BULGARIAN VOICES ANGELITE, HUUN-HUUR-TU & MOSCOW ART TRIO : Histoires de montagnes et Chants des plaines

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BULGARIAN VOICES ANGELITE, HUUN-HUUR-TU & MOSCOW ART TRIO

Histoires de montagnes et Chants des plaines

Que peut-il y avoir de commun entre un trio jazz-folk russe (MOSCOW ART TRIO), un quartet folk-trad’ (HUUN-HUUR-TU) de la République autonome de Touva, située à la frontière de la Mongolie, et un chœur bulgare (ANGELITE) ? En cherchant à les réunir autour d’un même projet musical, Mikhail ALPERIN, compositeur né en Ukraine et élevé en Moldavie, ne s’est pas posé la question en ces termes, c’est le rêve de la réponse qui l’a motivé. Selon lui, il y a forcément des liens entre ces différentes traditions, le tout est de savoir comment articuler tous ces éléments en un ensemble cohérent.

Auteur de plusieurs disques avec le joueur russe de cor anglais Arkady SHILKLOPER et le chanteur russe (et clarinettiste à ses heures) Sergey STAROSTIN, Mikhail (ou Misha) ALPERIN a progressivement élaboré son projet de réunion des trois cultures russe, touva et bulgare, et la création de son groupe MOSCOW ART TRIO est une conséquence quasi directe de l’aboutissement dudit projet, illustré par deux disques parus sur le label allemand Jaro.

La réunion du MOSCOW ART TRIO, de HUUN-HUUR-TU et de ANGELITE s’est pour la première (et dernière ?) fois produit sur une scène française au festival Babel de Strasbourg à l’été 2000. C’était l’occasion unique pour ETHNOTEMPOS / RYTHMES CROISÉS de s’entendre raconter de bien singulières histoires de montagnes rythmées aux chants du massif balkanique et des plateaux sibériens.

Genèse discographique : de la prière au rêve

Le projet de réunion des musiques folkloriques russe, touva et bulgare opéré par Mikhail ALPERIN ne s’est pas fait en un jour. L’idée trottait dans la tête du compositeur et arrangeur ukrainien quelque temps avant la parution des deux disques qui ont finalisé la rencontre (Fly, Fly My Sadness, Mountain Tale). On en trouve ainsi des traces préliminaires dans deux précédents disques de Misha ALPERIN, Prayer et Folk Dreams.

Enregistré en 1991, Prayer est un disque séminal à double titre. C’en effet le premier sur lequel Mikhail ALPERIN, Arkady SHILKLOPER (déjà auteurs de deux disques en duo) et Sergey STAROSTIN jouent ensemble. Détail prosaïque, ce CD a fait l’objet de différents pressages : d’abord sur le label indépendant russe (le premier du genre…) RDM en 1993, puis en France (!) sur Silex en 1994, et enfin sur le label allemand JARO en 1994. Les trois pressages présentent chacun un ordre légèrement différent pour les compositions ainsi qu’une une pochette différente ; et si les deux premiers créditent l’album aux trois musiciens, le dernier ne fait apparaître que le nom Mikhail ALPERIN sur la pochette. Pas un seul ne mentionne le MOSCOW ART TRIO, signe que celui-ci n’était pas encore officiellement formé, ou que son nom n’avait pas encore été trouvé.

Mais quand bien même ce disque n’est pas crédité au MOSCOW ART TRIO proprement dit, l’esprit et la démarche musicale de celui-ci s’y manifestent entièrement (Troïka, Talk for Three), et certaines pièces figureront souvent au répertoire des concerts du trio (Singing Wood, Talk for Trio).

Surtout, c’est dans ce disque – le plus facile à trouver en France du fait de sa licence à Auvidis -, et plus particulièrement dans le morceau éponyme, qu’ALPERIN explore les relations entre la tradition harmonique des chœurs russes et celle des chants de gorge du pays de Touva. Prayer – Part. 1 fait effectivement entendre conjointement le RUSSIAN FOLK ENSEMBLE et le TUVA FOLK ENSEMBLE entonner cette prière à caractère œcuménique.

Mikhail ALPERIN dit à propos de cette pièce : « Il m’est venu à l’esprit que, chacun à leur manière, ces deux chœurs très différents incarnaient des traditions populaires très anciennes, puisant leur authenticité dans la même aspiration fondamentale à la méditation, commune à tous les peuples de la Terre. Je me suis procuré deux magnétophones et j’ai écouté les deux chœurs en même temps, tout en modelant la vitesse des appareils. Et le résultat était là. » (sic)

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Folk Dreams a été enregistré l’année suivante (soit en 1992) et est paru sur le label JARO en 1995. Une fois de plus crédité au seul Mikhail ALPERIN du fait que c’est lui qui a composé tous les morceaux, il n’en fait pas moins intervenir le corniste Arkady SHILKLOPER et le chanteur et souffleur Sergey STAROSTIN, soit le MOSCOW ART TRIO au grand complet mais non encore présenté comme tel. Sa première parution discographique en tant que tel se fera dès 1996 avec la sortie du CD Hamburg Concert, qui contient une version du dernier morceau de Folk Dreams, Wedding in a Wild Forest.

