Bonnie Prince BILLY, Nathan SALSBURG, Tyler TROTTER – Hear the Children Sing & The Evidence

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Bonnie Prince BILLY, Nathan SALSBURG, Tyler TROTTER – Hear the Children Sing & The Evidence
(No Quarter Records)

Le saviez-vous que Bonnie Prince BILLY est né un 24 décembre (1970) à Louisville (Kentucky) et que son véritable nom est Joseph Will OLDHAM ? Bon, il est vrai que ça ne veut rien dire mais quand même … Le saviez-vous, mais on ne va pas vous la faire, pas à vous, que Louisville, dont l’emblème est carrément une fleur de lys (hommage aux Bourbons ou au bourbon), et contrairement à ce qu’on pourrait penser, vu de loin, n’est pas qu’une banlieue de sa grande voisine Chicago et qu’elle compte nombre de groupes affiliés à la scène post-rock du milieu des années 90 (SLINT, GASTR DEL SOL et PAPA M entre autres) ? Saviez-vous enfin que le futur musicien a tout d’abord été un très jeune acteur, décrochant son premier rôle au théâtre de Louisville à 9 ans, et que sa première apparition d’envergure au cinéma est dans un film de John SAYLES (Matewan) en 1987 ?

Vous savez, bien évidemment, que Bonnie Prince BILLY, devenu musicien en 1989 sous les noms de PALACE BROTHERS et PALACE SONGS et PALACE MUSIC et Will OLDHAM, a décidé en 1998 de s’appeler quasi définitivement Bonnie Prince BILLY lors de la sortie de son chef-d’œuvre I See a Darkness. Vous savez qu’il a, avec ses avatars, enregistré un nombre incalculable d’albums, d’EPs, de cassettes, seul ou en collaborations les plus diverses avec toutes sortes d’artistes de tous horizons (du grunge, lofi, post rock, ballades et post-country à la Johnny CASH) américains, anglais, belges, (peu de français), qu’il a fait une reprise époustouflante d’Ostia de COIL en 2009 et d’Idumaea de CURRENT 93 en 2006, qu’il a fait des duos avec plein de monde, notamment avec Bill CALLAHAN (Blind Date Party) pendant la période Covid en 2022  et qu’il continue à un rythme soutenu (cousin d’un rythme croisé) avec son dernier titre en solo paru en 2023, Keeping Secrets Will Destroy You.

Cette fois-ci le format 2024 est différent, car la collaboration semble ne pas être partie ni initiée par Bonnie Prince mais de son compère (de Louisville également) Nathan SALSBURG, auteur de quelques albums plutôt folks instrumentaux (à la John RENBOURN) ainsi qu’un album EP avec Bonnie Prince BILLY (Beargrass Song) en 2017 et un autre un peu plus long : Three Feral Pieces en 2021, et reste une gloire plutôt locale même s’il a fait paraître en 2021 Psalms Suite de 8 psaumes chantés par lui et accompagnés à la guitare sur le label No Quarter Records.

L’idée ingénieuse de cette nouvelle collaboration entre les deux hommes (aidés en sous-main par un banjoiste et la famille OLDHAM : Ned, le frère aîné à la guitare, et Poppy Jo la fille habillée en princesse aux chœurs avec Talya, fille de Nathan) est de graver deux chansons du répertoire de LUNGFISH (groupe également un peu obscur et un peu oublié de la mouvance néo-grunge des années 2000 américaines) à leur convenance comme deux pères nostalgiques de la toute petite enfance de leurs filles respectives. Deux morceaux plutôt courts et un peu sans envergure au départ et dans la version originale, mais qui se transforment en comptines étirées sur plus de vingt minutes chacun.

Ça démarre tout doucement avec la voix de Bonnie Prince BILLY un peu en retrait sur le premier morceau, Hear the Children Sing, qui explore comme pour mieux endormir les « children fairytales » à la manière d’un DONOVAN (Bonnie Prince BILLY a chanté en 2004 une belle version de Lullaby of Spring tiré de For Little Ones, paru lui en 1968 par le troubadour en-chanteur et enchanté).

Mais Bonnie Prince BILLY, malin et jamais à court de créativité et de rouerie complice, ne s’en laisse pas conter (compter), et décide de faire de cette chansonnette un petit chef-d’œuvre bien à lui et part en crescendo nous envoûter en répétant « ad lib » les couplets et les refrains un peu ésotériques de la chanson gentillette : « Oh, the Devil is a Flower/Plucked from a Cloud » comme un mantra ou un haiku devenu comptine et image d’une berceuse pour enfant de musicien au (bon) goût de chamane domestique attentionné et surtout en extase, parti yeux fermés en ravissement et peut-être un soupçon de soulagement devant les petites paupières qui se ferment et s’abandonnent doucement.

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Ces versions extra longues revisitent à leur manière ces Songs for Little Ones et les deux amis et voisins de Louisville semblent avoir trouvé la meilleure façon et le meilleur rituel pour endormir ces (chères) minuscules têtes blondes qui parfois prennent un malin plaisir à lutter (et nous énerver aussi) et à refuser de toutes leurs forces de se lâcher et nous laisser un peu participer à la vie des « grandes personnes ».

Ces deux morceaux semblent également dire que les chansons mystiques (ou éthérées) pour les adultes et les « lullabies » pour les enfants seraient bien proches, pas besoin de faire dans l’imagerie iconique au rabais avec des « lalala », car la répétition fait le travail de l’envoûtement et les enfants ne s’y trompent jamais.

Bonnie Prince BILLY est d’ailleurs fidèle à ses propres rendez-vous, depuis plus de trente ans, même lorsqu’il s’agit de Will OLDHAM :

– 1993 : PALACE BROTHERS – There is no One What Will Take Care of You : premier album fourre-tout ;

– 1994 : Days in the Wake : mini album et premières stratégies de l’effacement avec deux chefs d’œuvres Will You Miss me When I Burn et Pushkin ;

– 2003 : Bonnie Prince BILLY – Master and Everyone : summum et sommité des 10 ans ;

– 2004 : Bonnie Prince BILLY – Sings Greatest Palace Music : joie orchestrée et maturité absolue ;

– 2013 : Bonnie Prince BILLY : sans titre 10 morceaux de lofi habités des 20 ans ;

– 2014 : Singer’s Grave a Sea of Tongues : titre un peu déceptif mais entouré de compils ;

– 2023 : Keeping Secrets Will Destroy You : retour empli de larmes des 40 ans ;

– 2024 : Hear the Children Sing the Evidence : un autre départ en douceur et l’intimité à deux.

Enfin, Bonnie Prince BILLY raconte qu’au cours d’un voyage en Inde avec sa mère, fin des années 1980, un astrologue lui aurait dit qu’il avait été un éléphant dans une vie antérieure. En effet, quoi de plus doux, ténébreux, lumineux et attentionné qu’un gentil pachyderme pour chanter ses ballades tristes sur ce mode écorché et sans amertume qui lui va si bien.

Xavier Béal

Page : https://nathansalsburg.bandcamp.com/album/hear-the-children-sing-the-evidence

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