Brian Eno, le Magicien du son – Olivier BERNARD

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Brian Eno, le Magicien du son – Olivier BERNARD
(Camion Blanc)

Près d’un bon kilo (915 g) pour une étude pointue, érudite, d’une grande acuité, emplie de révérence et de respect tout à fait hors du commun pour un artiste absolument hors des étiquettes, sauf celles qu’il s’est fabriquées, qu’il a inventées et/ou diagnostiquées depuis près de 40 ans (Here Come the Warm Jets premier album solo enregistré en septembre 1973 est sorti en janvier 1974 pour le début de la carrière véritable de l’artiste aujourd’hui âgé de… 74 ans). 

En effet, Brian ENO, dans l’ouvrage d’Olivier BERNARD, est apparu comme par magie (avec ROXY MUSIC, groupe assez novateur en 1972, dont le premier album a été magnifiquement produit par Pete SINFIELD), comme une météore incandescente, venue de sa propre planète, construite par ses soins et en décalage définitif avec l’image en fin de compte très convenue des autres musiciens du groupe. C’est lui qui étonne et détonne, vers qui les feux de la rampe convergent et ravit rapidement la vedette au chanteur (autre Bryan) qui n’aime pas ça du tout.

Après un petit tour avec le groupe (2 albums ; les meilleurs selon l’avis général : mélange de suavité et de raffinement avec une fascination du glam(our) façon Hollywood jamais vus à ce point dans le rock) et quelques tournées en Grande-Bretagne et aux États Unis fin 1972, les deux Brian en arrivent à la séparation inéluctable et notre Brian, après quelques aventures auprès de MATCHING MOLE et de Robert FRIPP décide de prendre fermement en main sa destinée.

C’est là que commencent les aventures complexes, multiformes de ce précurseur, innovant sans cesse, se déclarant et se revendiquant non musicien absolu, pionnier de la musique « ambiente », discrète, expérimentale et minimaliste depuis trois décennies et dont le compte des albums, installations, participations, productions, collaborations demeure impossible (même la bible discogs a du mal à recenser et répertorier l’ensemble de cette activité quasi permanente et toujours en éveil).

Chacun a sa part, ses idées, ses préférences ou son jardin secret au sujet de Brian ENO et comme à la Samaritaine, on trouve chez lui ce qu’on espère garder pour soi en partageant un minimum des découvertes : en effet, certains ne jurent que par sa période ROXY MUSIC et s’y arrêtent pour de bon, d’autres par ses albums chantés (les quatre de la période Island de 1974 à 1978 avec moults collaborateurs) certains se pâment sur ses musiques de films, ses productions auprès de groupes musicaux planétaires (qu’on se plait parfois à détester) : les U2, TALKING HEADS et COLDPLAY), d’autres sur ses collaborations fidèles et répétées avec Robert FRIPP, John CALE, David BYRNE et Daniel LANOIS entre autres, certains sont hypnotisés par ses interventions souveraines (sur l’album The End de NICO…) ; d’autres analysent et dissèquent ses installations, vidéos, écrits et conférences sur la musique et ses courants.

Certains voient en lui l’inventeur de l’ambient music, le créateur de liens entre la musique nouvelle, la pop et les prémices de la new/no/neo wave à New York et ailleurs, le précurseur éclairé de la world music (avec David BYRNE), etc. Tous s’accordent néanmoins sur le fait que cet artiste n’a jamais cessé de chercher, de fouiner, d’inventer, récupérer des genres existants ou non, car ce sage non musicien a également des casquettes diverses et variées, pluri disciplinaires toujours à l’affût dans les domaines de l’architecture, du cinéma, de la peinture, la mode, les parfums, les pendules, etc.

C’est son côté brillant (Brian) et désinvolte, tout en étant acharné, explorateur et hyperactif qui le fait bouger partout dans le monde (Allemagne, New York, St-Petersbourg, Japon, etc.) et surtout au bon moment en trouvant des compagnonnages déterminants : il trouvera un alter-égo en Robert FRIPP (le musicien roué et très, très doué en guitare), il fera renaitre David BOWIE (le musicien vaguement caméléon) avec la trilogie berlinoise, il partira à l’assaut de la world music avec David BYRNE (le musicien mélancolique et rusé) il entourera John CALE (le musicien taciturne, obstiné et déterminé) à plusieurs reprises sur des albums chantants, il entrera sur la pointe des pieds dans l’univers de James BLAKE (le musicien fragile) ; il tombera sous le charme de CLUSTER et HARMONIA (les musiciens allemands sages) ; il fraiera avec des cinéastes plutôt distingués (LYNCH, WENDERS et Derek JARMAN) sans jamais y perdre son âme et sans leur imposer ses « lubies artistiques  et stratégiques » (le fameux jeu de 113 cartes Oblique en forme de jeu de l’Oie proche du Yi King aux maximes incertaines inventées en duo par ENO et Peter SCHMIDT).

