Cie MONTANARO – D’Amor de Guerra

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Cie MONTANARO – D’Amor de Guerra
(NordSud)

Dix ans après sa création, la Compagnie MONTANARO s’est imposée comme entité artistique à la pointe des métissages et des musiques traditionnelles évolutives après s’être donné les moyens de ses prétentions en ne se constituant que d’artistes déjà aguerris à l’art du croisement musical. En l’occurrence, on y trouve, outre Miqueù MONTANARO aux flûtes, galoubet-tambourin et accordéon, Laurence BOURDIN à la vielle à roue, Baltazar MONTANARO au violon, Serge PESCE à la guitare « accomodée », Estelle ANSELLEM à la contrebasse, Fabrice GAUDÉ à la batterie et aux percussions, et la plasticienne Niké NAGY. Fidèle à son ancrage provençal et à sa vision décomplexée des ouvertures et des métissages, le nomade artistique qu’est Miqueù MONTANARO s’est attelé à un projet ambitieux qui n’a, on vous rassure, rien à voir avec les boursouflures médiatico-bling-bling marchandisées.

Préparé depuis quelques années, éprouvé sur scène sous diverses formules, exploré par de nombreuses pistes, enrichi des multiples rencontres, musicales comme humaines, faites à travers six pays et cinq résidences artistiques, le projet D’Amor de Guerra fait enfin l’objet d’une parution discographique sous la forme d’un coffret de deux CD. Et le contenant laisse à peine présager de tout ce qui a porté cette nouvelle création de la Compagnie MONTANARO.

Gageons qu’il ne s’agit là que d’une première trace, car D’Amor de Guerra est présentée comme une création en quatre actes impliquant plusieurs disciplines artistiques et musiciens. C’est dire si ce double album n’est qu’un aspect de l’aventure initiée par la Compagnie MONTANARO, et qu’il faut lui ajouter également son pendant scénique, lequel est agrémenté des performances visuelles de Niké NAGY. Quoi qu’il en soit, l’écoute seule de ce coffret promet de grands moments d’émotion et de réflexion. Car D’amor de Guerra est avant tout le récit de situations humaines, retranscrites par le prisme artistique de la Compagnie MONTANARO.

Le CD 1 dévoile un corpus de chansons et de pièces instrumentales souvent enchaînées qui forme, sinon un album concept, une suite de tableaux évoquant les étapes du parcours suivi par MONTANARO et ses compagnons dans l’élaboration de cette œuvre.

Car c’est sur le terrain que la Compagnie MONTANARO est allée expérimenter ses rencontres musicales, et ce terrain ne fut rien moins qu’accidenté. Khartoum, Gaza, Medellin, Soweto, Bamako, Djakarta, Budapest, Cotonou, autant de points sur la carte du monde où se jouent toute l’histoire du Monde : récits de guerre, de résistances, de peurs et de pleurs face aux conflits armés, mais aussi clameurs de liberté, expressions du désir de continuer à vivre, à aimer et à créer, voilà ce qui a nourri D’Amor de Guerra.

Les chansons qui constituent cette épopée sont portées par des textes qui s’inscrivent dans la tradition folk, populaire, et chaque phrase, chaque mot a été pensé et pesé – sous l’oreille attentive du slammeur Frédéric NEVCHEHIRLIAN – pour viser juste, c’est-à-dire être accessible à l’auditeur moyen (pas de lourdeur ésotérique) tout en faisant acte de fulgurance poétique. « Il y a ceux qu’on abat, il y a ceux qui se couchent, ceux qui ferment leurs bouches, ceux qui vont au combat », entend-on dans Ballade à deux balles. Ou bien : « Entre Dieu, Bouddha ou Allah, la mort ne choisit pas. » (Mal) Ou encore : « Chaque fois que j’ai voulu mourir, un nouveau chant est né de vos sourires. » (À mes amours).

En dépit des interventions ponctuelles de NEVCHIHIRLIAN et de Niké NAGY, Miqueù MONTANARO s’est ici imposé comme l’unique chanteur « lead », chantant en français et en occitan. Nulle autre voix ne s’est jointe à l’évocation de ces amours de guerre, ce que l’on peut un tant soi peu regretter, car c’est par exemple la complémentarité des voix de MONTANARO et de Sylvie BERGER qui faisait tout le charme de La Polonaise.

