Yuan DENG – The Mountain and the River

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Yuan DENG – The Mountain and the River
(Dunya / Felmay / Orkhêstra)

YuanDeng-TheMountain&theRiverPrésentes dans la majorité des peintures paysagères évoquant une Chine à la fois antique et éternelle, la montagne et la rivière sont deux créations de Dame Nature représentant des principes divergents et complémentaires. À la montagne les hauteurs hiératiques, à la rivière la régularité du flot continu… La montagne incite à l’élévation, à la contemplation et incarne la permanence ; la rivière, même tranquille, suggère le mouvement, l’ondoiement, le remous, l’impermanence… Peut-on imaginer un autre instrument que le guzheng pour évoquer ces phénomènes dans toutes leurs nuances ?

Cette cithare sur table à chevalets mobiles, dont les différents modèles proposent de 18 à 25 cordes, pincées avec un plectre de la main droite et touchées par la main gauche pour varier les hauteurs et les timbres, charrie une histoire remontant à quelque 2500 ans, ses plus anciennes traces remontant au IIIe, voire au Ve siècle avant notre ère (époque ChunQiu), ce qui lui donne même une plus grande ancienneté que le luth pipa, un instrument lui aussi emblématique de la tradition musicale chinoise.

L’appellation guzheng se traduit du reste par « ancienne cithare zheng ». En plus de faire figure d’ambassadeur de la musique traditionnelle chinoise, le guzheng est aussi à la racine de l’évolution des traditions musicales extrême-orientales, puisqu’il a été introduit dans les pays voisins et s’est mué en koto au Japon, en Kayagum en Corée, et en dàn tranh au Viet-Nam.

Mais rien qu’en Chine, le style de jeu du guzheng diffère d’une région à l’autre, et on distingue aujourd’hui cinq approches régionales différentes (écoles de Zhejiang, Shandong, Chaozhou, Hakka et Henan). Car l’art du guzheng n’a cessé de progresser au fil des âges. D’abord joué au sein des ensembles de musique de cour, le guzheng s’est nourri du chant narratif, de l’opéra chinois et des genres folkloriques pour étendre son répertoire et engendrer, au milieu du XIXe siècle, un art entièrement soliste voué à l’expression de sentiments inspirés par les paysages naturels, la faune, la flore, la vie rurale ou les élans diversement contrariés du cœur…

C’est toute cette source d’inspiration qui est exposée dans The Mountain and the River, premier enregistrement de Yuan DENG, une jeune musicienne chinoise vivant en Italie dont on a guère entendu parler jusqu’à présent, mais qui a toute la maîtrise instrumentale requise pour s’imposer dans la jeune génération de musiciens impliqués dans la mise en valeur de leur héritage musical traditionnel.

Son apprentissage du guzheng ayant commencé à l’âge de six ans, on ne s’étonnera pas que Yuan DENG se soit déjà vue décerner des diplômes faisant état du haut niveau d’expertise qu’elle a atteint. Elle livre dans ce CD un répertoire somme toute assez récent, les pièces datant dans leur majorité de la seconde moitié du XXe siècle, mais s’inspirant de thèmes plus anciens.

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Toute la panoplie poétique typique de l’art pictural chinois se déploie donc dans le répertoire de Yuan DENG : outre les hautes montagnes et la rivière coulante promises par le titre du disque, on y trouve un assortiment de pièces qui sont autant de tableaux ciselés évoquant des fleurs épanouies (The Blooming Shandandan Flowers Shine Bright Red), des pêcheurs qui chantent durant leur travail nocturne (Fisherman’s Song at Dusk) et des danses ethniques (Dance of the Yao People).

Yuan DENG a puisé dans les styles régionaux évoqués plus haut et a même tenu à interpréter un morceau inspiré par le folklore tibétain dépeignant une aurore printanière sur des cimes enneigées (Spring Dawn in the Snowy Mountains). Non contente de présenter un éventail généreux du répertoire soliste de guzheng, Yuan DENG est allée également puiser dans le répertoire de la cithare voisine guqin (High Mountains and Flowing Water) et dans celui du luth pipa (Heroic Little Sisters on the Prairie), élargissant ainsi le champ d’expression de son instrument.

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La large palette de sentiments et d’atmosphères dépeints dans tous ces morceaux (neuf au total) permet à Yuan DENG de faire montre de toutes les capacités expressives du guzheng : on l’entend tantôt murmurer, bourdonner, clapoter, tantôt éclater, tempêter, exploser, à la faveur d’un pétrissage sonore extrêmement élaboré et profus sur l’instrument qui anime littéralement les tableaux exposés et les métamorphose en scènes épiques ou en travellings contemplatifs.

The Mountain and the River remplit donc amplement son rôle de carte de visite, et son pouvoir d’immersion devrait avoir raison des connaisseurs comme des amateurs curieux de cordes asiatiques aux échos émotionnels profonds.

Stéphane Fougère

Label : www.felmay.it

Distributeur : www.orkhestra.fr

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