Quoi qu’il en soit, il contient sept compositions d’ALPERIN dont quatre sont basées sur des thèmes traditionnels russes et moldaves. Ces dernières affichent le désir de « Misha » de donner corps à des rêves folkloriques qui ne tiennent aucun compte des barrières que l’on a coutume de placer entre le folklore, le classique et le jazz et de les mêler au contraire de façon à créer une unité organique. On remarque ainsi la participation, sur trois titres, d’un chœur folklorique moldave, le RUSSKAJA PESNJA, dirigé par Nadezhda BABKINA.

Comme il l’explique lui-même, « de tels rêves se rattachent à ma vision multiculturelle d’enterrements transformés en mariages, de frontières effacées entre le raga et l’opéra, entre l’Est et l’Ouest, entre le compositeur et l’improvisateur et entre les larmes et les rires » (sic).

Folk Dreams poursuit donc l’exploration par ALPERIN d’une vision syncrétique, bien que plus recentré cette fois sur un matériau musical (et vocal) aux racines russes mais projeté dans un espace fascinant d’amplitude émotionnelle qui préfigure celui qui prendra forme dans la réunion du MOSCOW ART TRIO avec ANGELITE et HUUN-HUUR-TU.

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La tristesse en partage

C’est avec le disque Fly, Fly My Sadness (paru en 1996) que se concrétise la vision de Mikhail ALPERIN d’une « famille » musicale dont la mère serait bulgare ; le père, de Touva ; la fille, russe ; et le fils, juif (Misha lui-même). Après qu’ALPERIN a collecté divers matériaux musicaux folkloriques, l’image de la mère a mué en un chœur bulgare, représenté par le groupe vocal ANGELITE, dirigé par Nikolai MERDJANOW et composé de vingt-quatre chanteuses, et celle du père en un ensemble de chanteurs diphoniques de Touva, incarné par les trois chanteurs et musiciens de HUUN-HUUR-TU (Kaygal-ool KHOVALYG, Anatoly KUULAR et Sayan BAPA).

Introduit par le bourdon des vièles de HUUN-HUUR-TU, le morceau éponyme d’introduction, inspiré d’une chanson folk de Touva, s’épanouit en un somptueux et solennel blues des steppes (Kaigal-ool KHOVALYG) sur lequel la voix de la soliste bulgare Sonja IOVKOVA réfléchit en miroir sa mélancolie céleste. Le décor est planté, le scénario est posé. C’est bientôt ANGELITE tout entier qui répond aux mâles incantations de HUUN-HUUR-TU en entonnant un chant régional bulgare. Les deux mélodies finissent par se confondre, confectionnant comme un tapis volant pour une âme languide qui ne demande qu’à évacuer son chagrin par la voie des airs. « Fly, Fly My Sadness… »

L’immersion se prolonge avec Legend, où les trois Touvas enfoncent le clou de l’exploration viscérale en usant de leur impressionnante technique vocale dite « kargyraa », la résonance de leurs voix graves servant d’écrin surréel à un chant choral d’ANGELITE. On assiste à un fabuleux processus de profondeur ascensionnelle qui plonge l’auditeur en état de lévitation… Mikhail ALPERIN fait alors une incursion au mélodica qui ressemble à une errance dans le désert prolongée par les « mirages vocaux » d’ANGELITE.

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La composition suivante, Wave, est construite sur un bien curieux mouvement en spirale créé par les voix d’ANGELITE qui semblent passées à l’envers et en boucle, créant cette impression de vague se retournant sur elle-même, sur laquelle un chant de Sergey STAROSTIN infuse ce qu’il faut d’ « âme russe » bien rustique au beau milieu.

Après cette expérience vocale quelque peu déstabilisante par tant de « spectralité », Lonely Bird diffuse son aura de lamentation universelle, une voix masculine (Anatoly KUULAR) et une voix féminine (Sonia IOVKOVA) solistes exprimant à tour de rôle l’ampleur de leur déréliction à travers les abyssales textures diphoniques de HUUN-HUUR-TU et les échos séraphiques d’ANGELITE.

Le melodica de Mikhail ALPERIN trace alors le terrain de Mountain Story de son inflexion lancinante, agrémentée des vièles non moins grinçantes de HUUN-HUUR-TU, qui fait également étalage de son chant diphonique « khöömei », qui fait entendre deux sons simultanés, l’un très bas et l’autre plus « flûté », alors qu’ANGELITE tisse sa toile nuageuse.

Entièrement fondé sur les masses vocales touva et bulgare auxquelles s’ajoutent quelques envolées solistes et interventions instrumentales, Fly, Fly My Sadness épanouit le rêve multiculturel de Misha ALPERIN en une émouvante cérémonie dont on ne sait trop si elle est mortuaire ou si elle célèbre quelque heureuse communion. Le mariage des cultures se pare sans doute de couleurs sombres, mais néanmoins annonciatrices d’une révélation lumineuse.