Cependant, les sentiments exprimés dans les chansons déploient une belle amplitude émotionnelle. Peines, douleurs, colères, larmes, inquiétudes, sourires et même rires se reflètent dans une armature musicale riche d’influences. La Compagnie MONTANARO nous ballade avec sa frénésie habituelle du folk au jazz en passant par les musiques improvisées et les traditions d’Europe de l’est à celles du Moyen-Orient, autant de mondes brassés et malaxés en une expression aussi diverse dans ses inspirations qu’homogène dans ses rendus.

Comme on l’a dit, D’Amor de Guerra est un double album. Mais l’œuvre en elle-même tient tout entière dans le premier CD. Le second disque a pour titre Carnets de campagnes, et il est un complément, pour ne pas dire un compagnon de routes, à D’Amor de Guerra. Il se distingue toutefois de l’opus-titre par sa forme, son intention et son contenu, qui n’a rien à voir avec des bouts d’essai ou des versions alternatives ou démo des pièces du premier CD. En fait, ces « Carnets » rassemblent des enregistrements effectués en majorité lors des résidences de la Compagnie MONTANARO au Soudan, en Israël ou au Québec et au cours desquelles se sont joints divers musiciens locaux.

Certes, il ne faut pas chercher ici l’unité sonore du CD 1, car la Compagnie MONTANARO apparait dans ces Carnets de campagnes en « pièces détachées », chaque morceau étant joué par une formation « informelle » distincte, et donc une instrumentation chaque fois différente.

De même, les sources d’inspiration de la Compagnie sont comme éclatées, diversement focalisées d’un morceau à l’autre, eu égard au bagage culturel des musiciens rencontrés ici et là. On y entend aussi plusieurs langues, de l’occitan, du hongrois, de l’arabe, du roumain, du français, du japonais, parfois au sein d’une même pièce. On passe d’un chant soliste à du chant polyphonique, d’une pièce instrumentale jouée en duo à une autre en formation élargie, et l’on retrouve même un thème de VENTS D’EST (Orient-Express, de l’album Migrations) dans une version autrement décoiffante.

La pléthore de musiciens et chanteurs/chanteuses que l’on entend dans ces Carnets est éloquente. Quel rapport y a-t-il entre Abbas el NOOR, Teresa SOULEYMAN, Catherine JAUNIAUX, Youssef H’BEICH, Pedro ALEDO ou Daniel HERRERO, pour ne citer qu’eux, si ce n’est qu’ils ont tous croisé la route de la Compagnie et lui ont insufflé les orientations de son opus ?

Ce second CD peut en tout cas s’écouter indépendamment du premier, et passionnera les amateurs de rencontres transculturelles plus ou moins spontanées. Improvisés ou non, ces morceaux ont une vie propre, une autonomie artistique et esthétique qui ne les empêchent nullement d’être liés à la thématique générale de D’Amor de Guerra, dont ils éclairent la genèse. On ne voit pas du reste comment ils pourraient ne pas y être liés, car ils illustrent on ne peut mieux cette volonté d’échange, de partage que MONTANARO a constamment mis en œuvre. Sauf que cette fois, elle atteint une dimension universelle jamais encore égalée (sauf peut-être dans Messatge).

Ce coffret devrait donc plaire à la fois aux férus du versant folk évolutif de MONTANARO qu’aux passionnés de ces croisements avec d’autres mondes, traditionnels ou contemporains.

