BEL AIR DE FORRO – Na Estrada
(Madame Bobage/L’Autre Distribution)
Le nom de Mariana CAETANO avait miroité dans les colonnes d’ETHNOTEMPOS en 2013, lorsqu’elle avait fait paraître son deuxième album Mé o Mond, dont elle est l’auteur-compositrice. Après avoir été révélée aux festival des Vieilles Charrues en 2015, elle nous revient en 2016, chanteuse d’un trio, BEL AIR DE FORRO, et ce disque, Na Estrada, dont le titre signifie : « En chemin ».
Onze titres classiques, signés Luis GONZAGA, Bastinho CALIXTO, Alceu VALENÇA, DOMINGUINHOS, Zé RAMALHO et aussi des compositeurs contemporains comme Edu KRIGER et Rodrigo MARCHEVSKY, s’enchaînent les uns aux autres, ne marquant de répit que sur la douce et lente introduction de Lamento Sertajeno.
Cette endurance dans le rythme syncopé et chaloupé, tout au long de ce disque, se présente vraiment comme un bal enregistré, et l’on peut ainsi le diffuser d’une traite lors d’une soirée dansante, si l’on veut faire la part belle à cette musique du nordeste brésilien, le forro.
D’où ce nom Forro provient-il ? Nazaré PEREIRA, auteur-compositrice brésilienne, née dans cette région, explique qu’au XIXe siècle, les colons britanniques avaient eu l’idée de créer un bal pour tous, et de le baptiser : « For All ». Les colonisés, qui ne parlaient pas anglais, avaient entendu « Forro », et ce mot-ci est resté pour désigner ce type spécifique de musique dont les racines puisent dans le bailão, le xote, la quadrille, le coco, le frevo et la ciranda.
Ainsi, au Brésil, à côté des sensuelles samba et bossa nova, existe-t-il d’autres genres musicaux, donc d’autres danses. Le forro est tonique, joyeux, et il est ici continuellement soutenu par les percussions tout en finesse de Marcelo COSTA (on en redemande !). Outre le chant de Mariana CAETANO (également comédienne) en portugais du Brésil, qui nous transporte au-dessus de l’océan, jusqu’aux Amériques, l’accordéon est tout aussi omniprésent. Celui-ci est joué avec grand talent et dextérité par Yann LE CORRE et ses partitions appartiennent d’ores et déjà au domaine des accompagnements mémorables.
Yann LE CORRE était l’invité de Bali Breizh, magazine consacré aux arts bretons, le 26 juin 2016 sur France 3 Bretagne, à 10h40. Il a ainsi retracé la genèse de cet album de BEL AIR DE FORRO : Mariana CAETANO recherchait un accordéoniste breton qui sonne forro grâce à une bonne connaissance du Brésil. Un soir, elle a entendu notre ami en fest-noz (bal de nuit), et ce fut le déclic. Une collaboration était née pour la conception de ce Na Estrada, une œuvre qui ne demande qu’à être vécue dans ses tripes et son corps par les danseurs et les danseuses, les soirs de bal brésilien ou même (pourquoi pas ?) de fest-noz, ou encore dans sa salle de bains le matin à jeun.
Qu’il est donc jouissif d’écouter et réécouter cet album de BEL AIR DE FORRO, joué par trois virtuoses ! Et quand l’été cédera sa place à l’automne, ne rangez pas ce remède, tout de suite, dans votre discothèque ; mettez-le sous le coude. Celui-ci vous sera revigorant comme un grog au cœur des Miz du (les « mois noirs », comme on dit en breton). La trépidante articulation des textes par Mariana CAETANO, évoquant celle du BREL de La Valse à mille temps, les envolées tourbillonnantes de l’accordéon de Yann LE CORRE, et la frénésie rigoureuse de Marcelo COSTA vous seront sûrement un délice si vous avez goûté cet album, l’avez jugé excellent, et le tenez – comme moi -, pour une très belle surprise à l’adresse des mélomanes ouverts sur le Monde.
Mescalito
Label : Madame Bobage
(note : en portugais, Bobage signifie « Bobard, bêtise », mais c’est de l’humour, arf, arf !)