Et le MOSCOW ART TRIO là-dedans ? On aura compris qu’il n’intervient pas en tant que tel du fait qu’Arkady SHILKLOPER ne participe pas à ce disque, tandis que Misha ALPERIN y intervient davantage au melodica et aux cloches qu’au piano, et se tait. Son nom ne figure même pas sur la pochette du disque, alors que c’est lui qui a composé tous les morceaux, même si certains s’appuient sur des airs traditionnels. Est-ce ALPERIN qui est trop modeste ou la maison de disques qui est trop négligente ? Toujours est-il que cet effacement individuel tend à mettre en valeur la dimension œcuménique et familiale du propos.

Là-haut sur la montagne…

L’impressionnante réunion des voix bulgares d’ANGELITE et de HUUN-HUUR-TU arrangée par Mikhail ALPERIN a donné lieu deux ans plus tard (1998) à la parution d’un second volet discographique, Mountain Tale, publié comme le précédent par le label allemand JARO Medien. Outre les dix-neuf chanteuses d’ANGELITE et leur conducteur Valentin VELKOV, HUUN-HUUR-TU, devenu un quartet avec la présence d’Alexey SARYGLAR aux percussions et chant, le MOSCOW ART TRIO y apparaît cette fois au grand complet, c’est-à-dire avec Arkady SHILKLOPER au cor anglais et au bugle, en plus de Sergey STAROSTIN qui, outre le chant, joue aussi de la clarinette et autres vents, et Mikhail ALPERIN, toujours au melodica, au piano, aux cloches de vache et au chant. Au total, le projet compte donc 27 membres !

L’idée de Misha ALPERIN en convoquant son trio avec tout son panel instrumental est de prolonger l’expérience définie dans Fly, Fly My Sadness, soit de se concentrer sur les traditions musicales des cultures représentées, tout en intégrant des éléments rythmiques et harmoniques contemporains et de les traiter à égalité avec les éléments folk. Cette idée change la donne et, surtout, le ton de l’aventure musicale initiée par Fly, Fly My Sadness. Il n’est plus question ici d’une rencontre spirituelle entre les voix féminines bulgares et les chants caverneux touvas donnant lieu à une communion cérémonielle qui creuse l’obscurité pour avancer vers la lumière. En ce sens, Mountain Tale n’est pas une redite ni une réplique de Fly, Fly My Sadness, et ceux qui s’y attendaient ont dû tomber de haut.

L’impression générale à l’écoute de cet album est que le rapport des forces en présence s’est modifié. En effet, une majorité des pièces de Mountain Tale sont conçues comme des croisements entre le trio russe et le chœur bulgare dans des déclinaisons variées, tandis que le quartette touva fait fonction de troisième roue du carrosse, voire d’un invité occasionnel.

Ainsi le disque s’ouvre-t-il sur un morceau intimiste et délicat (Midnight Tale) mettant en valeur deux voix solistes d’ANGELITE interprétant un chant bulgare mélancolique, sur lequel Sergey STAROSTIN introduit un autre chant, en russe bien évidemment. La combinaison des mélodies et des langues se fait sans forcer, comme une évidence.

Ensuite, le cor anglais d’Arkady SHILKLOPER démarre Sunrise sur un ton mi-serein, mi-triste, avant que six chanteuses bulgares ne prennent le devant, et que Sergey STAROSTIN s’immisce avec un autre chant. Un peu plus loin, le MOSCOW ART TRIO s’affiche au complet avec ses cor, bugle, clarinette et mélodica sur New Skomorohi, un thème assez enjoué et relevé dont le chant est interprété par le chœur ANGELITE en langue… russe ! Sur Sad Harvest, où ANGELITE interprète un autre chant folk bulgare, Misha ALPERIN tente de se frayer un chemin au piano sur un mode ténu et compassé qui plombe l’atmosphère.

C’est seulement avec Early Morning with my Horse que le quartette touva HUUN-HUUR-TU entre en lice pour interpréter un de leurs chants folkloriques au rythme « chevalin », avec luth et guimbarde, que viennent agrémenter de leurs envolées harmoniques quelques voix bulgares. Mais plutôt que de participer à cette chevauchée matinale, le trio russe a manifestement préféré faire la grasse matinée…

Arrivés à la moitié de l’album, on réalise non seulement que le MOSCOW ART TRIO se trouve plus d’affinités avec l’ensemble bulgare qu’avec le quartette touva, mais surtout que les trois ensembles russe, bulgare et touva n’ont pas encore été réunis au sein d’une même pièce.

C’est enfin chose faite avec Mountain Fairytale, une composition fondée sur un chant d’appel du bétail provenant du folklore norvégien (la Norvège étant devenue la Terre d’adoption de Misha ALPERIN depuis le début des années 1990). Cloches de vache, appels haut perchés, croassements de corbeaux, hululements de chouettes et chants de gorge à la cantonade plantent un décor champêtre sur lequel ANGELITE et Sergey STAROSTIN enchaînent leurs chants et finissent par les mêler. C’est à la fois cocasse et prenant, en tout cas fort singulier.