 Tout cela est donc le sujet du gros, très gros livre d’Olivier BERNARD, sorti chez Camion Blanc en 2022 (l’éditeur qui n’a pas peur de vous délester de 36 €) épais de plus de 600 pages pour ce qui s’avère être (en français) la somme définitive sur la carrière de Brian ENO par un auteur récidiviste (il a en effet publié chez Camion Blanc en 2013 une Anthologie de l’ambiant/ambient – d’Erik Satie à Moby, autre pavé de 801 pages (tiens 801…) qui fait le tour complet de toutes les tendances du genre et amalgame parfois les différentes tendances de l’ambiant (par peur d’en oublier peut-être) pour passer parfois la frontière de l’ambi-valent. 

À cet effet, l’auteur, donc prend son sujet par le tout début, ce qui a l’avantage de poser les bases du problèmes et d’esquisser le pourquoi et le comment de la destinée de l’artiste. Le petit ENO (né en 1948 dans le Suffolk) est donc de par son milieu et son environnement forcé d’en appeler aux démons artistiques de tout genre et se voit plutôt peintre, architecte, en tous cas pas musicien puisque nous apprenons très tôt qu’il ne sait ni lire ni écrire la musique et qu’il ne joue d’aucun instrument (peut-être la chorale de son enfance le titille sur son chant) et on voit son décollage de la ville de Hull vers Londres là où sa carrière retentissante adviendra quelques années plus tard avec ROXY MUSIC et surtout à partir du moment où il quitte le groupe et publie son premier effort solo Here Come the Warm Jets tout en collaborant en parallèle avec Robert FRIPP sur No Pussyfooting composé de deux longs morceaux (un par face de vinyl) instrumentaux  et inaugurant la musique ambient avec sa suite en 1975 Evening Star.

ENO sera de toutes les aventures d’artistes décalés de la famille Island entre 1974 et 1978 ainsi que des dissidents de la musique progressive de l’époque : MATCHING MOLE, Robert WYATT notamment. La deuxième phase de cette carrière sera l’épisode berlinois appelé également « la trilogie BOWIE » qu’ENO traversera avec un peu de distance et toujours aux côtés des orfèvres locaux (CLUSTER et les groupes de krautrock) ainsi que la création de la collection d’artistes expérimentaux, obscurs en se servant du studio mis à sa disposition par Island comme d’un véritable instrument.

Cette collection de 5 albums parus la première année (1975), Gavin BRYARS, Harold BUDD et Michael NYMAN entre autres, sera augmentée par 6 autres albums entre 1976 et 1978 date à laquelle le label s’arrête définitivement) sur son label (pas cher) « Obscure » avant l’autre série des ambient records (Ambient 1 : Music for Airports (1978), Ambient 2 : The Plateaux of Mirrors (1980), Ambient 3 : Day of Radiance (1980), et Ambiant 4 : On Land (1982) sorte de compilation et préfiguration des « field recordings » et de l’aspect sombre de l’ambient poursuivi en 1983 par l’album de la collaboration entre Brian et Roger ENO et Daniel LANOIS : Appolo – Atmospheres and Soundtracks, musique d’un film documentaire d’archives de la NASA et véritable « space music » (musique céleste et/ou lunaire selon les uns et les autres)  comme une ode aux espaces galactiques avec l’alternance de morceaux clairs et apaisés (Ascent, Drift, Silver Morning) et morceaux sombres (dark) comme Under Stars I et II et Stars.

Pourquoi insister sur cette période des albums de 1974 à 1978 ? Elle est en fait la plus riche et la plus englobante car se dessine une toile d’araignée autour des musiciens qu’ENO a « débauchés » ou rassemblés autour de ses projets et elle est la plus diverse (en collaborations et en découvertes, ENO semble avoir eu carte blanche de la part de ses maisons de disques (Island et EG) avant de restreindre ses activités (Opal et All Saints Records) par la suite.

