à gérer. Et le mastering devra plutôt se faire hors du Vietnam, pour des raisons de compétences techniques.
La distribution (physique et en ligne) de la musique se passe de plus en plus comme en France… avec peut-être des problèmes de protection des droits d’auteurs plus complexes à gérer qu’en Europe.
Comment les artistes vietnamiens perçoivent-ils, à votre avis, votre travail ?
CB : Les artistes vietnamiens de musique traditionnelle sont habitués aux sessions d’enregistrement en studio.
Ils sont très réceptifs a notre approche de leur musique et montre souvent une réelle ouverture d’esprit… les échanges peuvent être très riches.
Peux-tu nous parler de VIET VO DA HOUSE sur scène ?
CB : Les expériences live de VVDH sont plutôt éloignées des enregistrements studio… Le son est plus « roots » peut-être. Une place plus grande est laissée à l’improvisation, aux « climats ».
Cela vient certainement du fait que le line-up change régulièrement… plus d’une vingtaine de musiciens (français/vietnamiens) se sont jusqu’à aujourd’hui croisés au sein de la formation.
VVDH est en fait plus un collectif qu’un groupe au sens littéral du terme. Notre son évolue beaucoup en fonction des rencontres/des histoires.
Le prochain album présentera du reste un line-up très éloigné de celui du premier (Ve Nha).
Peux-tu nous parler de vos rencontres musicales avec TRAN QUANG HAI et le guitariste NGUYÊN LÊ ?
CB : Nous avons rencontré TRAN QUANG HAI lors du Mela Festival d’Oslo en 2008. Nous avons eu le grand plaisir, et le privilège, de pouvoir l’inviter à jouer avec nous lors de nos deux concerts norvégiens. Son extraordinaire maîtrise de la gimbarde et des cuillères a apporté une couleur et une dimension très particulières à notre musique/live.
La rencontre avec NGUYÊN LÊ s’est elle passée quelques années auparavant autour de l’organisation de sa venue/tournée (avec HUONG THANH) au Vietnam. C’est lors d’une soirée « off » dans un club saigonnais que nous avons eu l’énorme plaisir de jammer quelques unes de nos compos avec lui, Michel ALIBO et d’autres amis musiciens vietnamiens.
NGUYÊN LÊ nous a du reste donné l’aimable autorisation de le sampler sur l’un de nos morceaux : Chim Da Da.
Quelle est la place des musiques traditionnelles actuellement au Viêtnam ?
CB : Les musiques traditionnelles sont relativement bien couvertes par les médias vietnamiens. De nombreux programmes TV, Festivals… les défendent. Le Professeur TRAN VAN KE par exemple (LA référence en musique traditionnelle vietnamienne) est assez souvent présent dans les médias.
Malheureusement, cet héritage n’attire pas vraiment le public jeune… et n’est pas beaucoup approprié par les jeunes artistes vietnamiens de différents styles (un petit peu plus au Nord qu’au Sud cependant).
Et les musiques actuelles (électro, rap, rock…) ?
CB : La musique populaire vietnamienne est aujourd’hui copiée sur ce que l’on appelle la « japan & korean pop »… elle-même très influencée par la pop/R&B américaine.
Il existe bien entendu des scènes heavy métal/hard core, rock et électro (de qualité, surtout au Nord avec des artistes comme KIM NGOC TRAN), mais celles-ci restent tout de même assez marginales.
La vraie révélation musicale vietnamienne récente vient, selon moi, de Danang (région centre). En la personne de la jeune (23 ans !) auteur/compositeur LE CAT TRONG LY qui propose une musique folk très personnelle (qui trouve en partie ses racines dans la culture traditionnelle du Vietnam). Une artiste qui rencontre un public de plus en plus large. Ce qui est une très bonne nouvelle pour la scène musicale vietnamienne !
Sites : https://www.facebook.com/vietvodahouse/
Propos recueillis par Frantz-Minh Raimbourg
Photos: Collection Christian Bouaziz