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La fusion entre les voix russe, bulgare et touva se poursuit sur Dancing Voices, une composition spontanée fondée sur un ostinato rythmique. Là encore, le rendu est singulier et séduisant, mais tout cela est loin de rivaliser avec la force émotionnelle des compositions de l’album précédent.

Du haut de ses douze minutes, on pouvait s’attendre à ce que le Grand Finale nous plonge à nouveau dans une rencontre syncrétique porteuse de charge spirituelle intense. Mais la pièce prend en fait la forme d’une suite en quatre parties sur lesquelles les trois ensembles font valoir leurs caractéristiques individuelles à tour de rôle. Les croisements n’y sont qu’occasionnels et n’impliquent toujours que deux sur les trois ensembles en présence : HUUN-HUUR-TU y reprend l’un de ses « tubes » (Aa-Shu Dekei-Oo) sur lequel vient se greffer un chant de Sergey STAROSTIN ; un chant d’ANGELITE y est sobrement accompagné par une percussion ; et quand le MOSCOW ART TRIO se lance sur la piste sur un mode rythmique soutenu, les voix bulgares y font quelques circonvolutions vocales, et… ça s’arrête là ! À aucun moment les trois forces ne se joignent pour un climax jubilatoire, ce qui prodigue une certaine frustration. Quant à l’Epilogue, il ne fait que rappeler le thème du premier morceau, Midnight Tale, et le « bonus track » (300 Pushki) n’est autre qu’un chant tragique interprété uniquement par ANGELITE.

À l’arrivée, Mountain Tale révèle à plusieurs endroits des instants de pure beauté dans ses arrangements « cross-culturels », mais ne provoque assurément pas le même envoûtement que Fly, Fly, My Sadness, qui fait figure de révélation musicale indépassable. C’est tout à l’honneur de Mikhail ALPERIN d’avoir cherché à décaler le propos initial sur une voie adjacente, provoquant la dichotomie entre musique contemporaine et musiques champêtres pour mieux l’effacer ; mais comme on l’a vu, c’est le plus souvent l’une des composantes folk qui s’efface.

Si les membres du MOSCOW ART TRIO ont ainsi trouvé plusieurs terrains d’entente ou de jeu avec la matière vocale d’ANGELITE, les compétences de HUUN-HUUR-TU, ainsi que son univers, ont été moins exploités. Par rapport à l’album précédent, l’usage du chant diphonique et de la vièle morin-khuur, qui contribuaient à l’atmosphère quasi gothique de certaines parties de Fly, Fly My Sadness, y est plus réduit, au profit de chants folkloriques touva plus palpables et terre-à-terre (et au trot !). De même, les moments de communion vocale entre Bulgares et Touvas y sont réduits à une portion congrue, et moins intenses que sur l’album précédent.

De fait, Mountain Tale donne moins l’impression de vouloir transporter l’auditeur dans une autre dimension musicale, mais juste d’entrelacer les cultures et de procéder à des métissages raffinés ou juste polis. Donner une suite à Fly, Fly My Sadness comportait des risques ; mais c’est tout à l’honneur des différents membres de la « famille » d’avoir repris la route sur un chemin encore plus escarpé… un chemin de montagne, justement, dont les paysages méritent toutefois le détour.

Entretien avec Mikhail ALPERIN,
Sergey STAROSTIN et HUUN-HUUR-TU

Habituellement, le MOSCOW ART TRIO, les VOIX BULGARES « ANGELITE » et HUUN-HUUR-TU se produisent séparément. Leur rencontre était plutôt inattendue. Qu’est-ce qui est à l’origine de ce projet ?

Mikhail ALPERIN : C’est ma fantaisie personnelle. J’étais dans ma maison en Norvège quand j’ai fait cette sorte de rêve en me disant que cela pourrait déboucher sur quelque chose d’intéressant sur le plan artistique. Ça fait de nombreuses années que je m’intéresse à ce type de question. Après tout, on habite tous sur cette même Terre, dans le même monde et on a tous un père et une mère. Bien sûr, certaines personnes considèrent cela comme théorique, il fallait donc le concrétiser, le voir pour le croire dans la pratique musicale. L’ensemble des projets (pas seulement celui-ci) sur lesquels je travaille tournent tous autour de ce concept auquel j’adhère qui est « on a tous un père et une mère ». À travers ce projet, vous avez pu constater les uns les autres que dans la réalité on est tous rassemblés par un dieu. Toutes les musiques folkloriques, populaires, du monde entier ont la même source. Le fait est qu’on ne peut toujours obtenir le résultat qu’on espère et il faut prendre des exemples très clairs et ne pas se tromper sur le choix de ceux que l’on rassemble.

Des contrastes harmonieux

Alors pourquoi avoir choisi de rassembler des chants russes, bulgares et touvas ? Y avait-il à l’origine des liens entre eux ?

