CHET NUNETA – Pangea

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CHET NUNETA – Pangea
(Mon Slip / Le Chant du Monde)

chet-nuneta-pangeaImaginez un festival où seraient invités des formations vocales féminines comme LE MYSTÈRE DES VOIX BULGARES, VÄRTTINÄ, LA MAL COIFFEE, TYVA KYZY et à qui on aurait proposé d’échanger leurs répertoires. Ajoutez quelques percussionnistes de renom, tel Hossam RAMZY, Soungalo COULIBALY, Zakir HUSSAIN, Glen VELEZ, Trilok GURTU, etc. Mélangez le tout, et vous obtenez CHET NUNETA !

Quatre ans après nous avoir emmené Ailleurs, les voix et les percussions de CHET NUNETA nous invitent à revenir ici, sur notre bonne vieille Terre, telle qu’elle fut et sera encore, à n’en pas douter. Désormais, les quatre sirènes gourmandes de CHET NUNETA (toujours appuyées par le percussionniste tout-terrain Michaël FERNANDEZ) chantent un seul continent, celui qui a émergé il y a 250 ans, avant qu’il ne se fragmente et parte à la dérive… Ce super-continent porte le nom de Pangée. Et parce que la Terre tourne et bouge, cette Pangée finira bien par se reconstituer d’ici 250 ans. Il faut donc dès maintenant en chanter l’avènement, préparer les chants traditionnels et populaires de cette Terre réconciliée avec les parties d’elle-même.

Avec Pangea, CHET NUNETA livre quelque pistes, en mariant par exemple des langues et des rythmes situées aux antipodes les uns des autres : le chant napolitain y croise le roumain, le mandarin fait des politesses au français, l’espagnol roucoule avec le bulgare, l’arménien s’y fond avec le sanskrit… Si chez les Surréalistes « les mots font l’amour », chez CHET NUNETA, les langues s’accouplent. Et ce faisant, les distances s’annihilent. Ce qui était loin se fait plus proche, ce qui est à côté est propulsé sur la ligne d’horizon, générant ainsi une musique anamorphique qui aurait haché menu toutes les frontières officielles.

Cela dit, CHET NUNETA n’a pas non plus systématisé les rencontres de langues. Sur d’autres morceaux, une seule langue suffit à singulariser le paysage. D’entrée, nous sommes ainsi plongés au cœur de la Sibérie avec Komi (nom d’une ethnie), pour un chant qui prend vite des allures technoïdes tout en restant « bio ». C’est une autre ethnie minoritaire qui est célébrée dans Abee, à savoir les M’bochis du Congo. Pour le reste, on entend chanter en rromani, en ladino, en créole, en moldave, en arabe et… en anglais, à condition que ce soit pour entonner un Pygmee Blues dénonçant les méfaits de la déforestation ! Dans Paradis Sott’e ‘ncoppa, on nous parle de la mafia, et c’est la colère d’une femme créole qui tonne et résonne dans Roseda Vieja Sirena. A ces coups de gueule militants contrastent des chants plus romantiques (Caminata, Indiambedagets) ou oniriques (Ni Yuan Bu Yuan). Quand on voyage autour du monde, il est normal que l’amour soit conjugué sous toutes les coutures…

L’anamorphisme culturel est aussi exploité par CHET NUNETA par les jeux de rythmes, que l’on cherche à rendre les plus inattendus possible. C’est ainsi qu’un chant arabo-andalou prend des allures de reggae (Rasta Riyad). Mais le brouillage de pistes tient bien sûr à l’usage de percussions diverses en dehors de leur contexte d’origine (de même que les cordes : guitare, guembri, dilruba, koto, banjo…). Et sur Pangea plus encore que sur Ailleurs, la profusion percussive est de mise : tambour basse, tabla, bambou, berimbau, rototoms, kutuwapa, tammora, sonnailles et percussions corporelles émaillent de leurs timbres des chants à la fois enracinés et décontextualisés, repensés, réécrits, réorientés, voire créés de toutes pièces…

Car l’autre grande nouveauté exposée dans Pangea, c’est la présence de compositions, là où Ailleurs était surtout constitué de réarrangements de thèmes traditionnels. Ceux-ci n’ont évidemment pas disparu, mais ils côtoient sur cette Pangée des créations originales qui sont majoritairement le fait de la fondatrice du groupe, Juliette ROUSSILLE. Mais en fait, tout le monde a mis son grain de sel à un endroit ou à un autre pour engendrer un album à la fois tonique et poétique, jubilatoire et bigarré, et surtout généreux en ravissements lyriques, en frappes épicées et en étrangetés polyphoniques.

Bienvenue sur un continent unique aux inspirations multiples et aux racines nomades. C’est Pangea, une Gaïa transcontinentale où les chants des peuples d’ici sont projetés vers demain.

Site : http://chetnuneta.net/

Stéphane Fougère

 

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