LITTLE BIG NOZ – Little Big Noz
(Collectif à l’envers)
En dépit de son clin d’œil cinématographique et littéraire, Little Big Noz n’est pas une bande originale de film (encore que…), mais un disque d’initiation aux danses bretonnes. Oui, vous pouvez vous mettre en piste. Allez-y, n’ayez pas peur, toute la famille peut participer ! Car Little Big Noz est la bande son d’un « spectacle à danser pour les parents accompagnés par leurs enfants » sorte d’écho inversé (normal pour une production émanant du Collectif à l’envers !) de Par le bout du noz, qui est un « spectacle à danser pour les enfants accompagnés par leurs parents ». Les protagonistes de cette entreprise ? Ben en fait, c’est juste un mec, qui joue du saxophone baryton « à simple carburation circulaire »… Solo, quoi ! Nan mais attendez ; revenez quoi ! Ben où sont-ils tous partis ?
Oui, je sais que dès que l’on pense musique de fest-noz, on s’imagine qu’on va avoir affaire à une formation étoffée, genre biniou-bombarde-violon-flûte-guitare… « Tout au plus consentirait-on à se farcir un simple couple de sonneurs ! Mais un saxophoniste soliste ! Quelle hérésie ! Quel ennui ! »
Hé quoi ? Vous pratiquez la danse bretonne et vous n’aimez pas qu’on vous lance un défi ? À d’autres… Little Big Noz est précisément un défi « spectaculaire » de Ronan LE GOURIÉREC, connu aussi comme un de ces irréductibles sonneurs de bombarde qui a l’habitude de secouer les esgourdes des amateurs de musique bretonne et de bousculer les ornières du genre.
Si vous avez déjà croisé les NIOU BARDOPHONES, BivOAc, LES ALLUMÉS DU CHALUMEAU, ou encore son Chantier public avec Yves MAGNE et Albert MARCŒUR, vous savez de quoi il retourne et que le gaillard n’en est pas à son premier méfait. Et en l’occurrence, c’est en guide initiatique qu’il se pose ici, allant même jusqu’à prétendre vous faire danser en moins de deux minutes, en se plaçant au centre du cercle de danse muni de son simple saxophone baryton.
Évidemment, ce qui peut bien passer en « live » peut ne pas fonctionner dans le cadre d’une écoute domestique. Mais Ronan LE GOURIÉREC est aussi un improvisateur patenté qui a connaît l’art de faire swinguer une mélodie, d’en développer les moindres recoins et de transformer le moindre thème en une aventure sonore truffée de rebondissements.
Ainsi affiche-t-il une aisance presque outrecuidante dans sa façon de transcender l’usage de cet instrument que l’on cantonne généralement dans l’émission de notes basses. Dans Little Big Noz, toutes les variations sont explorées, de même que les timbres sont ardemment léchés et que les attaques se font sous différents angles, allant jusqu’à faire passer le saxophone baryton pour un instrument de percussion, ce qui est bien utile pour mener la danse.
L’album affiche un répertoire original fort diversifié, chaque danse traditionnelle étant littéralement métamorphosée en une créature du troisième type, agrémentée d’une définition qui ne l’est pas moins. Un hanter dro devient ainsi T’es lent, perdreau, est est présenté comme un « riff métal saturé pépère Yin Yang » et une bourrée 3 temps devient une Bourrée d’Agen « saoûlée à 3 temps à jeun, enivrée à 2 temps bourrée ».
Les adeptes des dimensions parallèles et des expériences hallucinogènes ne passeront pas à côté de cette valse présentée comme un « chaloupé beurre salé en 12/8 à la COLTRANE » ; de ce galop nantais transformé en une Chevauchée fantastique du Muscadet, « à la Chapelle-Heulin, ça m’apprendra à faire le malin… », sans parler de ce rond de Saint-Vincent mué en une Chenille normande « anti PRDC (Psycho-rigide du coin) » ! Notre souffleur de graves se joue de la moindre anicroche, et roule même joliment sa bosse sur un Andromadaire, quel chameau !, quitte à changer les sols en terre battue de jadis contre des sols en lino pour un Pilé… velu !
Espiègle jusqu’au bout de l’anche, Ronan LE GOURIÉREC n’a pas manqué de faire commenter – par son complice de l’ombre Philippe CHASSELOUP – son interprétation d’un Bal Gavotte (Bal de la frime) comme si c’était une performance athlétique, voire une course… épique, ou de lui faire dire des critiques « beaufisantes » à son égard (« Encore un disque qui va se retrouver sur un vide-grenier, entre Loïc VALDOR Je danse en Bretagne et TRI YANN », « Projet chiant », « Vous enlevez les mélodies, c’est indansable, franchement c’est nul »…) ou encore les écorchures faciles sur son nom…
Et toujours par souci de pédagogie, chaque danse fait l’objet dans le livret d’une illustration picaresque signée Laurent LEBOT.
Little Big Noz est recommandé à celles et ceux qui ne dansent pas mou du genou, mais aussi à celles et ceux qui cherchent à se décoincer les neurones autant que les (h)anches. Ne dansez pas grognon, dansez baryton !
Stéphane Fougère
Site : http://collectifalenvers.org/