MA : Je suis moi-même un Juif qui a habité la Russie et qui parle russe. Ma mère habite en Israël, ma fille parle avec moi en norvégien et ma famille est de l’Ukraine. De plus, j’ai habité pendant longtemps en Moldavie ! De cette « salade » dont je suis issu, j’ai toujours ressenti un lien très fort avec la musique de l’Est. Je voudrais vraiment mettre l’accent sur le fait que les musiques folkloriques de l’Est ne sont pas des musiques « exotiques », comme le croient de nombreuses personnes en Europe.

J’ai rencontré plusieurs personnes travaillant dans le milieu des « musiques du monde » qui considèrent ces musiques comme exotiques, un peu légères, mais pas moi.

Quand j’ai vécu en Russie, j’ai souvent constaté, de nombreuses fois, que beaucoup de choses nous liaient musicalement parlant, de l’Asie centrale aux républiques de l’Est. J’y ai trouvé des contrastes très fort et le tout mis ensemble forme quelque chose de très harmonieux. Avec des sonorités et des influences différentes, il est possible de former quelque chose d’harmonieux.

Faut-il en déduire qu’il y a des racines communes entre la Russie, Touva et la Bulgarie ?

MA : Absolument, oui. Ça a été mon intuition au départ et, quand on a commencé à travailler là-dessus, notamment avec un professeur spécialisé sur la question, j’ai remarqué de nombreux points communs entre les Touvas et les Bulgares. Ils ont une racine commune, notamment sur le plan historique ; ils ont émigré en même temps, ont vécu dans une zone géographique très proche les uns les autres…

HUUN-HUUR-TU : Dans notre culture, on a toujours eu, on a encore et on aura toujours une inspiration chamanique. Les chamanes utilisent la même façon de travailler la voix, les mêmes variantes et pour eux ça a été toujours aussi clairs que pour nous. Les Tibétains se sont inspirés de la musique de Touva. Ils travaillent surtout la sonorité alors que nous, on insiste plutôt sur l’aspect mélodique.

Un trio pour trois cultures

Mikhail ALPERIN, qu’est-ce qui a motivé la création du MOSCOW ART TRIO ?

MA : Le MOSCOW ART TRIO est une idée liée à ce projet de rencontre avec les chanteuses bulgares et les Touvas. Quand j’ai commencé à rêver de travailler avec une nouvelle formation, j’ai cherché quelque chose qui rassemble les trois cultures. Sergey STAROSTIN est un authentique chanteur folklorique, Arkady SHILKLOPER (qui malheureusement n’a pas pu venir pour ce concert de Strasbourg) a fait l’Académie de musique et a également une formation de chanteur classique et moi, je suis en quelque sorte le représentant « jazz ». L’idée, c’était vraiment de réunir trois personnes issues de mondes différents, mais qui peuvent créer ensemble.

Comment s’est passée votre première rencontre avec HUUN-HUUR-TU et ANGELITE et comment en êtes-vous venus à enregistrer deux disques ?

Sergey STAROSTIN : Au début, personne ne savait ce qui allait se passer, sauf une personne, Mikhail. Quand on s’est rencontrés tous ensemble en Bulgarie, à Sofia, on s’est regardés comme si on était dans un zoo, à reluquer les animaux sauvages qui nous paraissent bizarres !

On s’est demandés : « Mais comment allons-nous communiquer ? » On ne comprenait pas la langue de l’autre ! On s’est parlé un peu en russe, mais les Bulgares ne parlaient pas le russe… Mais en fin de compte, c’est la musique qui a servi de langue commune, et on a constitué un répertoire et enregistré le premier CD. Quand les chanteuses bulgares et les Touvas se sont mis à chanter, on a tout de suite ressenti une harmonie, on pouvait se comprendre, échanger des choses et voilà !

Quand on a commencé à se produire en live, il s’est passé plusieurs choses qui nous ont permis d’évoluer et d’enrichir le répertoire, notamment en improvisant. Et c’est cela qui a servi de contact humain entre nous. C’est de là qu’on a pu continuer à travailler sur ce projet.

Mikhail ALPERIN, je sais que vous êtes également très porté sur la musique norvégienne, pensez-vous qu’elle pourrait être pareillement intégrée à ce projet ?

MA : Bien sûr, bien sûr ! On l’a déjà fait, du reste ! J’ai écrit un « rap » russo-norvégien pour le chœur bulgare. Pour moi, c’est quelque chose de très naturel que de faire ça. Il est très important pour faire cela d’avoir l’esprit « vide », de permettre au mental de se reposer afin d’être disponible ensuite pour recevoir les choses. De là, nos sentiments, nos impressions et nos intuitions peuvent s’imprégner des choses.

Un potentiel contre la fatalité

Dans le spectacle que vous avez donné pour le festival Babel, il y avait des nouveaux morceaux par rapport aux deux disques, Fly, Fly My Sadness et Mountain Tale… Le projet ne cesse donc d’évoluer ?