Stéphane Fougère

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS en 2010)

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Entretien avec Miqueù MONTANARO

Parmi toutes tes récentes créations, D’Amor de Guerra est celle qui semble la plus ambitieuse, puisqu’elle a déjà pris différentes formes…

Miqueù MONTANARO : Oui. Depuis des années, j’avais envie de faire un spectacle autour de l’amour en guerre. Il était prévu que ce spectacle prenne quatre formes. Petit à petit, chacune se met en place : il y a la partie « concert » avec VENTS D’EST, qu’on a commencé à jouer depuis l’automne 2007, notamment au chapiteau des TURBULENTS ; fin mars 2008, il y a eu la création de la musique pour la chorégraphie de William PETIT et sa compagnie RIALTO FABRIK NOMADE. J’ai créé une nouvelle musique pour son Kabaret Nomade, un spectacle de danse contemporaine qui fait appel à beaucoup d’éléments de tradition et une façon de faire entrer le public dans la danse, de lui parler, d’être proche des gens, qui correspond complètement à ce que j’aime faire, à la musique que je pratique. Il m’a paru naturel de m’appuyer sur William PETIT pour faire cela, d’autant que sa compagnie, internationalement reconnue, est varoise, tout comme la nôtre. Ce projet a donc permis un travail de collaboration entre deux compagnies du Var qui tournent partout ailleurs, et d’implanter un travail de fond dans le département.

C’est la première fois que tu travailles avec cette compagnie ?

MM : Oui, c’est la première fois que je travaille avec William PETIT, mais il se trouve que sa compagnie utilisait des musiques de VENTS D’EST pour des ateliers et des stages avec des enfants. Au début, William pensait que VENTS D’EST était un groupe hongrois ! (rires) Et quand il a enfin découvert, très tard, que j’habitais dans le Var, il m’a immédiatement contacté. Je suis allé voir son spectacle et j’ai pensé que c’était le genre de chorégraphie qui allait convenir à la partie « spectacle de danse » d’Amor de Guerra. J’avais en effet émis « en théorie », sans avoir d’idée vraiment pratique, qu’il y ait un spectacle de danse contemporaine dans ce projet D’Amor de Guerra, autour des questions qu’il soulevait. Et là, ça tombait vraiment très bien ! La chorégraphie évolutive du Kabaret Nomade permettait de faire en même temps une nouvelle création musicale et intégrer ce nouveau spectacle dans D’Amor de Guerra de façon très naturelle.

Même chose pour la partie « musique de rue » : il y a le projet de bateau sur la Méditerranée. Il n’est pas du tout abandonné puisqu’il a été repris par des amis turcs dans le cadre d’« Istanbul, capitale européenne de la culture » en 2010. C’est du reste pourquoi je vais assez souvent à Istanbul ces derniers temps. Et au mois de décembre 2007, nous avons eu une séance de travail avec un ensemble d’Istanbul, qui s’appelle KOLEKTIF ISTANBUL justement, pour répéter une commande de ce projet de bateau qui s’appelle Hommage à Istanbul. Et en répétant cet hommage, on s’est rendus compte que leur musique et la mienne se correspondaient vraiment. On a décidé de passer tout le répertoire de musique de rue d’Amor de Guerra au KOLEKTIF ISTANBUL et de travailler avec lui sur cette partie-là.

Qu’en est-il de la configuration de VENTS D’EST ? Est-ce la même que sur les précédentes créations ?

MM : Non, elle a un peu changé parce que certains musiciens ont évolué dans leur pratique. Sous son nom, GHYMES est devenu un groupe de variété en Hongrie, à succès en plus, ce qui est très bien pour eux ! Mais ils n’ont plus le temps, plus le goût pour une musique construite, avec beaucoup d’accords, de travail, de préparation… Ils sont dans un autre type de musique maintenant. Mais il reste quand même une grande base des musiciens de l’autre groupe de VENTS D’EST, VUJICSIS, et ceux de GHYMES qui ont voulu continuer à faire ce type de musique. Et il y a bien sûr tout le renfort des musiciens de la Compagnie MONTANARO, les deux trios (IMAGINOGÈNE et L’ORA DAURADA), et Baltazar MONTANARO, qui a repris le violon solo. Il a repris à son compte le violon des gens qui lui ont appris à jouer, entre autres (rires). Il est très à l’aise dans ce rôle.

Et cette partie-là a aussi des formules à neuf musiciens, au lieu de quinze. Ce sont des formules plus compactes où chaque musicien peut prendre davantage la parole sans que le spectacle ne souffre trop du nombre de musiciens.

Ça fait longtemps que tu as eu cette idée de mêler concert, spectacle de rue, spectacle visuel, etc. ?

