Yochk’o SEFFER & NEFFESH MUSIC – Ezz-thetics Travel

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Yochk’o SEFFER & NEFFESH MUSIC – Ezz-thetics Travel
(Great Winds / Musea)

Il fallait bien s’y attendre : ZAO s’était reformé, NEFFESH MUSIC devait fatalement réapparaître ! Rappelons en effet que ce dernier est né suite à l’expérience tentée sur le troisième album de ZAO, Shekina, où le quatuor à cordes MARGAND propulsait le groupe de jazz-rock-fusion-zeuhl dans une direction inédite. Celle-ci serait restée sans suite si le saxophoniste Yochk’o SEFFER ne s’était avisé d’écouter ses propres convictions qui lui ont enjoint de quitter ZAO pour monter NEFFESH MUSIC (la « musique de l’âme ») avec le quatuor MARGAND, plus apte à traduire sa vision de compositeur s’inscrivant dans la double filiation de John COLTRANE (perçu par Yochk’o comme jouant le rôle du père) et de Béla BARTOK (dans le rôle du grand-père).

Synthétisant les appétences de SEFFER pour le jazz, la musique classique contemporaine et la musique ethnique hongroise, NEFFESH MUSIC a ainsi présenté une forme inédite et originale de musique nouvelle à ancrage européen qui a engendré trois opus de référence, Délire (1976), Ima (1977) et Ghilgoul (1978), réédités par fragments plus ou moins désordonnés dans les CD Neffesh Music, Ghilgoul, Adama-Ima et My Old Roots.

Presque trente ans plus tard, Yochk’o SEFFER a donc décidé de réactiver – plutôt que ressusciter – NEFFESH MUSIC. La nuance est de taille puisque les musiciens ne sont plus ceux de l’époque et le quatuor MARGAND a cédé la place au quatuor de violoncelles BELLI CELLI. (Mais il est vrai que, déjà à l’époque, NEFFESH MUSIC est passé par différentes métamorphoses qui n’ont pas été consignées sur disque.) Et, au contraire de ZAO dont la reformation récente a surtout revisité son ancien répertoire, le NEFFESH MUSIC cru 2009 propose une musique entièrement inédite.

Faisant fi du passage des décennies, Ezz-thetics Travel semble reprendre les choses là où Ghilgoul les avait laissées. On retrouve cette alliance cordes/cuivres jazzo-classique au souffle lyrique infaillible, cette « marque de fabrique » typiquement sefferienne d’inspiration magyare, mais qui évolue cette fois dans un registre plus acoustique.

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De plus, Yochk’o SEFFER ne s’exprime plus seulement au saxophone ténor, mais aussi au tarogato (instrument en bois à anche simple d’origine hongroise et dont le son rappelle celui du saxophone soprano et du cor anglais) et au zirnus, qui n’est autre que l’une de ses « sculptophonies » (car l’intarissable verve artistique de cet homme ne se contente pas uniquement de s’exprimer en musique, mais aussi en sculpture et en peinture).

Outre l’empreinte classico-contemporaine affirmée et affermie par le quatuor BELLI CELLI, le nouveau NEFFESH MUSIC est nourri par l’apport de François CAUSSE (qui a également participé aux retours de ZAO et d’ETHNIC DUO, devenu ETHNIC TRIO), dont le large set de percussions africaines, indiennes, etc. accroît la dimension pan-ethnique du projet et en souligne l’enracinement tellurique, en même temps qu’il en démultiplie les couleurs et les phrasés rythmiques.

Mais la plus grosse surprise vient sans doute de l’intégration au projet d’un DJ, Grégoire DORVILLE – alias Greg l’1Pi – dont les scratches et spasmes électroniques constituent une véritable surprise dans un contexte où on ne les attendait certes pas.

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Toujours est-il que ces couleurs supplémentaires parachèvent merveilleusement la vision symbiotique de Yochk’o SEFFER, ajoutant au croisement jazz et classique les pôles ethnique et électronique, à partir desquels se dessinent d’autres associations (acoustique/électro, folklore ancien rural et expression « actuelle » urbaine) en un bouquet hybride de prime abord singulier mais incontestablement novateur.

Ezz-thetics Travel est un nouveau pas en avant pour Yochk’o SEFFER qui, bien que tenant toujours le même discours concernant ses bases et ses orientations, sait renouveler son approche créative et fait montre d’une belle santé artistique.

Stéphane Fougère

Label : www.musearecords.com

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°26 – août 2009)

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