Assemblage de pièces comeladiennes du plus bel effet
(Gazul Records / Musea)
Sachant que nous avons en main un CD tribute, nous pouvons nous demander qui est mort cette fois-ci ? Rassurez-vous, personne ! Il s’agit simplement d’un album provenant de la collection Les Zut-O-Pistes sur Gazul, en l’honneur du compositeur Pascal COMELADE. Sont rassemblés 23 artistes ayant travaillé avec lui ou croisé son chemin, et dont sa musique les a touchés et inspirés. À cette occasion, ils interprètent soit des reprises de COMELADE, soit des compositions de leur cru, et dont les liens avec l’univers du catalan sont évidents. D’où ce très joli titre, Assemblage de pièces comeladiennes du plus bel effet.
Son avantage est de réunir des styles musicaux divers, les plus éclectiques, montrant ainsi la palette sonore variée du touche à tout Pascal. Nous avons essentiellement des instrumentaux, allant du pur morceau rock aux mélodies enfantines, de boîte à musique, sorties de fêtes foraines.
Entre l’énergie rock 60’s et la mélancolie automnale, ce CD peut être vu comme un pont reliant Link WRAY à SATIE (Metronit par Lionel FONDEVILLE). Nous débutons cet hommage avec une reprise de COMELADE interprétée par MY FAVOURITE SIDEBURNS ORCHESTRA : The Skatalan Logicofobism nous entraîne vers un rock tendance surf des années 1960, qui n’aurait pas laissé de marbre un groupe comme THE CRAMPS.
S’ensuit une belle composition de Pierre BASTIEN qui mêle mélancolie et sérénité et où les guitares électriques sont remplacées par un instrument traditionnel et des cuivres « wyattiens ».
Divers noms et groupes, la plupart plus souterrains les uns que les autres, vont donc se succéder. Faites votre choix ! Il y a une reprise inattendue d’un classique des STOOGES, I Wanna Be Your Dog par KAWAII, qui le revisite à coup d’instruments jouets. Nous sommes submergés par des pièces à l’esprit comeladien (la relève semble assurée) avec DIY-NOTE, WITOLD BOLIK PROJECT, CHAPI CHAPO & LES PETITES MUSIQUES DE PLUIE, mais aussi par des passages plus déconcertants : les envolées vocales de David FENECH reprenant du COMELADE, ou les étranges expérimentations ambiantes des Japonais Otomo YOSHIHIDE, Eto NAOKO et SACHIKO M).
Mentionnons aussi des moments atmosphériques avec Aether par Jac BERROCAL et Laurent CHAMBERT, sorte de rencontre entre le minimalisme, Robert WYATT et le folklore (la flûte au début de Souvenir de Vernet-Les-Bains par TOUPIDEK LIMONADE).
À côté de cela, nous notons la présence de noms qui interpellent. Des mastodontes des années 1970 sont venus aussi apporter leur contribution par un petit salut amical. Commençons par FAUST qui expédie un titre incroyable, Für Den Der Nicht Gestorben Ist, avec un texte bien décalé de Jean-Hervé PÉRON et une musique noisy, krautrock et binaire, où la basse oppressante rappelle HACKE d’EINSTURZENDE NEUBAUTEN. À l’opposé, GENERAL ALCAZAR reprend avec finesse et poésie L’instigateur du système de COMELADE. Cette version incluant piano et harmonica est très émouvante.
Bien loin des petites « mélodies naïves » (Melodeca par YEEPEE) ou des chansonnettes nostalgiques (Paganini par LES INDES NOIRES et le Love Too Soon par ORSO JESENKA qui n’égale pas la version d’origine avec PJ HARVEY figurant sur l’album de Pascal, L’Argot Du Bruit), il y a Richard PINHAS, un ami de longue date. C’est lui qui clôture cet hommage avec un inédit. Il s’agit du plus long morceau de ce disque, soit un peu plus de 12 minutes. C’est une descente planante et atmosphérique dans les profondeurs métatroniques. Pour profiter pleinement de cet appel au recueillement, il est conseillé d’écouter cette ritournelle de préférence à la tombée de la nuit.
Si vous appréciez la musique de COMELADE (pas la période électronique de ses débuts 1975/1983), cet univers particulier et triste des instruments jouets ou cette démarche voulant explorer des contrées alternatives, alors ce CD est pour vous.
Notons pour terminer que le livret voit la participation de plusieurs artistes qui signent des illustrations originales, en noir et blanc (WILLEM, MORLIGHEM, WEST…), manière de souligner l’importance du visuel dans l’œuvre d’un musicien bien singulier.
Cédrick Pesqué
Label : www.musearecords.com
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°26 – août 2009)