MM : J’avance vers cela depuis un bon moment. Il y a eu l’Opéra Dona, La Polonaise, pour laquelle j’ai commencé à utiliser des images, des films. Là, j’ai voulu avancer vers un spectacle total sur un sujet grave, mais traité d’une façon positive. Je ne pourrais pas le faire si je n’avais été sur les lieux, si ces histoires ne m’étaient pas arrivées, si j’avais fait cela à partir d’articles de journaux… Le fait d’être en contact, d’avoir partagé avec des gens très positifs des expériences dures… et c’est de ces personnes positives dont j’ai envie de parler, pas nécessairement des expériences dures, parce que ça, c’est facile : il suffit d’ouvrir le journal, et il y en a tous les jours en quantité ! J’ai l’impression parfois que c’est fait exprès pour que les gens qui lisent ça se disent qu’on ne peut rien faire, qu’il faut laisser tomber…

Mais quand on est sur place, on voit que des gens « font », avec rien, avec trois bricoles… Ils essaient de maintenir le flambeau d’une espérance, d’une beauté, créer, prendre la parole et au milieu du risque général ils prennent des risques artistiques en plus. C’est de ces personnes-là dont j’ai envie de parler…

Traces de guerre et (é)preuves d’amour

D’amor de Guerra : ce titre joue sur les extrêmes. Comptes-tu évoquer tous les aspects et nuances qui existent entre ces deux réalités ?

MM : Cela aurait pu aussi s’appeler « Respect et Combat ». J’avais fait une liste incroyable de titres possibles ! C’est devenu « d’amour de guerre » parce qu’il y a effectivement beaucoup de formes d’amour, et beaucoup de formes de guerre. Le travail qu’on a fait avec LES TURBULENTS fait partie de ce combat qu’on mène tous les jours contre la méconnaissance des maladies mentales, l’indifférence. C’est un combat pour la beauté par des gens qui n’ont pas tous les moyens à disposition, mais qui mettent tous les moyens qu’ils ont à la disposition d’une œuvre.

Très souvent, il y a des gens qui ont beaucoup de moyens mais ne s’en servent pas, ou très mal. Avec LES TURBULENTS, l’expérience a montré que lorsqu’on réunit tout ce qu’on a et qu’on le mobilise sur un projet, ça produit des émotions très fortes. On oublie parfois, dans les milieux musicaux, que la musique, avant d’être des notes, c’est aussi des émotions. Ce sont des vibrations porteuses d’autres sentiments profonds qui sont à l’intérieur de l’humain et qui, par la musique, entrent en résonance avec d’autres personnes.

Je viens d’animer un stage fantastique avec des gens qui se sont « mis à nu » parce qu’ils avaient confiance en tout le reste du groupe. Ils ont osé s’ouvrir, sortir leurs voix, leurs idées musicales et oser jouer, se dire « c’est possible de créer », même avec des moyens limités. Il faut oser, ensuite, aller chercher les vocabulaires, les expressions possibles pour rendre cela très vivant, beau et fort.

C’est un processus qui demande du temps…

MM : Ce travail prend certes du temps, mais il est essentiel. Et il faut aller vite à l’essentiel. Après, il faut, avec de la patience, le rendre solide, indestructible. Il faut prendre le bon chemin. Une fois qu’il est pris… Et c’est fantastique de voir comme, en une semaine, les gens peuvent s’ouvrir ! La musique sert à cela. Si c’est pour montrer qu’on sait bien jouer les double-croches, personnellement ça ne m’intéresse pas.

C’est un peu la conclusion du stage : tout le monde a donné sa première improvisation en public, et tout le monde s’est senti léger. Il y en a un qui m’a dit « je n’ai pas fait grand-chose, quand même ». Je lui ai répondu : « Oui, tu n’as pas dit grand-chose, mais tu as osé le dire, et tu as mis le pas sur le chemin ! » Après, le chemin est long, et pas tout droit, et même assez « caillasseux ». Mais une fois qu’on l’a pris, les choses se mettent en place derrière.