MA : Bien sûr. Depuis le début, la maison d’édition allemande JARO nous a organisé des tournées, nous a soutenus, nous a aidés et a produit nos deux albums. Mais on a signé un contrat en 1995 avec eux pour une durée de 5 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2000. Par conséquent, il est bien possible que nous ayons donné là notre dernier concert tous ensemble… C’est dommage, car les concerts sont notre principal réseau de diffusion et de vente de disques. Par exemple, au concert que nous avons donné à Los Angeles, on a vendu pour près de 7000 dollars de disques, mais ça ne veut pas dire que ça permettra à chaque chanteuse bulgare de se nourrir une fois par jour !

Si on vous donne les moyens de poursuivre votre aventure, envisagez-vous de sortir un nouveau disque ?

MA : Ce projet a un potentiel énorme, colossal. Je dois dire qu’aujourd’hui aucun sponsor dans le monde entier ne nous a proposé un seul kopeck et c’est pourquoi, malheureusement, ce projet doit mourir !

Comment sont répartis les bénéfices ?

MA : C’est moi qui prend tout ! (rires) Bon, comme vous avez pu le remarquer, ce projet inclut pas mal de monde et depuis le début n’est porté que par l’enthousiasme. Aucun d’entre nous n’aurait pu y participer s’il n’avait à côté son propre travail qui lui permet de vivre. Pour ma part, je suis professeur au conservatoire en Norvège et le MOSCOW ART TRIO se produit beaucoup en tournée. HUUN-HUUR-TU et ANGELITE font également beaucoup de tournées… Mais le projet qui les réunit ne génère pratiquement pas d’argent.

Place Rouge

Avez-vous eu l’occasion de vous produire en Russie et si oui, quelles furent les réactions ?

MA : On a joué une fois sur la Place rouge, à Moscou. Il y avait 80 000 adolescents bourrés et on peut s’estimer heureux d’avoir pu sortir vivants de la scène ! Ils nous ont jeté plein de briquets ; on a été contents que ce ne soit pas des bouteilles vides ! L’entrée était gratuite et en plus « on » leur avait promis un concert de rock ! (rires)

Théoriquement, les Russes sont plus ouverts aujourd’hui qu’ils ne l’ont été. Je pense que la Russie a évolué dans un sens meilleur. Par exemple, chez nous, on nous a demandés des autographes, c’est incroyable !

Un taxi pour Touva

Et à Touva, la musique traditionnelle a-t-elle pris plus de place ?

HUUN-HUUR-TU : Oui, depuis toujours. Quand nos parents et nos grands-parents sont allés à Moscou, ils ont présenté et joué notre musique ; ce n’était peut-être pas aussi présentable ou populaire, mais bon… Aujourd’hui, il y a de plus en plus de place pour notre musique.

Pourquoi le cheval tient-il une place prépondérante dans les chansons traditionnelles de Touva ?

HHT : Pour nous, c’est un animal héroïque, dans tous les sens du terme.

MA : Et c’est le seul taxi qu’ils connaissent ! (rires)

Faut pas exagérer…

HHT : Sinon, je dois dire une chose. J’ai eu l’occasion de voir un reportage sur Canal + à propos de la Mongolie dans lequel on pouvait entendre notre musique. Pour nous, c’est absolument désagréable de voir qu’on utilise la musique de Touva pour illustrer un reportage sur la Mongolie ! Ça nous a beaucoup fâchés ! On a remarqué que les Français mélangeaient tout. C’est comme si on avait mis de la musique allemande dans un documentaire sur la France ! Les Italiens, les Français, les Anglais, etc., ont beau vivre à côté les uns des autres, ils ont des cultures différentes, non ? Vous devez savoir ce que vous présentez, ne pas mélanger le noir et le blanc.

Vous a-t-on déjà confondus avec les Tibétains ?

HHT : Non, pas encore. Bon si, parfois, en concert ; mais ce n’est pas le plus grave. Mais quand il s’agit d’un reportage à la télévision, le fait d’illustrer la musique d’un pays par celle d’un autre, c’est assez énervant !

Bon alors, le chant de gorge que vous pratiquez, que ce soit le khoomei, le sygyt ou le kargyraa, est de quelle origine, mongole ou touva ?

HHT : C’est de Touva. Et on n’aime pas que les gens confondent les deux cultures, car on se considère comme différents.

MA : Eh bien moi, je ne suis pas d’accord ! Je ne sens pas de différence. Je suis peut-être idiot, mais tant pis ! (rires)

Propos recueillis par Stéphane Fougère
lors du festival Babel en juillet 2000

* * * * * *

Additif : une légende à l’épreuve de la scène

Lors de ce qui fut sans doute la seule et unique programmation en France (le feu festival Babel en 2000) du projet impliquant le chœur bulgare ANGELITE, le quartette folk de la République de Touva HUUN-HUUR-TU et le MOSCOW ART TRIO, Mikhail ALPERIN nous avait révélé être assez sceptique quant à la perspective de maintenir cette création en activité scénique et discographique du fait du budget colossal dont elle avait besoin. Sans parler du fait que les trois ensembles étaient également occupés par leur propre carrière…Mais de loin en loin, le projet a manifestement pu se produire ici et là, en tout cas au moins une fois en 2004, à Belgrade, comme en témoigne un enregistrement live, titré Legend, publié en double CD en 2010 par le label JARO Medien, qui avait déjà sorti les deux disques studio du groupe.