Le livre d’Olivier BERNARD est très fouillé et n’oublie rien ni personne, privilégiant quelques faits et laissant de côté d’autres (il est vrai que l’histoire est toujours éclairante à postériori et que les affinités d’un jour peuvent s’émousser avec le temps et les complices pour la vie peuvent se fâcher, se haïr et ne plus se parler pour longtemps). Il nous emmène dans ce déluge incessant d’activités de cet artiste boulimique mais sélectif, et ce catalogue semble ne jamais vouloir s’arrêter, toujours assorti de multiples entrées et cela a d’ailleurs du être une vraie gageure fastidieuse de compiler, empiler, plier et déplier, ranger, classer et trier les multiples désirs (et réalisations) d’idées (parfois fixes), de stratégies (obliques) , de manies parfois devenues des marottes, de rencontres et d’expériences voulues et assumées par le « non musicien » magicien toujours en renouvellement.

Brian Eno, le Magicien du son fourmille, foisonne et ruisselle tout comme son sujet, maitrisant le maelström exponentiel des œuvres du « magicien » ;  il explore et se veut en totale complétude avec l’ensemble tâchant de ne rien laisser de côté, faisant se déployer une sorte de gigantesque toile de réseaux et de liens autour du maitre, oubliant parfois de prendre du recul ou de la distance et du relief avec son sujet et vis à vis de la production parfois tous azimuts de l’artiste (il y a bien eu quelques ratages, mais on est pas là pour en faire la « minimale » liste).

Pour revenir une fois encore sur la période 1974 – 1978 (dite la période chantée) celle qui utilisera le studio comme un lieu d’expérimentation et de création, et au cours de laquelle ENO créditera ses musiciens d’instruments aux noms divers et variés, comme dans un mélange entre Alice au pays des merveilles et un pays de musiques secrètes appelé « Absurdie » : l’anchor bass, les castanet guitars, et de toutes les guitares de Robert FRIPP (Whimshurst, Wimborne, Restrained, etc. explications en page 105 du livre) des pianos incertains sur le chef-d’œuvre de 1975 Another Green World) clé vers la « Discreet Music » et début du véritable magicien éminence grise grand manipulateur (au sens noble du terme) des sons et en route  vers son apogée (Thursday Afternoon 1985) paru uniquement en CD afin qu’il puisse être écouté (près de 70 minutes) d’une seule traite sans interruption.

Avec sa très riche bibliographie, ouvrages, articles, vidéographie webliographie, interviews radios et conférences longue de plus de 25 pages, Brian Eno, le Magicien du son est assorti de douze interviews de proches d’ENO (l’auteur leur demande à tous de raconter une anecdote à propos de leur collaboration avec le magicien ingénu et parfois énigmatique : celle de Leo ABRAHAMS, son guitariste complice [page 666] à propos de d’une performance publique à l’opéra de Sydney et des concerts donnés pour Drawn for Life étant assez savoureuse). Le livre, donc, est décidément et définitivement votre compagnon des prochains jours et l’indispensable livre de l’été et comme dit parfaitement son quatrième de couverture : « Un livre extrêmement bien documenté, recélant des pépites…, nous n’en dirons pas davantage, car il vous faut découvrir par vous-même le contenu de ce trésor ».

Six questions à Olivier BERNARD (août 2022) 

Tout d’abord, raconte nous ta rencontre avec ENO (la découverte de sa musique, pas la personne) 

Cela remonte à loin, durant mes vertes années ! Cette rencontre avec le personnage et sa musique a été progressive. Le tout premier titre écouté a été Deep Blue Day, sur la BO de Trainspotting, qui m’avait été offerte par ma sœur. Lorsque j’ai commencé à me passionner pour la musique et en particulier le rock, son nom apparaissait fréquemment, déjà je ressentais cette âme d’« éminence grise ». Son physique contribuait aussi à propager cette aura de « maître zen ». Son regard était doux et insaisissable, il y avait quelque chose de fascinant. Mais je me suis alors surtout intéressé à son travail sur l’ambient. J’ai été happé par le concept lorsque j’étais lycéen, à travers des side-projects de musiciens de métal. J’étais connecté à l’esprit de ce son planant, cela correspondait à mon caractère. J’ai emprunté d’abord en bibliothèque la version de Music For Airports par BANF ON A CAN, avant de découvrir l’original !