Les différentes formes prises par cette création devrait lui permettre d’être programmée dans plusieurs contextes scéniques…

MM : Jusqu’à présent, on est en pourparlers avec cinq/six festivals pour jouer l’ensemble du projet, qui est quand même lourd. C’est pourquoi je tiens à ce que chaque partie soit indépendante et qu’elle soit en même temps à l’intérieur d’un projet. Il y a des fils conducteurs qui traversent la partie rue, la partie spectacle chanté, la chorégraphie et le bal. Chaque partie peut être jouée seule, et toutes peuvent s’enchaîner. L’idéal serait de pouvoir toutes les enchaîner… Cela semble possible, mais il faut que les gens s’engagent avec nous. Il y a des festivals qui nous font une totale confiance et qui ont déjà pris une option là-dessus, d’autres qui se posent la question « est-ce que ce ne sera pas trop…? » On verra…

Quand seront venus les jours où cette création pourra être représentée en intégralité, comptes-tu en garder des traces ?

MM : Bien sûr. On va travailler sur « des traces », plusieurs traces. Déjà, l’ensemble du spectacle inclut deux graphistes, une peintre et un dessinateur, qui dessinent à partir des textes, et de leur vécu aussi. Nous étions ensemble sur une résidence de création graphique et musicale au Soudan, avec des musiciens soudanais. En fait, il y a cette grande ligne d’Amor de Guerra qui génère des rencontres, des collaborations, et tout cela est pris en hôte pour pouvoir au bout du compte rassembler une documentation publiable d’un côté, et un ouvrage discographique.

On ne sait pas encore quelle forme ça va prendre. Avec Buda Musique, on s’est vraiment engagé à le faire ensemble ! Mais on ne sait pas encore dans quel état sera l’édition discographique dans deux ans. Buda sait qu’ils vont enregistrer des disques, les fabriquer, garder un support. Il va se passer avec le disque la même chose qu’avec le livre. On dit que les gens ne lisent plus, qu’il n’y a plus de livres, mais il n’y a jamais eu autant de publications. Et il y a toutes les formes : du livre papier fait à la main jusqu’au livre virtuel, qu’on peut imprimer à la maison page à page après l’avoir acheté. Entre les deux, il y a tout. On ne sait encore ce qui sera choisi. Mais de toute façon, le bel objet existera, parce que je crois toujours au bel objet.

C’est une prise de position, à une époque où le support dématérialisé fait fureur…

MM : Les bagages qui contiennent mes instruments sont en cuir. Ils sont très beaux et très pratiques, résistants et inusables – en tout cas toujours réparables. Et de plus, ce sont des médias extraordinaires, parce que ces objets font parler. Je ne peux pas être dans le métro à Paris, ou dans une rue n’importe où au monde sans que des gens m’interpellent pour me demander ce que j’ai sur le dos. Immédiatement, on entre en contact, on se parle, on exprime des choses ; ça crée un halo de sympathie, les gens parlent entre eux. Des gens dans le métro qui d’ordinaire ne se parlent pas se mettent alors à parler parce qu’il y a cet objet qui crée le lien, l’intérêt. Le cuir, c’est noble, c’est chaleureux. C’est pourquoi je crois qu’il ne faut pas désespérer. Cela implique certainement plus de difficultés, plus de patience aussi, et, pour ce qui est du support disque, pas forcément des ventes grandioses.

Mais je me rends compte, depuis le temps que je fais des CD, depuis 1990, que ceux-ci ne se sont pas usés. Les gens découvrent ces disques et ont l’impression que je les ai faits l’année dernière. Ils sont intemporels. Je continue à penser qu’il me faut travailler dans cette intemporalité, qui est un chemin personnel étayé par mes apprentissages, mes collaborations, de tous les échanges qui peuvent être faits. C’est étayé, ça évolue, mais en même temps il y a une constance qui fait que si quelqu’un découvre aujourd’hui mon œuvre, il peut écouter un disque que j’ai fait il y a vingt ans ou un disque que j’ai fait la semaine dernière, et ça ne changera pas beaucoup dans le fond. Ça ne suit pas les modes.

Propos recueillis par Stéphane Fougère
Photos : Sylvie Hamon & Stéphane Fougère

(Entretien original publié dans
ETHNOTEMPOS n°38 – printemps 2008)

Site : https://compagnie-montanaro.com/

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