Adelbert Von DEYEN – Sternzeit / Nordborg / Atmosphere
(Bureau B)
Nous aimons beaucoup le label Bureau B, son équipe dévouée, son catalogue et son incroyable politique de rééditions permettant de compléter ses connaissances en matière de musique électronique européenne, d’ambient ou de musique planante. Ce label permet de nous faire découvrir des disques oubliés, voire méconnus. Franchement, nous ne connaissions pas ce Adelbert Von DEYEN, musicien allemand, proche de Dieter SCHUTZ et ayant débuté vers la fin des années 1970. Certes, ce qu’il fait, Klaus SCHULZE l’a déjà fait quelques années avant lui, en certainement mieux et en plus complexe, mais ces trois albums parus respectivement en 1978,1979 et 1980 sur Sky Records sont de vraies pépites et plairont certainement aux amateurs de la Berlin School.
Pour certains, Adelbert Von DEYEN est un sous-Klaus SCHULZE. Il copie ouvertement l’univers du maître de l’électronique allemande : sa musique certes mais aussi son imagerie ; les pochettes surréalistes de Sternzeit et Nordborg avec ses personnages aux longues jambes en pointe et ses têtes rondes rappellent bien entendu celles de Black Dance et de Timewind… Une ressemblance sonore et esthétique qui peut déplaire aux plus grands connaisseurs.
Aujourd’hui, tout cela ne semble pas véritablement important parce que la musique est réellement belle. Si le principal concerné avait réalisé ces albums dans les années 1973-1975, il serait considéré comme l’un des pionniers du genre. Mais, dans ce cas précis, nous sommes à une époque où Klaus SCHULZE ne faisait plus cette musique ; des albums comme X, Dune ou Dig It n’avaient plus rien à voir avec les musiques de Picture Music, de Timewind ou de Mirage. Nous pouvons donc considérer la musique de Von DEYEN comme une continuité à celle de SCHULZE et de l’âge d’or de l’électronique.
En découvrant pour la première fois la musique d’un album comme Sternzeit, il est impossible de ne pas succomber à ces « sons électroniques / ambient célestes ». Et l’écoute à peine terminée, nous avons l’envie irrésistible d’acheter les autres albums. Au final, c’est envoûtant, mélodique, extrêmement mélancolique, et renversant de beauté… C’est une musique pour les rêves et les larmes qui prend vie principalement avec des instruments comme l’ARP Odyssey, l’orgue farfisa, le Revox A77 tape recorder, le synthé micromoog ou l’ ARP sequencer.
Sternzeit, enregistré en 1978 à Lübeck, comprend deux titres de plus de vingt minutes. Von DEYEN propose d’abord une superbe suite en trois parties, Per Aspera Ad Astra, où tout son univers se présente à nous sans détour. Nous découvrons une musique analogique très émouvante, avec ce son unique de l’ARP Odyssey et ces effets synthétiques assez bouleversants qui vous projettent très loin dans les étoiles. C’est très mélancolique et aussi très rythmé avec une deuxième partie, Stellardance, assez hypnotique et étrange. Le titre éponyme se veut plus mystérieux et inquiétant avec ce son d’orgue très prenant.
Nordborg, paru l’année suivante, propose aussi deux longs morceaux dépassant les vingt minutes;
Moonrise (voulant décrire le lever de la lune) et
Iceland (en référence à la tempête de neige qui a frappé Nordborg) déversent leur poésie synthétique et atmosphérique, nous plongeant au cœur de cette île danoise d’Alsen où le musicien a séjourné quelques jours. Cet album contient deux superbes « icescapes » et fascineront les amateurs d’hymnes synthétiques et de sons irréels ou plus sombres sortant de l’ARP Odyssey et des orgues.
Le dernier album réédité par Bureau B se nomme Atmosphere. Paru en 1980, enregistré dans son home studio, en hommage à la nature et à Johannes BRAHMS, ce disque est tout aussi passionnant car il est musicalement plus varié : d’une part, en plus d’une l’instrumentation électronique plus importante et complexe (utilisation également du synthé micromoog et de l’ARP Sequencer), Von DEYEN utilise aussi des instruments acoustiques (violon, gong) et rajoute même un peu de guitare électrique et de voix ; d’autre part, sa musique connaît un revirement non négligeable : en effet, soutenu par un batteur nommé Wolfgang « ZABBA » LINDNER, un vétéran de la scène prog’ rock (TOMORROW’S GIFT) sur les deux premiers titres (Time Machine et Silverrain), son univers sonore prend une tout autre dimension en touchant à l’électro-krautrock.

Nous retrouvons cependant ces ambiances mélancoliques et ces longues nappes légères et synthétiques dignes de la Berlin School et qui nous font tant rêver sur les pièces suivantes:
Atmosphere Part 1 (une suite en trois parties) et
Atmosphere Part 2 (une suite en cinq parties) sont également très réussies et ne peuvent pas nous laisser insensibles (le déchirant final,
Dawn, concluant la deuxième partie). Avec ces deux compositions, c’est une succession de passages atmosphériques/ambient et aussi fortement cosmiques. Nous pensons parfois à du KITARO à ses débuts (
Sunrise semble extrait de
Tenkai/Astral Trip ou de
From the Full Moon Story) ou à TANGERINE DREAM à l’époque de
Phaedra,
Rubycon…
Ces trois albums sont donc à découvrir de toute urgence et les nombreux passionnés de ce genre de musique fortement influencé par l’école de Berlin ne seront sans doute pas déçus.
Cédrick Pesqué