Asmus TIETCHENS – Dämmerattacke
(Klang Galerie)
Le label Klang Galerie a de nouveau réédité un album de TIETCHENS, d’abord sorti en version 33 tours – quatre titres – sur Korm Plastics puis cinq ans plus tard en CD sur Submergence avec le morceau Schlagschatten en guise de « bonus track ».
Comme précédemment pour le disque Eisgang, cette dernière édition CD a rajouté un sixième morceau intitulé Franz-Joseph-Land (en rapport avec l’archipel, situé à l’extrême nord de la Russie, et constitué de 191 îles recouvertes de glace).
Dämmerattacke explore de nouveau l’approche expérimentale de la musique du Hambourgeois, qui a montré depuis son enfance un très fort intérêt pour la musique concrète. Et cela se ressent beaucoup dans son œuvre. Les compositions s’avèrent difficiles, insaisissables quoique assez surprenantes pour certaines : nous pensons à deux titres en particulier, Erster et Dritter Nachtschatten, qui sont marqués par des revirements soniques inattendus et plutôt accessibles.
Néanmoins, ce disque n’est pas du tout évident et n’a rien à voir avec les travaux très rythmés des années 1980 parus sur Bureau B, comme Nachtstücke, Biotop ou Litia. Ici, nous écoutons une musique « ambient », expérimentale, lente et plutôt tranquille, quoique assez mystérieuse et imprégnée d’une atmosphère industrielle et froide quasi-constante.
Asmus TIETCHENS joue avec les sons (imitant le souffle, le bruit de la machine, le verre), les dissonances mais aussi avec l’imperceptible, le silence et le néant. Sa musique ondule sous des formes les plus abstraites pour aborder les rivages d’un minimalisme synthétique poussé à l’extrême. Les habitués du genre trouveront un intérêt certain à ce disque. Pour les autres, cette expérience se révèlera insupportable !
Le titre d’ouverture, Zweite Dämmerattacke, est une longue procession de plus de vingt minutes, obscure et glaçante, constituée de deux parties : d’abord, la musique est répétitive où flotte un doux parfum industriel et motorik, puis ensuite elle se focalise sur des sons plus atmosphériques-drones (le souffle glacial continu) et des bruitages multiples (comme si nous étions à l’intérieur d’une machine vivante aux pulsations mécaniques et hypnotiques).
Franz-Joseph-Land est également difficilement abordable parce que c’est environ sept minutes de fusion avec l’invisible. Nous entendons uniquement des grappes sonores simulant des coups comme ceux donnés contre un mur ou un plancher, sur une musique drone et atmosphérique dont le volume est au plus bas, volontairement inaudible (une démarche récurrente chez TIETCHENS). Que peut-il se passer dans la tête d’un musicien pour avoir l’idée de composer une chose pareille ? C’est étonnant, car c’est à la fois frustrant et excitant.
C’est là tout le secret de la musique d’Asmus TIETCHENS, qui sous cette froideur apparente, cette complexité évidente (Zweiter Nachtschatten, Schlagschatten) peut aussi se révéler mélodique. Erster et Dritter Nachtschatten restent les pièces les plus faciles et les plus lumineuses de cet album.
Cédrick Pesqué
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