La série Ambient a été une véritable révélation, surtout les deux premiers disques. Tout est dit ! La répétition, l’atmosphère, les textures calmes… Un coup de génie ! Et ces pochettes ! Toutes sur le même modèle, ENO a parfaitement travaillé son concept. Néanmoins, j’apprécie un peu moins On Land, trop dark et expérimental à mon goût par moments, même si certains morceaux sont des chefs-d’œuvre. J’ai mis un peu de temps à vraiment m’immerger dans Discreet Music ; un autre choc ! Et puis, je suis devenu fou de la ballade By This River (dans Before And After Science), entendue pour la première fois lorsque j’effectuais un Service volontaire européen en Estonie. À partir de la fin des années 2000/début des années 2010, je me suis plongé dans l’ambient, ce qui m’a amené à proposer le projet de l’Anthologie à Camion Blanc. En parallèle, je leur avais déjà soumis l’idée de la biographie d’ENO. Forcément, je me suis mis à collectionner ses disques et à amasser un grand nombre d’informations le concernant. J’ai débuté le travail sur ce nouvel ouvrage en 2014.

Le sous-titre de l’ouvrage, « magicien du son » (ailleurs : artisan, ébéniste, etc.), comment t’est-il venu ?

 Ce sous-titre m’est apparu comme une évidence. C’est un qualificatif qui lui a souvent été donné durant sa carrière (parmi beaucoup d’autres). Dès ses années avec ROXY MUSIC comme claviériste, il a été perçu comme un manipulateur sonore absolument novateur. Et on peut même remonter plus loin ! Lorsqu’il était étudiant en écoles d’art, il s’est intéressé au pouvoir des magnétophones et à la façon de modifier des enregistrements (comme celui d’un abat-jour, ressemblant à celui d’une cloche, changeant les vitesses, pour donner une impression de multiplicité). Très tôt, il va se saisir des synthétiseurs pour en tirer des « sons inouïs » (comme dirait VARÈSE). Il comprend rapidement que ces nouveaux instruments vont révolutionner la musique. Mais il va s’en servir de manière intelligente, explorer totalement leur potentiel, contrairement aux dieux du rock symphonique qui ne les voyaient que comme des sortes d’orgues électroniques. Il rejette justement la virtuosité, se déclarant « non-musicien ». Il met en place des systèmes, basés sur la répétition. Sa passion pour la cybernétique s’exprime pleinement. Il s’inspire des préceptes de la musique minimaliste et expérimentale, un milieu qu’il connaît bien, pour créer un genre électronique à part : l’ambient, et le populariser grâce à sa réputation.

Ainsi, à partir du milieu des années 1970, il est à la fois musicien, conseiller musical et producteur. BOWIE va être charmé par son talent et fera appel à lui pour sa célèbre « trilogie berlinoise ». Il utilise les fameuses « Stratégies obliques » pour stimuler la créativité et tente beaucoup de choses déroutantes pour sortir des sentiers créatifs battus. Ainsi, lors de l’enregistrement de Lodger, il demande au groupe de jouer des accords qu’il aime dans un ordre arbitraire, désirant incorporer des principes aléatoires dans la conception de l’album. Ce qui, à terme, aura le don d’agacer les musiciens chevronnés de BOWIE ! Il a une vision imagée de la musique et des sons, à l’encontre totale de tout académisme. En tant que producteur, il parvient toujours à révéler aux artistes avec lesquels il collabore un chemin musical insoupçonné, en leur faisant faire un pas de côté par rapport à leur routine habituelle.

 Y a t’il un opus d’ENO que tu apprécierais moins ?

Sans réellement être original, je citerais The Drop, son album solo paru en 1997. Déjà, la pochette est hideuse ! Ensuite, ENO a voulu faire du « jazz que personne n’a jamais demandé » et pour cause ! Je le trouve terriblement mal inspiré, sans substance, vaguement expérimental, avec un mauvais son. Rien ne semble juste dans cet opus, on ne sait pas trop quelle était la direction prise. Même sentence pour Nerve Net, un fourre-tout sonore. ENO semble alors vouloir être tendance, au risque de perdre son originalité. Des disques symptomatiques des années 1990, où la technologie occupait beaucoup l’espace médiatique. ENO s’est alors un peu perdu artistiquement, plus occupé par ses installations, Microsoft et la musique générative, que par la création musicale de qualité. Mais c’est aussi le moment où il est officiellement célébré comme producteur (il gagne deux Brit Awards), notamment grâce à son travail monumental avec U2.

Est-ce qu’il te semble qu’ENO pourrait collaborer avec des musiciens actuels ?