Pourquoi a-t-il fallu attendre six ans pour voir sortir ce concert en CD est un de ces mystères éditoriaux comme l’industrie du disque se plaît à en concevoir, mais Legend permet de célébrer un événement musical qui a débuté quinze ans auparavant. Avec le recul, que ce dantesque rassemblement de presque 30 artistes ait même pu, à l’époque, réaliser deux disques et se produire dans plusieurs pays tient déjà du miracle ! Il manquait un témoignage live de son existence, le vide est désormais comblé avec la publication de ce double CD qui contient le concert complet donné au Sava Center, dans la capitale de la Serbie.

Le répertoire joué ce soir-là permet aux connaisseurs de retrouver les émotions qu’ils ont dû éprouver lors de la découverte de ce projet cross-culturel, en même temps qu’il offre aux curieux et aux retardataires la possibilité d’ouvrir une porte sur l’une des plus improbables mises en commun de voix, de chants, de sons, de thèmes, de constructions harmoniques et d’improvisations dont les racines proviennent de cultures ancestrales et toujours vivantes, qui plus est prêtes à dialoguer, à rencontrer l’autre, à oser le mélange sans rien perdre de leurs identités propres.

Le concert démarre comme a commencé l’histoire, soit avec les deux premières compositions du premier album, Fly, Fly My Sadness et Legend, qui confrontent toutes deux les voix célestes des « Anges » bulgares avec les voix rustiques et les chants de gorge sépulcraux des nomades des steppes centre-asiatiques. L’interprétation en est impeccable, et est restituée avec une très belle prise de son qui en accentue les reliefs. Les versions jouées sur scène sont même plus longues que leurs versions studio, signe que la partition n’a pas empêché quelques détours ou ajouts…

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Après nous avoir projeté en orbite avec ces deux pièces spirituellement chargées, le solo de melodica d’ALPERIN à la fin de Legend offre l’opportunité de redescendre progressivement sur terre et d’enchaîner sans prévenir sur le répertoire du plus controversé deuxième album, Mountain Tale, en débouchant justement sur le théâtre sonore naturaliste de Mountain Fairytale, qui sera en fait le seul morceau sur lequel les membres des trois groupes se retrouvent (sans pourtant jouer à l’unisson).

Le reste du temps, les compositions impliquent plutôt deux groupes, soit les Bulgares et les Russes, comme sur l’enjoué New Skomorohi, soit les Bulgares et les Touvas (sur les deux premières pièces ainsi que sur Lonely Bird, tiré aussi du premier album). Mais on cherche toujours la pièce qui aurait pu concilier le trio moscovite et le quartette touva…

Au rang des surprises, on découvre une version de Sunrise, à l’origine un chant bulgare doublé par un chant russe, qui est prolongée par un thème folklorique extrait du répertoire de HUUN-HUUR-TU. Vrai-faux inédit, Journey combine le délicat morceau d’introduction de Mountain Tale, Midnight Tale – lui-même synthèse d’un chant interprété par deux voix bulgares et d’un chant de Sergey STAROSTIN – avec son Epilogue, qui en est la reprise, devenant ainsi une plus longue litanie toujours aussi aérienne.

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ANGELITE complète aussi ce concert avec une pièce de son riche répertoire qui ne figure sur aucun des deux CD studio du projet tripartite, il s’agit de Mehmetio, une pièce du compositeur bulgare Ivan SPASOV dans laquelle le chœur féminin multiplie les canons pour tisser une toile vocale éthérée et féerique.

Le set se termine avec un morceau de Mountain Tale, le fameux Grand Finale, précisément conçu pour clôturer les concerts, dans lequel chacun des groupes interprète tour à tour une pièce de son répertoire. Ici, cette suite voit sa durée littéralement doubler (24 minutes !) du fait que Mikhail ALPERIN se lance dans une séquence piano solo aux multiples rebondissements.

