ALTAN – 25th Anniversary Celebration, with the RTÉ Concert Orchestra
(Compass Records)
Le dernier album studio d’ALTAN remontant à 2005 (Local Ground), on commençait à se demander si celui qu’on a appelé l’étalon doré de la musique traditionnelle irlandaise n’avait pas fermé boutique, impression accrue par la parution récente d’un album solo de la fiddleuse, chanteuse et co-fondatrice du groupe, Mairéad Ní MHAONAIGH. Mais tout de même, quand on a vingt-cinq ans de carrière, on ne se met pas la tête dans le sable.
C’est finalement en grande pompes qu’ALTAN fête son quart de siècle d’existence puisqu’il s’adjoint les services d’un orchestre symphonique ! Évidemment, j’en vois parmi les fans autoproclamés les plus indécrottables qui se cabrent, non sans légitimité il faut bien le dire. Un groupe qui a toujours su donner le meilleur de lui-même avec deux fiddles, un accordéon, une guitare, des whistles et une voix cristalline à faire fondre les cœurs en banquise a t-il besoin de la présence un rien pachydermique d’un orchestre classique pour honorer la tradition musicale irlandaise, et celle du comté du Donegal en particulier ? Bref, à 25 ans, ALTAN aurait-il trop tiré sur… les cordes ? Fallait-il fêter cet anniversaire avec une pièce montée ?
En même temps, qu’aurait-on fait d’un énième compilation ? Cet album en est pourtant une, puisque les pièces qu’il contient ont déjà été en majeure partie enregistrées sur de précédents albums. Symptomatiquement, c’est surtout dans les disques de la période Virgin et Vertical records/Narada qu’ALTAN a été pioché, avec un bon paquet de morceaux tirés du précédent CD, Local Ground, mais aussi de Blackwater, de Runaway Sunday, avec une pincée de The Blue Idol. La période Green Linnet n’est représentée que par deux pièces tirées de Harvest Storm, sans oublier l’inusable et grisant The Sunset, provenant de l’album séminal Altan de Frankie KENNEDY et Mairéad Ní MHAONAIGH.
Toutes ces pièces d’anthologies auxquelles s’ajoutent deux inédites (Mo Ghaoil et Soilse na Nollag, composées ou complétées par le père de Mairéad, Francie MOONEY), font ici l’objet de nouvelles versions interprétées par le quintette irlandais avec le RTÉ Orchestra, conduit par David BROPHY. Toute la pertinence de ce projet réside dans les nouveaux arrangements proposés et qui ont été conçus par Fiachra TRENCH, célèbre pour ses musiques de films. (Accessoirement, il a aussi travaillé avec Sinéad O’CONNOR, a conçu les arrangements pour cordes du morceau Fairytale of New York des POGUES et s’est produit à l’Eurovision avec Dan Ar BRAZ, signe que la musique celtique ne lui est pas inconnue…)
Si l’on veut bien un instant laisser ses préjugés au placard et que l’on écoute ce disque avec des oreilles un tant soi peu ouvertes, on admettra que, sur le fond, c’est toujours la même musique – et pour cause – qu’ALTAN nous livre, alternant comme sur ses autres disques reels enjoués, jigs roboratives et chansons intimistes ou mélancoliques. L’orchestre, quant à lui, n’est pas aussi étouffant que d’aucun pouvait craindre. Au contraire, il intervient dans les morceaux presque toujours après qu’ALTAN a fait son entrée en matière, et son rôle consiste surtout à souligner des harmonies qui étaient jusqu’alors latentes ou moins saillantes.
Jamais ALTAN ne se risque à entrer plus ou moins gauchement dans l’univers de la musique classique, c’est l’orchestre de la RTÉ qui se met à sa disposition pour vernir et redorer le répertoire de la formation traditionnelle, suggérant de nouveaux reliefs et éclairages. Alors certes, on frôle de temps à autres le pathos, le grumelleux, la boursouflure romantique, la contemplation pataude, voire l’easy-listening arty, mais on est quand même bien loin des farces et attrapes d’un André RIEU. L’orchestre ne s’impose pas plus que de raison et fait montre d’une certaine sobriété, agissant tel un sixième élément dans le groupe, un « special guest » comme ALTAN en a invités maintes fois par ailleurs.
Et puis, il reste le plaisir de se replonger dans le répertoire d’ALTAN, de le redécouvrir et, pourquoi pas, de le faire découvrir à des gens qui ne le connaissent pas et auprès de qui les arrangements classiques de cet disque pourraient servir de porte d’entrée moins rugueuse que du ALTAN pur jus.
Bien sûr, les fans auraient préféré que cet anniversaire soit fêté avec un album ou un coffret d’enregistrements live inédits de leur groupe fétiche, tant la scène reste l’endroit privilégié pour vivre de plein fouet la musique irlandaise telle que jouée par ALTAN. Espérons qu’il ne faudra pas attendre les cinquante ans du groupe pour voir paraître un tel objet. En attendant, fêtons donc ce quart de siècle d’ALTAN en grandes pompes !
Stéphane Fougère
Site : www.altan.ie
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