ENO peut collaborer avec tout le monde ! (rires). Sa carrière le prouve. Il a fait constamment de grands écarts, on le retrouve aux côtés de MATCHING MOLE, GENESIS, Robert CALVERT, NICO, BOWIE, DEVO, TALKING HEADS, EDIKANFO, Jon HASSELL, LARAAJI, Michael BROOK, CARMEL, SLOWDIVE, INXS, THE GIFT, James BLAKE, Anna CALVI, Jane SIBERRY, DIDO, Sinéad O’CONNOR, Rachid TAHA, Geoffrey ORYEMA… La liste est tellement longue ! Il met son talent auprès de personnes très très différentes, c’est une grande force ! C’est un esprit curieux, toujours avide de nouveautés et de challenges.

Je parle dans le livre de sa rencontre avec le musicien australien Ben FROST, lors du Programme Rolex de mentorat artistique. Il est définitivement un guide pour de jeunes artistes. Il pourrait en priorité travailler avec des personnes dans le secteur de l’ambient ou du post-rock, comme Tim HECKER, ONEOHTRIX POINT NEVER, Marsen JULES, Christina VANTZOU, A WINGED FACTORY FOR THE SULLEN, Ólafur ARNALDS, MOGWAI ou MONO. Qui ne rêverait pas sinon, d’une collaboration avec MOBY, fan transi de toujours, ou disons CHELSEA WOLFE ? Le jeu est ouvert ! Ces artistes ont en commun d’être des chercheurs sonores, mettant en place des atmosphères. Avec toujours cette envie de creuser dans des directions audacieuses, parfois dissonantes et expérimentales ou alors pleinement apaisées. Les textures d’ENO pourraient faire des merveilles et bonifier certains aspects de leur musique de manière inattendue.

Étant donné que sa discographie solo s’arrête à Finding Shore (2017) dans le livre, y a t’il du nouveau en 2022 : Foreverandevernomore qui va paraître le 14 octobre ?

Brian a commencé fort la nouvelle décennie en sortant avec son frère Roger l’exceptionnel Mixing Colours. Ils ont d’ailleurs donné un magnifique concert au pied de l’Acropole d’Athènes l’an dernier. En solo, il revient en force avec ForeverAndEverNoMore, qui paraîtra le 14 octobre prochain chez UMC. Le single There Were Bells est déjà disponible. Il s’agit d’un morceau justement écrit par ENO pour le live grec mentionné. Cet album est un plaidoyer pour sauver notre planète. Il compte comme participants les fidèles Jon HOPKINS et Leo ABRAHAMS, ainsi que son frère. Plus que jamais, ENO reste un citoyen engagé. Sinon, il présente cet été une nouvelle exposition-installation son et lumière à Kyoto, au centre Chuo Shinkin Bank, intitulée « BRIAN ENO AMBIENT KYOTO » (tout simplement !).

Lors de Dokument II au Danemark en 2020, ENO, parlant de la création artistique, indique que « les enfants sont créatifs et que l’école cherche à nier leur créativité… » le remède étant pour lui : « disobediance and masturbation » ; est-ce qu’en 2022 on peut dire que ENO est l’artiste de la désobéissance absolue ?

ENO s’est toujours montré rétif à la tradition. Issu d’une école d’art très progressiste, Ipswich, il a toujours voulu tracer un sillon novateur, sans se soucier des codes. Avec ROXY MUSIC, il manipule l’EMS VCS3 pour sortir des sons incroyables sans connaître la musique. Il a créé ses propres codes, en se servant à merveille des avancées technologiques. Il le confesse d’ailleurs ! Sa carrière est complètement redevable de la technologie. Surtout, il y a une chose qu’il a toujours su depuis qu’il est enfant : il n’aurait jamais un travail standard. Cette révélation lui est venue lorsqu’il voyait son père rentrer épuisé après sa journée de boulot de facteur. Dès qu’il a commencé à s’intéresser à l’art (la peinture d’abord), il savait qu’il irait dans cette direction. Il s’est d’ailleurs insurgé contre les restrictions budgétaires du secteur artistique en Angleterre et contre un système libéral qui estime que cela ne sert à rien. En cela, on peut le voir comme un prophète de la désobéissance, car il valorise l’esprit critique et créatif contre les normes conventionnelles imposées par la société. Il prône également une grande tolérance et plus d’égalité. ENO est profondément de gauche, une figure actuelle de la contestation contre toutes les dérives engendrées par un capitalisme sauvage : guerres, désastre écologique, discriminations…

Chronique et entretien réalisés par Xavier Béal

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