En rappel, nous avons droit à trois (courtes) pièces pour le prix d’une, puisque chaque groupe revient jouer à nouveau un morceau de son répertoire : ANGELITE joue aux montagnes russes (pardon… bulgares!) vocales avec Geore Dos ; HUUN-HUUR-TU part au grand galop avec Rushing Horses (Eki Attar) et le MOSCOW ART TRIO conclue avec une fantaisie de son cru qu’il a coutume de jouer à la fin de ses concerts, Wedding in the Wild Forest. En fait, ces rappels sont comme des cartes de visite de chacun des ensembles. On aurait cependant aimé un final plus à l’unisson, mais il faut savoir aussi afficher ses différences… en toute convivialité ! De toute façon, les applaudissements fusent à la fin, preuve qu’en 2004 la magie du projet opérait toujours et encore… (Et pour ceux qui en voudraient encore, ce concert à Belgrade a aussi été filmé et circule sur la toile…)

À ses débuts, ce projet initié (ou plutôt ce rêve fait) par Misha ALPERIN était comme un saut dans l’inconnu et nul ne savait où il allait mener, ni même s’il allait « fonctionner ». Depuis, il est devenu une référence comme une source d’inspiration tant pour ses acteurs que pour ses auditeurs et ses spectateurs. Rassembler, faire chanter et jouer ensemble trois ensembles représentant chacun une tradition musicale différente (bulgare, touva et russe) tenait de la gageure ; il a généré en fait un univers musical original, unique et singulier qui tutoie les étoiles en plus des émotions les plus profondes et des visions spirituelles les plus élevées.

Article réalisé par Stéphane Fougère
– Photos concert : Sylvie Hamon
(Article original publié dans  ETHNOTEMPOS n°7 – novembre 2000,
remanié, complété et mis à jour en 2018)

 

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DISCOGRAPHIE
BULGARIAN VOICES ANGELITE,
HUUN-HUUR-TU & MOSCOW ART TRIO

 

THE BULGARIAN VOICES « ANGELITE » feat. HUUN-HUUR-TU & Sergey STAROSTIN :
Fly, Fly My Sadness
(Jaro Medien GmbH/Origins-EMI – 1996)

THE BULGARIAN VOICES « ANGELITE » & MOSCOW ART TRIO with HUUN-HUUR-TU :
Mountain Tale
(Jaro Medien GmbH – 1998)

THE BULGARIAN VOICES ANGELITE with HUUN-HUUR-TU & MOSCOW ART TRIO :
Legend
(JARO Medien GmbH – 2010)

DISCOGRAPHIE ANGELITE

The Nidaros Concert (JARO Medien GmbH – 1983 ; rééd. Melody, Rythm & Harmony, JARO Medien GmbH – 1993)

A Cathedral Concert (JARO Medien GmbH – 1988)

Mysteries (JARO Medien GmbH – 1991)

From Bulgaria with Love (JARO Medien GmbH – 1992)

Lale Li Si (JARO Medien GmbH – 1994)

Live in Kobe (JARO import japonais – 1996)

Mercy for the Living (JARO Medien GmbH – 1999)

Balkan Passions (JARO Medien GmbH – 2002)

Angel’s Christmas (JARO Medien GmbH – 2003)

Passion & Tales (DVD) (JARO Medien GmbH – 2007)

Angelina (JARO Medien GmbH – 2013)

Passion · Mysticism & Delight (JARO Medien GmbH – 2017)

DISCOGRAPHIE HUUN-HUUR-TU

60 Horses in My Herd (Shanachie 1993 ; rééd. JARO Medien GmbH – 1996)

The Orphan’s Lament (Shanachie 1994 ; rééd. JARO Medien GmbH – 1997)

If I’d Been Born an Eagle (Shanachie 1997 ; rééd. JARO Medien GmbH – 1998)

Where Young Grass Grows (Shanachie – 1999)

Best Live 1 (Green Wave Records – 2001 / rééd. Best Live JARO Medien GmbH – 2001)

Best Live 2 (Green Wave Records – 2001 / rééd. More Live JARO Medien GmbH – 2002)

Spirits from Tuva (JARO Medien GmbH – 2002)

HUUN-HUUR-TU / MALERIJA (Green Wave Records – 2003)

Altai Sayan Tandy-Uula (Green Wave Records – 2004)

Live In Munich (DVD) ( JARO Medien GmbH – 2007)

HUUN-HUUR-TU In Tuva. Been Away For A While… (DVD) (Green Wave Records – 2004)

Mother-Earth! Father-Sky! (with SAINKHO) (JARO Medien GmbH – 2008)

Eternal (with Carmen RIZZO) (Electrofone Music – 2009)

Ancestors Call (Green Wave Records / World Village – 2010)

DISCOGRAPHIE MOSCOW ART TRIO

Mikhail ALPERIN, Arkady SHILKLOPER, Sergey STAROSTIN : Prayer
(RDM, 1993, Silex-Auvidis, 1994, Jaro Medien GmbH, 1995)

Mikhail ALPERIN : Folk Dreams
(Jaro Medien GmbH – 1995)

The Hamburg Concert (JARO Medien GmbH – 1996)

Music (JARO Medien GmbH – 1996)

Live In Karlsruhe (Boheme Music – 1998)

Once Upon A Time (JARO Medien GmbH – 2001)

Instead Of Making Children (JARO Medien GmbH – 2006)

In Concert (DVD) (JARO Medien GmbH – 2007)

Village Variations (with THE NORWEGIAN CHAMBER ORCHESTRA) (JARO Medien GmbH – 2008)

Live in Holland (JARO Medien GmbH – 2009)

 

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